Eric Schmitt

LES PIVOINES

ÉTUDE SYSTÉMATIQUE DU GENRE PAEONIA L.

Plantes de Montagne et de Rocaille

Société des Amateurs de Jardins Alpin

1996-2000

Les Pivoines font partie des plantes indispensables dans un jardin. Néanmoins, on ne connaît généralement que les variétés horticoles à fleurs spectaculaires, alors qu'il existe de nombreuses espèces botaniques dignes d'intérêt, mais qui sont inconnues de la plupart des jardiniers.

Si toutes n'ont pas leur place dans une rocaille à cause de leur grande taille, ce sont par contre, d'authentiques plantes de montagne. Elles intéressent donc l'amateur de jardins alpins. Le collectionneur sera aussi intéressé par leur diversité géographique et par la recherche des diverses sous-espèces et variétés, endémiques pour la plupart.

Mais la littérature horticole ne dresse en général que la liste des espèces le plus souvent rencontrées dans les jardins, permettant difficilement une identification précise des différentes variétés. De plus, les données fournies suivent généralement la classification de Stern, datée de 1946.

Cette étude a pour but d'identifier l'ensemble des espèces connues à ce jour, de dresser la liste des synonymes et de réactualiser les données systématiques.

GÉNÉRALITÉS

FAMILLE

Longtemps classé dans la famille des Ranunculaceae, il est admis aujourd'hui, que le genre Paeonia appartient à la famille des Paeoniaceae qui peut se définir de la façon suivante :

- Plantes arbustives ou herbacées, vivaces, à feuilles alternes, composées, biternées, sans stipules;

- Fleurs hermaphrodites, généralement solitaires, à pièces disposées en spirale sur un réceptacle charnu; 3 à 7 sépales libres, coriaces et persistants, 5 à 10 (13) pétales libres, étamines nombreuses à disposition centrifuge, (1) 2 à 8 carpelles libres;

- Fruit composé de (1) 2 à 8 follicules à ouverture longitudinale, renfermant plusieurs grosses graines brillantes, arillées, disposées sur 2 rangs.

Selon les auteurs, cette famille comporte le plus souvent, le seul genre Paeonia. On y ajoute parfois le genre Glaucidium, qui diffère de Paeonia par la présence de 4 sépales pétaloides, l'abscence de pétales et des graines ailées plus petites.

Le positionnement de la famille est également sujet à controverse. Hutchinson (1973) place les Paeoniaceae en tête de l'ordre des Ranales, et estime que cette famille constitue le lien entre les Magnoliaceae et les Helleboraceae (famille le plus souvent incluse dans les Ranunculaceae). A. l'inverse, Cronquist (1988) juge que la présence d'un disque charnu, la disposition centrifuge des étamines et les graines arillées, suffisent à exclure les Paeoniaceae de l'ordre des Ranales, et place donc cette famille dans l'ordre des Dilleniales qui comprend aussi la famille essentiellement tropicale des Dilleniaceae.

CLASSIFICATION

La dernière classification systématique du genre Paeonia a été établie par F. C. Stern en 1946, dans sa monographie A Study of the Genus Paeonia. Elle fait encore référence aujourd'hui,

Stern a divisé le genre en trois sections:

- Moutan, comprenant l'ensemble des espèces arbustives, subdivisée en deux sous-sections : vaginatae et delavayanae.

- Onaepia, pour les deux espèces américaines.

- Paeon, regroupant toutes les espèces herbacées, subdivisée en deux sous-sections: foliolatae et dissectifoliae, elles-mêmes subdivisées en plusieurs groupes.

Cette classification a été révisée à partir de 1986 par un systématicien anglais, Ray Cooper, qui a conservé les subdivisions de Stern, en y intégrant les nouvelles espèces décrites depuis 1946, ainsi que les modifications taxinomiques. Elle est donnée en annexe dans l'ouvrage de M. Rivière.

La présente étude reprend la classification de Stern réactualisée tout en apportant certaines informations parues entre 1986 et 1995.

ESPÈCES

En 1946 , Stern reconnaissait 33 espèces et 14 variétés. Actuellement, le genre peut se décomposer de la façon suivante :

- espèces : 47 dont 2 très incertaines;

- sous-espèces : 19 (comprenant les sous-espèces types) dont une incertaine;

- variétés : 18;

- formes : 4.

Le statut de certains taxons étant imprécis, il est évident que cette répartition pourra par la suite être modifiée. De plus, il est toujours possible que de nouvelles pivoines soient découvertes.

DISTRIBUTION GÉOGRAPHIQUE

Les pivoines sont présentes uniquement dans l'hémisphère nord, dans les zones méditerranéennes, tempérées et continentales, principalement dans les montagnes.

Elles occupent les 4 continents de manière très inégale :

Amérique, avec deux espèces isolées aux caractères bien distincts, présentes uniquement sur la côte ouest des États-Unis.

Afrique, avec deux sous-espèces de P. mascula présentes dans les montagnes du nord de l'Algérie et du Maroc. La présence de ces 2 sous-espèces sur ce continent est due aux liens étroits qui unissent la flore d'Afrique du Nord avec celle du bassin méditerranéen et en particulier avec la flore ibérique.

Europe, dominée principalement par P. mascula et P. officinalis réparties au nord de la Méditerranée et dans les Balkans. La présence de pivoines dans les îles donne lieu à plusieurs espèces ou sous-espèces isolées à caractère endémique. P. peregrina est concentrée surtout dans les Balkans; P. tenuifolia et P. anomala sont, en Europe, à la limite de leur aire de répartition.

Asie, caractérisée par la présence d'espèces arbustives et herbacées.

Parmi les espèces herbacées, on peut noter P. anomala, espèce à répartition très large, de la Russie d'Europe jusqu'à la Chine, en passant par l'Asie centrale et la Sibérie. Le Caucase est la seule zone de répartition du groupe Wittmanniana; on y trouve également P. tenuifolia et P. mascula à la limite de son aire. Dans l'extrême est-asiatique, on trouve surtout P. lactiflora et P. obovata, espèces très répandues, les autres espèces étant surtout limitées à la Chine.

Les espèces arbustives sont présentes uniquement en Chine et principalement dans les provinces du Sichuan et du Yunnan. De plus, la Chine est le pays qui compte le plus de pivoines, 18 espèces réparties dans le centre, le nord et l'est du pays.

CULTURE

Les pivoines botaniques sont des plantes de culture assez facile. Quelques remarques sont cependant nécessaires.

Elles poussent de préférence dans des sols neutres ou calcaires, ou légèrement acides, toujours bien drainés, en exposition ensoleillée ou peu ombrée. Les espèces herbacées sont des plantes vivaces hémicryptophytes, c'est à dire qui émettent des tiges au printemps pour fleurir, le feuillage permettant en été la reconstitution des réserves qui assureront la pérennité de la plante sous la forme d'une souche tubérisée. Elles peuvent donc nécessiter quelques arrosages afin d'éviter le dessèchement prématuré des tiges.

Les pivoines sont des plantes lentes à s'installer, qui n'aiment pas être dérangées. Toute transplantation doit s'effectuer en fin d'été pendant la période de repos. Les éclats replantés doivent être à peine enterrés, sous peine de bloquer la floraison. Mais une fois en place, les pivoines peuvent vivre plusieurs décennies sans perdre de leur vigueur.

Les espèces et sous-espèces méditerranéennes peuvent manquer de rusticité car elles entrent souvent tôt en végétation, et craignent de ce fait les gelées tardives.

Les pivoines arbustives sont des plantes parfaitement rustiques, seuls les bourgeons terminaux de P. suffruticosa peuvent être détruits par les gelées tardives car elle a une végétation plus précoce. Elles ne nécessitent pas de tailles particulières, hormis la suppression de vieilles branches sur des plantes âgées.

La multiplication des pivoines botaniques se fera surtout par semis. Cette technique permet de réunir progressivement une collection assez complète par l'intermédiaire des catalogues d'associations d'amateurs, car ces pivoines sont peu répandues dans le commerce. Néanmoins, le semis demande beaucoup de patience, car la germination des graines s'effectue généralement un an après le semis. Il faut attendre 5 à 7 ans avant de voir les premières fleurs et pouvoir vérifier ainsi l'authenticité de ses plantes. De plus, des risques d'hybridation sont possibles lorsque plusieurs espèces fleurissent en même temps.

Les pivoines herbacées peuvent également être multipliées par division des souches. Cette technique permet de fournir des plantes sûres de leur identité, sans aucun risque d'hybridation. Cependant elle ne permet d'obtenir que très peu de plantes et ne peut s'effectuer qu'avec des plantes déjà âgées. La division s'effectuera fin août-septembre, en prenant soin de faire des éclats comportant 3 ou 4 bourgeons bien développés, qui assureront une floraison dès le printemps ou l'année suivante (à suivre).


La section Moutan De Candolle ***


La section Onaepia Lindley

Elle comprend seulement deux espèces américaines réunies dans un seul groupe. Elles se caractérisent par des tiges herbacées, des pétales ne dépassant pas les sépales, par la présence de lobes charnus à la base des carpelles et des graines cylindriques plutôt que ovoïdes.

Onaepia est l'anagramme de Paeonia.


Groupe Brownii

P. brownii Douglas ex Hooker, 1829

Tiges plus ou moins rampantes de 20 à 40 cm de haut, portant parfois 1 ou 2 branches axillaires et 5 à 8 feuilles. Feuilles glabres, ternées ou biternées, généralement glauques, épaisses et un peu charnues. Segments primaires à base brusquement contractée, pétioles composés de 13 à 44 segments secondaires elliptiques à extrémité obtuse. Sépales orbiculaires, concaves de 10 à 15 mm de long; pétales arrondis ou orbiculaires, de 8 à 13 mm de long, plus petits que les sépales, marron avec une marge jaunâtre ou verdâtres, épais et coriaces; fleurs de 2-3 cm de diamètre, retombant dans le feuillage. 2 à 5 follicules oblongs, glabres, de 2 à 4 cm de long. Floraison en juin-juillet.

2n = 10 (Stebbins & Ellerton, 1939; Stern, 1943b)

Présente dans les états de Washington et Oregon (chaîne des Cascades : Wenatchee Monts, Mont Hood), sud-est de l'Oregon (Blue Mountains), sud-ouest de l'Idaho (Comté de Owyhee), est du Wyoming (une seule localité) Nord de la Californie (Mont Shasta, région des lacs) et centre (Santa Clara, Mont Hamilton, à l'est de San Francisco) où elle pousse dans les montagnes entre 900 et 1800 m jusqu'à la limite des neiges éternelles.

Les flores de Californie et des états voisins situent également P. brownii dans l'Utah et l'Alberta, ce qui n'est pas confirmé par Stebbins (1938).

P. brownii entre en végétation pendant la saison pluvieuse au printemps, fleurit et produit des graines au début de la sécheresse estivale, puis disparaît et hiverne sous la neige.


P. californica Nuttall ex Torrey & A. Gray, 1838

Synonymes : P. brownii var. californica (Nuttall) ex Torrey & A. Gray) Lynch, 1890;

P. brownii subsp. californica (Nuttall ex Torrey & A. Gray) Abrams, 1944

Tiges de 35 à 75 cm toujours ramifiées portant 7 à 12 feuilles, les premières ramifications munies parfois de branches secondaires. Feuilles glabres, ternées ou biternées, vertes, fines. Segments primaires à base, cunéiforme, sessiles ou très brièvement pétioles, composés de 10 à 17 segments secondaires lancéolés ou étroitement elliptiques à extrémité aiguë. Pétales elliptiques de 15 à 25 mm de long, rouge noirâtre très sombre avec une marge rosée, un peu plus long que les sépales. 2 à 5 follicules glabres.

2n = 10 : Stebbins & Ellerton (1939) ; Stern (1943 b)

Répartition uniquement en Californie le long de la côte, dans le centre (Monterey), autour de Los Angeles (Santa Barbara, Santa Monica, San Bernardino) et dans le sud, à la frontière mexicaine (San Diego). Elle pousse dans les forêts claires, le Chapparal (maquis californien) et les collines, du niveau de la mer jusqu'à 1 200 m.

Elle entre très tôt en végétation pendant l'automne pluvieux pour fleurir fin mars, puis se met en dormance pendant la saison sèche.

P. brownii et P. californica sont deux espèces isolées dans le genre Paeonia. Elles ont été décrites comme deux espèces distinctes d'après des critères que l'on retrouve cependant sur chacune d'entre elles et ont longtemps été considérées comme une seule et même espèce, différant selon des facteurs géographiques ou écologiques.

Stebbins (1938) a réalisé une étude plus approfondie de ces deux espèces, en se basant sur des échantillons récoltés dans différentes stations représentatives de leurs aires de répartition. ^

II a ainsi démontré que P. brownii ne pousse qu'en situation semixérophyte. Elle supporte très bien les hivers relativement froids et humides mais nécessite une période de quasi-sécheresse en fin de croissance et pendant la floraison. Elle est cependant en régression dans les zones les plus arides du centre de la Californie où les plantes observées ne fleurissent pratiquement pas.

A l'inverse, P. californica ne pousse que dans des zones très sèches où elle s'est adaptée en inversant son cycle de dormance (cas unique de dormance estivale chez les pivoines). Sa végétation est plus développée dans les stations situées le plus au nord, mais elle ne pousse pas dans les biotopes à l'intérieur de son aire qui correspondrait aux exigences de P. brownii.

Ces deux espèces dérivent d'un même type disparu aujourd'hui, aux exigences écologiques proches de nos pivoines actuelles et apparenté à Paeonia delavayi.

P. californica, qui serait l'espèce la plus primitive, a conservé descaractères de son ancêtre et présente quelques similitudes avec l'espèce chinoise : forme et couleur de la fleur, aspect du feuillage, port de la plante avec des ramifications; mais s'est adaptée aux conditions climatiques du sud de la Californie. P. brownii a gardé de son ancêtre un tesoin en eau plus important et une résistance au froid mais a évolué vers un type plus spécifique unique chez les pivoines : pétales nettement plus courts que les sépales, feuillage glauque et charnu, et une adaptation à la sécheresse estivale.

Selon Stebbins, l'espèce disparue aurait été présente en Californie au Secondaire (Crétacé) ou au début du Tertiaire (environ 100 millions d'années).

Pan (1995) précise que la différenciation du type ancestral (qui serait arbustif) vers les deux espèces actuelles s'est produite au cours du Miocène (à la fin du Tertiaire, il y a environ 20 millions d'années).

Paeonia brownii et californica présentent peu d'intérêt du point de vue horticole et sont inconnues dans nos jardins. De plus elles ont la réputation d'être incultivables.

Si P. californica ne peut être cultivée sous nos climats à cause de son origine géographique et de son cycle végétatif (croissance hivernale), P. brownii devrait être nettement plus facile à conserver, ses exigences étant assez proches des espèces méditerranéennes. La possibilité d'obtenir des graines provenant du nord de l'aire de répartition de l'espèce devrait en outre, assurer une bonne rusticité des plantes.

Toutefois, lorsque l'on dispose de graines, la levée se fait correctement, mais les plantules sont généralement détruites la seconde année au démarrage de la végétation par une pourriture du collet.

D. Dujardin (Cour-trai, Belgique) cultive néanmoins depuis trois ans P. brownii en pleine terre sans aucune protection. La plante pousse peu mais semble mieux se comporter au printemps 1996, peut-être du fait de la sécheresse qui se prolonge depuis l'automne précédent.


La section Paeon De Candolle, 1824

Elle regroupe l'ensemble des espèces herbacées, mais se différencie du groupe Onaepia par ses pétales plus longs que les sépales et par l'abscence d'excroissances charnues sur le disque.

Sous-section Foliolatae F.C. Stern, 1946

Cette subdivision concerne l'ensemble des espèces présentant des segments foliaires entiers. Elle est divisée en sept groupes.

L'ordre de traitement des groupes suit la distribution géographique des espèces :

- groupes Broteroi et Cambessedesii, endémiques de la péninsule ibérique,

- groupe Mascula, large répartition dans le bassin méditerranéen jusqu'au Caucase et Moyen-Orient,

- groupe Wittmanniana, endémique du Caucase,

- groupe Obovata, Mairei, Lactiflora, répartition dans l'extrême est asiatique.


Groupe Broteroi

Une seule espèce originaire de la péninsule ibérique.

P. broteroi Boissier & Reuter, 1842

Synonymes : P. broteroi var ovatifolia Boissier & Reuter, 1842;

P. corallina var broteroi (Boissier & Reuter) Cosson, 1887;

P. mascula subsp. broteroi (Boissier & Reuter) Couthino;

P. mascula var ovatifolia (Boissier & Reuter) Couthino;

P. officinalis subsp. broteroi (Boissier & Reuter) Rivas-Goday & Borja, 1961 comb. inval. ;

P. lobata auct. non Desfontaisnes;

P. lusitanica auct. non Miller;

P. lusitanica var. ovatifolia (Boissier & Reuter) Couthino.

Tiges glabres de plus de 50 cm. Feuilles de la base uni ou biternées, composées de 9 à 17-20 segments. Folioles primaires souvent pennatiséquées. Segments glabres, glauques au-dessous, étroitement elliptiques, à extrémité aiguë. Fleurs de 8 à 13 cm de diamètre, rosé-pourpré, filets blanc-verdâtre à jaunes. 2 à 5 follicules de 1,5 à 4,5 cm fortement tomenteux, avril à juin.

2n = 10 : Stern (1943b); Fernandes & Queiros (1971, Serra de Monchique, sud du Portugal); Fernandez Casas & Ruiz Rejon (1974, Granada, Cordoba, sud de l'Espagne).

2n = 20 : une population dans le centre-ouest de l'Espagne, province de Salamanca (Elena-Rosselo & al., 1986).

Sud, centre et ouest de l'Espagne, sud et centre du Portugal, dans les forêts de chênes et au bord des rivières, sur sol acide ou calcaire entre 100 et 1 850 m.

Les botanistes espagnols ont traité Paeonia broteroi comme une sous-espèce de P. mascula ou de P. officinalis, ou sous la dénomination P. lusitanica.

Néanmoins, il s'agit d'une espèce bien distincte, largement répartie dans la péninsule ibérique mais à caractère endémique car il n'existe pas d'autres espèces directement affiliées à P. broteroi en Europe ou en Afrique du Nord.

Son caractère essentiellement diploïde en fait une espèce relique dont, selon Stebbins (1939), on retrouve l'influence dans les formes tétraploïdes de P. mascula situées à l'ouest du bassin méditerranéen.


Groupe Cambessedesii

Ce groupe ne comprend qu'une seule espèce. Il avait été créé par Stern sous le nom de Groupe Russoi pour P. cambessedesii et P. russoi, actuellement considérée comme une sous-espèce de P. mascula.


P. cambessedesii (Willkomm) Willkomm in Willkomm & Lange, 1880

Basionyme : P. corallina var cambessedesii Willkomm, 1875.

Synonymes : P. mascula subsp. cambessedesii (Willkomm) 0. Bolos & Vigo, 1974.

Tiges de 20 à 50 cm. Feuilles de la base biternées avec généralement 9 folioles lancéolées ou ovales, parfois elliptiques, glabres, lavées de pourpre au-dessus et nettement pourpres au dessous. Fleurs de 6 à 10 cm de diamètre, rosé-pourpre. 5 à 8 follicules glabres et pourpres de 6 cm de long. Floraison de mars à juin.

2n = 10 : Stern (1943b), Cardona (1974), Akeroyd (1993).

Endémique des Baléares, dans les îles de Mallorca, Menorca et Cabrera, où elle pousse dans les terrains rocheux calcaires entre 30 et 1 400 m. Cette espèce est menacée de disparition.

Stapf (1931), en établissant un parallèle entre les espèces à carpelles glabres et celles à carpelles tomenteux, incluait P. cambessedesii dans P. corsica à carpelles glabres, dont il situait la répartition aux Baléares, centre et sud de la Corse, nord de la Sardaigne; l'espèce parallèle étant P. russoi.

Cardona (1977) étudiant P. cambessedesii, la considère également comme très proche de P. corsica, espèce généralement placée comme synonyme de P. mascula subsp. coriacea.

Elle est cependant plus proche de P. mascula subsp. russoi par sa taille, la forme de ses feuilles, l'aspect de ses fleurs et son caractère diploïde. La différence majeure entre les deux taxons reste l'aspect entièrement glabre de P. cambessedesii et la couleur particulière de son feuillage. Malgré son origine, elle est bien rustique au nord de la France, même sans protection hivernale.


Groupe Mascula

Ce groupe comprend Paeonia mascula, subdivisée en huit sous-espèces réparties dans le bassin méditerranéen et le Moyen-Orient. Les populations du Caucase, généralement rattachées aux sous-espèces mascula ou triternata, sont traitées comme deux espèces distinctes : P. caucasica et P. ruprechtiana.

P. kesrouanensis et P. turcica, endémiques de Turquie et du Moyen-Orient sont également étudiées.

Ce groupe avait été créé par Stern avec P. mascula, P. daurica, P. kesrouanensis et P. banatica, actuellement considérée comme une sous-espèce dans le groupe Officinalis.

Ray Cooper place également dans ce groupe P. parnassica d'après la forme de ses folioles. Elle est cependant plus proche de P. peregrina et traitée à ses côtés.


P. mascula (Linné) Miller, 1768

Basionyme : P. officinalis var. mascula Linné, 1753.

Synonymes : P. corallina Retzius, 1783;

P. officinalis subsp. corallina (Retzius) Fiori, 1924.

Tiges de 20 à 80 cm. Feuilles simplement biternées ou avec quelques folioles divisées. 9 à 16 jusqu'à 21 segments étroitement à largement elliptiques, ovales ou orbiculaires, glabres ou pubescents au-dessous. Fleurs de 8 à 14 cm de diamètre, rouges ou rarement blanches, 2-3 à 5-6 follicules de 2 à 4 cm habituellement pubescents, arrondis à l'extrémité avec un stigmate sessile, parfois longuement amincis vers le stigmate.


Subsp. coriacea (Boissier) Malagarriga, 1975

Basionyme : P. coriacea Boissier, 1838.

Synonymes : P. corsica Sieber ex-Tausch, 1828;

P. corallina var. leiocarpa Cosson, 1850;

P. corallina var. coriacea (Boissier) Cosson, 1887;

P. corallina var. corsica (Sieber ex-Tausch) Cosson, 1887;

P. russoi var. reverchonii Legrand, 1899;

P. mascula var. corsica (Sieber ex-Tausch) Gürcke, 1903;

P. officinalis subsp. corallina var. corsica (Sieber ex-Tausch) Fiori, 1924;

P. mascula var. maroccana Pau & Font Quer, 1928;

P. corallina var. maroccana (Pau & Font Quer) Maire, 1932;

P. russoi var. leiocarpa (Cosson) F. C. Stern, 1943;

P. corallina subsp. corsica (Sieber ex-Tausch) Cifferi & Giacomini, 1954 comb. inval.;

P. officinalis subsp. coriacea (Boissier) Rivas-Goday & Borja, 1961 comb. inval.;

P. corallina subsp. coriacea (Boissier) Maire, 1964.

Tiges de 50 à 100 cm. Feuilles coriaces avec 9 à 16 segments plus ou moins pétioles, ovoïdes à ovales-lancéolés à revers glauque ou rougeâtre, glabre ou parfois légèrement pubescent. Fleurs rosé pourpre, 2-3 à 5 follicules de 2,5 à 6 cm de long, plus ou moins érigés, glabres, glauques ou lavés de rouge, avec l'extrémité amincie vers le stigmate. Floraison d'avril à juin (juillet).

2n = 20: Stebbins (1939, sud de l'Espagne, Maroc), Contandriopoulos (1962, sud de la Corse), Maire (1964), Munoz-Garmendia & Navarro (1993).

Répartition dans le sud de l'Espagne (bois, maquis et zones rocailleuses calcaires entre (700) 1 200 et 2 000 m), dans le sud de la Corse (massif de Cagna) et au Maroc dans le Rif, le Moyen Atlas et le Grand Atlas entre 1 100 et 2 200 m dans des zones bien arrosées.

Elle est également mentionnée en Sardaigne par Pignatti (1982) et Akeroyd (1993), ce qui n'est pas confirmé dans Y Atlas Flora Europaea.

Les populations marocaines avaient d'abord été identifiées comme la variété maroccana, à feuilles plus acuminées que chez les populations ibères, mais ont ensuite été rattachées au type coriacea.

La détermination du taxon corse est controversée. Il a été décrit comme une espèce distincte de P. russoi sous le nom de Paeonia corsica (1828). La courte description de Tausch, basée sur un échantillon d'herbier récolté dans le massif de Cagna et nommé corsica par Sieber précise : fruits glabres érigés; feuilles biternées, segments étroits ovoïdes acuminés subglabres. Il a ensuite été reconnu comme la variété leiocarpa de P. corallina (1850) mais c'est la dénomination corsica qui est généralement reconnue au rang spécifique ou comme variété de P. corallina ou P. mascula. P. cambessedesii a également été reconnue comme synonyme de P. corsica (Cosson, 1887; Rouy & Foucaud, 1893; Briquet, 1903; Stapf, 1931).

Stern (1943) reconnaissait en Corse deux variétés de P. russoi :

Var. leiocarpa (Cosson) F.C. Stern

Basionyme : P. corallina var. leiocarpa Cosson.

Diffère de P. russoi par ses carpelles glabres lavés de rouge ; et de la variété reverchonii par ses folioles vert foncé avec des nervures rougeâtres, glabres ou légèrement pubescentes au-dessous.

Var. reverchonii Legrand

Diffère uniquement par ses carpelles glabres. Variété originaire du sud de la Corse et de la Sardaigne.

Ces deux variétés étaient également retenues dans la première édition de Flora Europaea (1964), Cullen & Heywood précisant qu'elles présentent des caractères intermédiaires entre P. russoi et P. coriacea. Le caractère glabre des carpelles de ces deux variétés les rapproche cependant plus de la sous-espèce coriacea.

Jovet & Vilmorin (1972) reconnaissent également P. mascula var leiocarpa comme « plante du Midi méditerranéen et de Corse ». J. Gamisans (1985) et les botanistes corses identifient les populations du massif de Cagna comme la variété corsica de P. mascula subsp. russoi, taxon reconnu dans le « Livre Rouge de la Flore menacée de France ». Néanmoins, la description de P. mascula subsp. russoi citée dans le Livre Rouge se rapporte plus à la sous-espèce coriacea par certains de ses caractères (hauteur 5 à 8 dm. folioles glabres à la face inférieure, carpelles tomenteux ou glabres). Elle est inscrite en Annexe II des espèces protégées de la flore de France. Ces populations ont été étudiées par J. Contandriopoulos (1962) sous le nom de Paeonia corallina var. leiocarpa (= P. corsica). Elles sont définies comme des endémiques cyrno-sardes (de Corse et Sardaigne) qualifiées de apoendémiques (individus polypioïdes apparus dans une région déterminée, à partir d'un taxon largement répandu généralement diploïde). Ce taxon diploïde est probablement P. mascula subsp. russoi (considéré par Contandriopoulos comme P. corallina var. pubescens) qui se rencontre également en Corse et Sardaigne. L'influence d'autres espèces semble aussi se retrouver. Les carpelles glabres lavés de rouge rappellent P. cambessedesii dont de nombreux auteurs estiment qu'il s'agit de l'espèce la plus proche; tandis que la taille plus élevée, les tiges et feuilles glabres avec des nervures rougeâtres montrent peut-être l'influence de P. broteroi. Ces hypothèses, appuyées par les études de Stebbins (1939), sont le fait que la Méditerranée est une mer d'origine relativement récente et que, au milieu de l'ère Tertiaire (Eocène, Oligocène, il y a environ 50 millions d'années), Corse, Sardaigne, Baléares, et la péninsule ibérique formaient un massif commun où les formes les plus anciennes de pivoines ont pu s'hybrider. Ce massif s'est disloqué au cours du Miocène (fin du Tertiaire il y a 20 millions d'années) formant ainsi les ébauches des îles actuelles abritant des formes endémiques. P. corsica, P. corallina var. leiocarpa et autres dénominations apparentées sont actuellement considérées comme synonymes de P. mascula subsp. coriacea par Pignatti (1982), Jalas & Suominen (1991) et Kerguelen (1993). Akeroyd (1993) place P. corsica comme synonyme de P. mascula subsp. russoi mais situe bien P. coriacea en Corse et Sardaigne. Le taxon corse est donc très proche des populations ibères ou marocaines de P. mascula subsp. coriacea. Parmi les principales différences entre les deux populations, on peut noter : les tiges, pétioles, revers des feuilles et 3 à 5 carpelles rouges chez les plantes corses (tiges, feuillage et 2 à 3 carpelles glauques chez le type ibère). Les folioles des plantes corses sont également étroitement elliptiques et longuement acuminées alors qu'elles sont nettement plus larges chez les plantes d'Espagne.

Quant au statut général de Paeonia coriacea, il reste imprécis. Les botanistes la traitent soit comme une espèce distincte (Pignatti, Akeroyd, Munoz-Garmendia & Navarro), soit comme une sous-espèce de P. mascula (Jalas & Suominen, Kerguelen), dont la différence majeure est la forme des carpelles.


Subsp. atlantica (Cosson) W. Greuter & Burdet, 1982

Basionyme : P. corallina var atlantica Cosson, 1887.

Synonymes : P. russoi sensu Battandier var. coriacea Cosson ex Battandier & Trabut, 1888;

P. algeriensis Chabert, 1889;

P. atlantica (Cosson) Kralik ex Trabut, 1889 in herbier;

P. coriacea var. atlantica (Cosson) Stern, 1943;

P. corallina subsp. atlantica (Cosson) Maire, 1964.

Tiges glabres de 40 à 80 cm de haut. Feuilles biternées, coriaces, vert foncé au-dessus, glauques et pubescentes au-dessous. Segments oblongs ou ovoïdes-oblongs, rarement acuminés. Segment terminal longuement pétiole, les latéraux subsessiles. Fleurs rosés, 2 (à 5) follicules de 3 à 3,5 cm de long et 1,5 cm de large, glabres à pruine bleutée et disposés à l'horizontale. Floraison en mai-juin.

2n = 20; Stebbins (1939, Algérie, Djebel Majus, cité sous P. coriacea); Rogers (1995).

Originaire de Kabylie dans le nord de l'Algérie (monts Babor, Tababort, forêts de Gerouch, Goubia, Tedelfeit, Akfadou, Djebel Djurdjura), entre 1100 et 2 200 m dans les zones ombrées et bien arrosées des montagnes calcaires ou siliceuses.

Stern (1943), considérait cette sous-espèce comme une variété de P. coriacea du fait du peu de différences entre ces deux plantes. Munoz-Garmendia et Navarro (1993) incluent les populations algériennes dans la sous-espèce coriacea, considérant que des individus à feuilles glabres cohabitent avec d'autres à feuilles pubescentes dans certaines stations espagnoles.

Mme P. Lebreton qui a observé dans leur milieu naturel et cultivé dans son jardin les deux sous-espèces estime néanmoins que les deux plantes sont bien différentes, la sous-espèce coriacea présentant un feuillage plus glauque et une végétation très précoce, qui la rend sensible aux gelées tardives.

L'observation d'échantillons d'herbiers (Laboratoire de Phanérogamie, Paris) montre également que les plantes d'Algérie ont généralement des folioles très larges avec une extrémité arrondie ou légèrement pointue mais non aiguë et toujours pubescentes, tandis que les plantes d'Espagne et du Maroc ont des folioles toujours glabres, plus étroites et aiguës ou longuement acuminées. Les carpelles de ces dernières sont plus étroits et jamais disposés complètement à l'horizontale. Des échantillons de P. mascula subsp. coriacea récoltés dans la Sierra de Grazalema (Reverchon n° 346,1890) présentent des feuilles typiques des populations espagnoles tandis que d'autres ont des folioles ovales très larges comme chez celles d'Algérie.

P. mascula subsp. atlantica peut donc être reconnue comme une sous-espèce distincte de la sous-espèce coriacea, mais n'en est certainement qu'une variation géographique.


Subsp. russoi (Bivona) Cullen & Heywood, 1964

Basionyme : P. russoi Bivona, 1816.

Synonymes : P. corallina var pubescens Moris, 1837;

P. corallina subsp. russoi (Bivona) Nyman;

P. corallina var. russoi (Bivona) Cosson, 1887;

P. ovatifolia sensu Rouy & Foucaud, 1893 non Boissier & Reuter;

P. triternata sensu Rouy & Foucaud, 1903 non Boissier;

P. glabrescens Jordan, 1903;

P. revelieri Jordan, 1903;

P. officinalis subsp. corallina var. russoi (Bivona) Fiori, 1924.

Tiges de 20 à 45 cm. Feuilles basales avec 9 ou 10 segments largement ellipitiques, partiellement à fortement pubescents et teintés de pourpre au-dessous. Fleurs rouge-pourpré, filets des étamines blancs ou rosés, 1 à 4 follicules légèrement pubescents de 1,5 à 2 cm. Floraison de mars à mai.

2n = 10 : Tzanoudakis (1977), échantillons d'origine grecque; Stearn & Davis (1984) ;Akeroyd (1993).

P. mascula subsp. russoi a été considérée comme tétraploïde (2n = 20) par Stern (1943b), Contandriopoulos (1962), Cullen & Heywood (1964).

Endémique de Corse (dans les châtaigneraies, sous-bois de pin laricio, pelouses), Sardaigne, Sicile, sud de l'Italie (Calabre, cité par Pignatti) et de l'ouest de la Grèce (îles ioniennes et centre-ouest, dans les fourrés, zones rocailleuses calcaires et forêts d'Abies, entre 400 et 900 m).

Cette sous-espèce, relativement rare en Corse et menacée dans ses stations par la cueillette, est inscrite en annexe II des espèces protégées au niveau national. La variété corsica (massif de Cagna, sud de la Corse), reconnue dans le Livre Rouge a été étudiée avec P. mascula subsp. coriacea.

Jalas et Suominen (1991) et Akeroyd (1993) la situent également dans le centre de l'Espagne, mais ces populations correspondent à la sous-espèce mascula.

La planche 3431 du Botanical Magazine (1835) intitulée « Paeonia Russi, Crimson Paeony » représente en fait une forme de Paeonia officinalis. Hooker précise qu'il n'y a pas d'autre nom pour cette pivoine que celui donné par Bivona, mais signale qu'elle présente une grande similitude avec P. humilis (planche 1422). Les premières représentations de pivoines botaniques publiées au début du 19" siècle étaient toujours réalisées à partir de plantes cultivées et certaines erreurs d'identification sont à l'origine de confusions qui persisteront longtemps.

Rouy & Foucaud (Flore de France, 1893) d'après l'étude d'échantillons d'herbiers, reconnaissaient en Corse P. russoi, P. ovatifolia (P. broteroi var. ovatifolia) et P. triternata, ces deux dernières espèces étant totalement absentes de la flore de France. Il s'agit en fait d'erreurs d'identifications basées sur la forme des folioles.

P. mascula subsp. russoi est également une forme relique du bassin méditerranéen, qui serait à l'origine de certaines formes tétraploïdes (Stearn & Davis, se basant sur les études cytologiques de Tzanoudakis). Elle est dédiée au Père Joachim Russo de Monte Cassino, botaniste sicilien, dont le nom a été latinisé en russi par Bivona. Cette orthographe a longtemps été utilisée, mais c'est la dénomination russoi qui est maintenant retenue dans les ouvrages actuels.


Subsp. hellenica Tzanoudakis, 1977

Synonymes : P. flavescens C. Presl, 1822;

P. corallina var. flavescens (C. Presl) Gussone, 1828;

P. mascula var. flavescens (C. Presl) Gürcke, 1903.

Tiges glabres de 30 à 60 cm de haut. Feuilles de la base biternées, avec 9 à 21 folioles, obovoïdes ou elliptiques, brièvement acuminées. Folioles vert-grisâtre au-dessus, glauques et glabres ou pubescentes au-dessous. Fleurs de 10 à 13 cm de diamètre, blanches. 5-7 pétales obovoïdes à orbiculaires, filets des étamines rouge-pourpré, 1 à 5 carpelles (généralement 3), fortement tomenteux, stigmate courbé dès la base. Floraison avril-mai.

2n = 20 : Tzanoudakis (1977), Stearn & Davis (1984); Akeroyd (1993).

Var. hellenica (Tzanoudakis) Stearn & Davis, 1984

Basionyme : P. mascula subsp. hellenica Tzanoudakis, 1977.

9 à 13 folioles presque aussi larges que longues, glabres ou couvertes de poils très fins au-dessous, peu divisées en segments secondaires.

Originaire de Sicile (Etna) et de Grèce, dans l'Attique, le sud du Péloponnèse (Mont Taygète), les îles d'Evvia et Andros, où elle pousse sur substrat schisteux, dans les zones ombrées et humides des forêts d'Abies, ainsi que dans les fourrés de chênes, érables et sur des pentes rocailleuses dégagées entre 400 et 850m.

Var. icarica (Tzanoudakis) Stearn & Davis, 1984

Basionyme : P. mascula subsp. icarica Tzanoudakis, 1977;

11 à 21 folioles nettement plus longues que larges, fortement tomenteuses. Folioles principales divisées en segments secondaires.

Variété limitée à l'île d'Ikaria dans la mer Egée.

Dans les îles de Ewia et Andros, des spécimens présentent des feuilles au revers bien pubescent; tandis qu'à Ikaria, certains sujets ont des feuilles presque glabres. Ces constatations ont donc amené Stearn & Davis à traiter cette pivoine au rang de variété.

Des pivoines à fleurs blanches ont été signalées en Sicile et Grèce dès la fin du 17° siècle, mais elles n'ont été décrites qu'en 1822 sous le nom de Paeonia flavescens, à partir d'un échantillon récolté en 1817 dans les monts Nebrodi, dans le nord-est de la Sicile.

Huth (1892) plaçait P. flavescens comme variété de P. corallina tandis que Schipczinski (1921) la considérait comme une espèce distincte. Ces deux auteurs ne mentionnaient sa présence qu'en Sicile. En revanche. Stern (1943) ne reconnaissait pas d'espèce ou de variété de pivoine blanche dans le groupe mascula.

De nouveaux spécimens furent récoltés en Grèce vers 1949 et il fallut attendre les études de Tzanoudakis (1977) pour que ces populations soient de nouveau reconnues et décrites comme une sous-espèce de P. mascula. P. flavescens a enfin été comparée puis rattachée aux populations grecques par Stearn & Davis.

Cependant, la sous-espèce hellenica n'est pas signalée en Sicile dans Flora Europaea (1993), dans l'Atlas Flora Europaea (1991) ou dans Flora d'Italia (1982).

Mme P. Lebreton a toutefois observé cette pivoine sur les flancs de l'Etna, à 600 m d'altitude, ce qui certifie bien sa présence en Sicile. Elle la cultive avec succès dans son jardin de la Haute-Loire à 930 m d'altitude, en sol acide très bien drainé. La souche est protégée des rigueurs de l'hiver par un paillis de feuilles mortes maintenu par des tuiles. Elle produit des graines qui ont été distribuées sous le nom de Paeonia mascula subsp. « aetnensis ».


Subsp. mascula

Synonymes : P. russoi sensu Battandier, 1888 non Bivona;

P. corallina var. typica Huth, 1892;

P. banatica auct. hongrois.

Tiges jusqu'à 80 cm. Feuilles glabres ou partiellement pubescentes au-dessous, biternées, avec 9-16 et jusqu'à 21 segments elliptiques à ovales. Fleurs rouges; filets des étamines pourpres, (2) 3 à 5 follicules tomenteux de 3 à 4,5 cm. Floraison en Avril-Mai.

2n = 20 : Stebbins (1939); Stern (1943b); Tzanoudakis (1977), échantillons d'origine grecque; Stearn & Davis (1984); Akeroyd (1993).

Répartition en France (centre et nord-est), Espagne (centre et nord. dans les provinces de Soria, Cantabria et Saragosse, sur sols siliceux ou calcaires dans les forêts de Quercus pyrenaica, entre 750 et 1 200 m), Italie (forêts de chênes entre 500 et 1 900 m), Sicile, Yougoslavie, ouest de la Roumanie (région de Timisoara et Moldova Noua), Bulgarie, Grèce (Attique, Ewia et îles de Samos et Lesvos à l'est de la mer Égée, dans les forêts humides et talus calcaires entre 700 et 1 200), Chypre (Mont Troodos), ouest de la Turquie (Antalya).

Zangheri (1976) la situe également en Corse où elle n'a jamais été observée (Gamisans 1985).

Les populations espagnoles ont d'abord été identifiées comme P. mascula subsp. russoi du fait de leur feuillage pubescent. La description donnée par Montserrat-Recoder (1967) précise : 9 à 12 folioles de 6-8 cm de large, subovoïdes, légèrement acuminées avec seulement les folioles terminales latérales divisées en deux segments très inégaux; présence de longs poils au revers, le long des nervures primaires, secondaires et tertiaires. Néanmoins, ces plantes ont été rattachées à la subsp. mascula par Munoz-Gannendia & Navarro (1993) du fait de leur taille plus élevée de et la plus grande dimension des follicules.

En France, P. mascula subsp. mascula se rencontre de façon spontanée dans les départements de la Haute-Marne, Côte-d'Or, Loir-et-Cher. Des stations où elle s'est naturalisée sont présentes dans le Loiret, Vienne, Loir-et-Cher, Deux-Sèvres, essentiellement dans des forêts de châteaux. Elle était également recensée dans l'Yonne et le Gard où elle semble avoir disparu.

Cette espèce a subi une forte régression, de nombreuses stations ayant actuellement disparu. Les quelques localités qui subsistent encore se limitent à quelques individus. Elle est inscrite en Annexe II de la liste des espèces protégées (liste nationale).

Les études anciennes (Andersen, 1817; Cosson, 1887; Huth, 1892; Rouy & Foucaud, 1893) situaient également la sous-espèce mascula en Suisse, Bavière, Autriche; mais ces populations ne sont plus reportées dans la littérature actuelle.

Elle est encore présente dans une localité en Autriche et dans le sud-ouest de la Grande-Bretagne où elle s'est naturalisée.

Les populations de Turquie, Moyen-Orient, Kurdistan et Caucase, généralement identifiées comme appartenant à la sous-espèce mascula, sont traitées sous le nom de P. kavachensis. par Riedl (1969). Un échantillon de Chypre (Mont Troodos, Sintenis et Rigo, n° 854) présente des feuilles très découpées (20 segments elliptiques, étroits et aigus, dont la forme et la disposition ne sont pas sans rappeler Paeonia rhodia). Le caractère de ses feuilles rattache bien cette plante à la sous-espèce mascula.

Les formes orientales de Paeonia mascula ssp. mascula seront étudiées dans le prochain bulletin.

***

La première partie concernait les sous-espèces de P. mascula présentes dans le bassin méditerréen occidental. Cette seconde partie traite des formes orientales de P. mascula


subsp. mascula

Synonymes : P. corallina sensu Boissier, 1867 non Retzius pro parte

P. corallina var. triternata Boissier, 1867 pro parte

P. kavachensis Aznavour, 1917

P. corallina var. orientalis Thiébaut, 1934

P. kurdistanica Zohary, 1941

P. arietina var. orientalis (Thiébaut) Stern, 1943

Tiges jusqu'à 70 cm de haut. Feuilles biternées avec généralement 9 folioles complètement glabres ou légèrement pubescentes, vert foncé brillant au dessus, vert pâle à glaucescent au dessous. Folioles ovoïdes-oblongues ou obovoïdes de 5 à 12 cm de long et 3 à 7 cm de large, aigties à brièvement acuminées à l'extrémité, tonquées à cunéiformes à la base. Fleurs de 8 à 11 cm de diamètre rouge sang à pourpre foncé, étamines avec l'anthère plus courte que le filet, 2 à 3 (5) follicules de 2-3 cm de long, fortement tomenteux, couverts de poils jaunâtres, érigés avec le stigmate recourbé, graines rouge vif à brunes. Floraison de (mars) avril-mai (juin).

Cette description a été établie d'après les descriptions originales de Aznavour, Riedl et Zohary, correspondant à P. kavachensis et P. kurdistanica. Les plantes de Chypre présentent un plus grand nombre de folioles (12 à 21 selon Meikle, 1978).

2n = 20 ? Le nombre chromosomique 2n = 20 pour les populations de l'ouest de la Méditerranée a été déterminé par Tzanoudakis (1977) d'après des échantillons récoltés dans la nature, mais aucune donnée n'est disponible pour des plantes de l'est de la Turquie, Irak, Syrie... Stebbins (1939), d'après l'examen de spécimens d'herbier, supposait 2n = 20 pour des plantes de Chypre mais 2n = 10 pour des plantes de Syrie.

Ouest de Chypre (région du mont Troodos, dans les forêts de pins, zones d'ombre, entre 1500 et 1900 m), est et sud de la Turquie (provinces de Antalya, Adana et Hatay, sud du lac de Van, dans les taillis de chênes et hêtres entre 1 100 et 2 200 m), nord de la Syrie (près de Lattaquié), nord de l'Irak (au nord de Mossoul près de la frontière turque, à l'ombre dans les zones rocailleuses calcaires et les forêts de chênes entre 900 et 1200m), Liban (région de Feitroun, au nord de Beyrouth, dans les rochers dolomitiques vers 1200m), Israël (nord de la Galilée, près de la frontière libanaise), nord de l'Iran (région de Manjil, à l'ouest de la chaîne de l'Elbourz).

P. corallina var. orientalis décrite à partir d'échantillons récoltés en 1932 par Gombault dans la région de Feitroun (Liban), présente 3 à 6 follicules laineux et des feuilles avec généralement 9 folioles assez étroites, ovoïdes à elliptiques, longuement terminées en pointe, glauques ou vert foncé au dessous. Thiébaut précise que ces folioles sont complètement glabres mais certains échantillons d'herbier (Gombault n°1554 et 1889) présentent des feuilles au revers légèrement pubescent le long des nervures.

Elle était considérée par Stern (1943) comme une variété totalement glabre de Paeonia arietina, originaire de Syrie et des îles de Chypre, Crète et Rhodes, mais aucune forme de P. mascula n'est toutefois mentionnée dans ces deux dernières îles. Cette erreur de répartition provient de l'identification éronnée (P. corallina) d'échantillons d'herbiers originaires de ces îles par Buser (1888), Huth (1892), Halacsy (1900), Rechinger (1943). Ces spécimens appartiennent en fait à P. clusii et P. rhodia qui ont des feuilles complètement glabres.

P. corallina var. orientalis diffère peu de P. mascula subsp. mascula, ses folioles étant plus longuement terminées, en pointe et généralement plus glauques.

P. kurdistanica a été décrite en 1941 à partir de plantes récoltées en graines en 1933 dans le Kurdistan irakien et considérées par Zohary comme proches de P. wittmanniana. Elle présente des folioles larges, ovoïdes-oblongues et deux petits follicules de 1,5 cm de long couverts de poils jaunâtres. La description est très proche de celle de P. kavachensis.

P. kurdistanica et P. corallina var. orientalis sont placées comme synonymes de P. kavachensis par Riedl qui considère cette espèce comme distincte de P. mascula. En revanche, seule Paeonia mascula est reconnue dans les flores de Turquie, Chypre, Syrie, Liban, Israël, Irak, Iran.

H. Riedl (1969) traite la plupart des populations du Moyen-Orient dans P. kavachensis et y inclut tous les synonymes de Flora of the USSR et Flora of Turkey concernant P. caucasica et P. mascula subsp. mascula (au sens de Davis et Cullen, correspondant aux populations turques).

Paeonia kavachensis a été décrite à partir de sujets récoltés près de Vastan, dans le district de Kavache (sud-est de la Turquie, au sud du lac de Van). Elle se distingue par ses folioles larges peu aiguës, complètement glabres, par les étamines avec le filet plus long que l'anthère, 2-3 carpelles érigés et des graines rouge vif (à maturité ?). Photo p. 228.

La relation entre P. caucasica et P. kavachensis reste floue. Les populations du Lac de Van (P. kavachensis), nord de l'Irak (P. kurdistanica), nord de l'Iran et Caucase (P. caucasica) sont peut-être à inclure dans une même espèce dont la dénomination P. kavachensis est prioritaire par son antériorité.

Des pivoines étiquetées P. kavachensis se rencontrent parfois dans les collections. Les plantes observées correspondent assez bien à la description de Aznavour, et sont surtout très différentes de P. mascula subsp. mascula par leurs folioles largement ovales ou ovoïdes, glauques, pruinées et leurs fleurs rouge pourpre avec les pétales très étalés. La floraison est également très précoce, dès la mai-avril. Elles sont bien rustiques et faciles à cultiver.

Toutefois, ces plantes proviennent d'échanges entre collectionneurs ou avec des jardins botaniques et non directement de la nature. Aussi, deux questions peuvent-être posées :

- ces pivoines sont-elles conformes aux populations du district de Kavache ?

- ayant été obtenues à partir de graines récoltées dans des jardins, ne résultent-elles pas d'une hybridation ?

Les populations de Paeonia kavachensis sensu stricto (provenant de la région du lac de Van et également celles du nord de l'Irak, correspondant à P. kurdistanica) mériteraient d'être mieux étudiées car, si elles sont identiques aux plantes cultivées dans les jardins, elles pourraient alors être considérées comme distinctes de P. mascula subsp. mascula.


subsp. arietina (Andersen) Cullen & Heywood, 1964

Basionyme : P. arietina Andersen, 1817

Synonymes : P. arietina var. andersonii et var. oxoniensis Andersen, 1817

P. cretica Sabine ex Lindley, 1824

P. peregrina sensu Boissier, 1867 non Miller

P. pullens Sims sensu Boissier, 1867 in synonyme

P. arietina var. cretica (Sabine) Lynch, 1890

P. officinalis sensu Bornmiller, 1936

Tiges de 60 à 80 cm, légèrement velues. Feuilles temées, biternées à pinnatifides avec 12 à 15 folioles étroitement elliptiques, glauques et pubescentes au-dessous, décurrentes à la base et aiguës à l'extrémité; segment terminal généralement incisé. Fleurs rosés ou rouges de 8 à 10 cm de diamètre, filets pourpres, 2 ou 3 carpelles fortement pubescents de 2 à 3 cm de long, arqués et étalés. Floraison fin mai à juillet.

2n=20:Stern (1943b)

Présente essentiellement dans le nord, centre et est de la Turquie (provinces de Amasya, Trabzon, Glimusane, Erzurum, Tunceli, Bitlis); dans les taillis, fourrés, pentes rocailleuses en situation peu aride, à une altitude de 1 000 à 2000 m. Elle est présente également en Grèce, uniquement dans l'île de Lesvos (île de la mer Egée, très proche de la Turquie).

Selon Flora Europaea et Flora of Turkey, la répartition générale de P. mascula subsp. arietina est située dans le sud-ouest de l'Europe (Italie, Balkans) et en Turquie; P.H. Davis précisant que dans ces zones, des individus à caractères intermédiaires ne peuvent être identifiés avec certitude comme appartenant à la sous-espèce mascula ou arietina. Des études plus récentes ont démontré que les populations européennes appartiennent bien à P. mascula subsp. mascula.

Deux échantillons récoltés dans le nord de la Syrie (Jebel Agra, Gombault n° 1725, 11-5-1932, Muséum d'Histoire Naturelle, Paris), ont été identifiés comme Paeonia corallina var. orientalis. Ils présentent toutefois des feuilles basales avec un grand nombre de folioles (17 segments sur l'un des échantillons), fortement pubescentes avec des poils roux au-dessous et à extrémité aiguë. Les fleurs sont rouge foncé. Les caractères de ces échantillons les rapprochent plus de P. mascula subsp. arietina, mais celle-ci n'est pas mentionnée en Syrie par Mouterde (1970).

Punina & Aleksandrova (1992) dans leurs études cytologiques des pivoines du Caucase ont déterminé le nombre chromosomique (2n = 20) de plantes identifiées comme P. officinalis récoltées dans le Karatchaevo-Tcherkessie (région de l'ouest de la Russie, au nord du Caucase). P. officinalis a une répartition limitée à l'ouest du bassin méditerranéen et aux Balkans. Il est possible que cette pivoine soit P. mascula subsp. arietina dont la présence dans le nord-est de la Turquie est peu éloignée de cette région. Mais la sous-espèce arietina n'est pas mentionnée dans les flores russes.

P. arietina a été décrite par Andersen à partir de plantes cultivées en Angleterre. Il différencia deux variétés originaires des jardins : var. a andersonii, fleurs rosé foncé, pétales légèrement crispés. var. b oxoniensis, fleurs rosé chair, pétales lacérés, crispés.

La variété oxoniensis a été à l'origine d'une confusion avec P. clusii car Lindley (1824) l'a décrite également sous le nom de P. cretica, car elle était supposée venir de Crète.

Boissier (1867) traitait P. arietina sous le nom de P. peregrina avec en synonyme P. pullens Sims (= P. pubens). Des échantillons de l'Herbier de Paris récoltés en Arménie turque (récoltes Bourgeau, Sintenis) également identifiés comme P. peregrina et P. pubens présentent des pétioles et folioles fortement pubescents à revers grisâtre ou roux mais sont bien à considérer comme appartenant à la sous-espèce arietina.

Aznavour (1917) comparant P. kavachensis avec les pivoines de la région de Van et Bitlis mentionne également P. peregrina, à feuilles pubescentes au revers avec des segments étroits et aigus.

P. peregrina a été au 19^ siècle une dénomination confuse. Les auteurs des flores occidentales traitaient sous le nom de P. peregrina et P. pubens des plantes correspondant à P. officinalis. Boissier a ajouté à la confusion en traitant P. arietina sous ces deux dénominations.

P. arietina a également longtemps été ignorée et traitée comme simple synonyme de P. peregrina (Huth, 1892), P. foemina (Gürcke, 1903), appellations qui se réfèrent à P. officinalis. Elle sera enfin reconnue comme une espèce distincte par Stern (1943) puis incluse dans le complexe Mascula par Cullen & Heywood (1964).


subsp. triternata (Boissier) Stearn & Davis, 1984

Basionyme : P. corallina var. triternata Boissier, 1867 pro parte

Synonymes : P. triternata Pallas, 1795 ex De Candolle 1824, nomen illegit.

P. daurica Andrews, 1807

P. corallina var. triternata Boissier, 1867 pro parte

P. corallina var. pallasii Huth, 1892

P. corallina subsp. triternata (Boissier) N. Busch, 1901 pro parte

P. mascula var. triternata (Boissier) Gürcke, 1903

P. corallina auct. roumains

P. taurica auct. var. triternata

Tiges de 50 cm à 1 m, glabres. Feuilles biternées, habituellement à 9 folioles largement ovoïdes à orbiculaires avec une marge ondulée, glauques, plus ou moins coriaces et généralement glabres au dessous. Fleurs rouge-pourpre pâle; filets des étamines jaunes; 2-4 (5) follicules légèrement courbés, couverts d'un duvet rosé, graines bleu foncé. Floraison de fin avril à juin.

2n = 10: Stebbins (1939) ; Davis & Cullen (1965b, nord de l'Anatolie) ; Sopova (1971, échantillons de Macédoine, sous P. corallina) ; Stearn & Davis (1984), Punina & Aleksandrova (1992, échantillons de Crimée)

Sud de la Roumanie (régions de Craiova et Ploiesti), Grèce (îles de Samos et Lesvos), Turquie (nord et sud de l'Anatolie vers 1300 m), Crimée, dans la chaîne taurique (mont Karadag, près de Soudak) et dans le sud, près de

Sébastopol et Simféropol ; ouest du Caucase (région de Novorossisk), dans les taillis, forêts de chênes et hêtres et dans les pentes montagneuses dégagées.

Boissier (1867) traite sous P. corallina var. triternata des populations de Crimée, mais également d'Asie Mineure, Cilicie (Turquie), nord de la Syrie, Talysh (sud de l'Azerbaïdjan). Ces populations sont rattachées à P. mascula subsp. mascula et P. caucasica.

Les populations du Talysh (Lenkoran) et du nord de l'Iran citées par Parsa (Flore de l'Iran, 1946) et Davis & Cullen (1965) sont rattachées à P. caucasica par Kemularia-Natadze (1961) et à. P. kavachensis (P. mascula subsp. mascula) par Riedl.

Huth (1892) la situait également près de Idria (Slovénie) et Cullen & Heywood (1964) la mentionnaient en Yougoslavie. Ces localités ne sont pas reprises par Akeyroyd (1993) et Jalas & Suominen (1991).

Les échantillons étudiés par Sopova (1971), récoltés en Macédoine au Mont Zeden, ont été identifiés comme P. corallina. Leur caractère diploïde les rattache sans aucun doute à la sous-espèce triternata, mais celle-ci n'est pas mentionnée dans cette région dans Flora Europaea et dans l'Atlas Flora Europaea.

En Crimée, P. mascula subsp. triternata se rencontre dans les mêmes zones que P. tenuifolia et a produit un hybride naturel nommé P. triternata x P. tenuifolia par Maleev (1937/1947). Un hybride de même parenté obtenu dans un jardin a été décrit sous le nom de P. x saundersii par Stebbins (1939).

Cet hybride présentant un feuillage fortement incisé, est traité dans le groupe Tenuifolia.

Cette sous-espèce était considérée auparavant au rang d'espèce sous le nom de P. daurica (Stern.1946; Cullen & Heywood, 1964; Davis & Cullen, 1965); tandis que Schipczinski (1921-1937), la plupart des auteurs russes et Nyàràdy (1953) la traitaient sous le nom de P. triternata.

Selon Stearn & Davis (1984), les populations typiques de cette pivoine se trouvent en Crimée. Les autres populations et en particulier celles de Grèce, Roumanie ou Anatolie, qui se rencontrent souvent avec la sous-espèce mascula présentent de nettes formes d'introgressions avec cette sous-espèce et ont des feuilles plus ovales et aiguës. Les populations de Turquie ont également des étamines avec le filet pourpre, typique de P. mascula. Ces constatations les ont amenés à reconsidérer le statut de P. daurica au rang de sous-espèce. Des études supplémentaires restent nécessaires pour certifier l'identité des principales populations.

La dénomination daurica est une déformation du nom Taurica (la Crimée), car cette pivoine n'a jamais été découverte dans l'extême-est de la Sibérie (Dahurie, région du fleuve Amour). La planche 1441 du Botanical Magazine

(1812) représente bien cette pivoine avec ses feuilles ondulées; mais dans le commentaire, Sims précise qu'elle est originaire de Sibérie et a été introduite en 1790.

Quant à Paeonia triternata, la plus ancienne dénomination spécifique (1795), elle est juste citée par Pallas dans le Catalogue des espèces de végétaux spontanés observés en Tauride, avec la mention " nov. " (espèce nouvelle). Elle a cependant été rejetée car Pallas n'a jamais décrit l'espèce qu'il a observée en Crimée. Elle a été décrite par De Candolle en 1824 devenant ainsi un nom illégitime car postérieure à P. daurica (1807). En revanche, la dénomination de Boissier (1867), la première au rang variétal, légitime l'appellation triternata ; c'est donc elle qui est retenue comme basionyme par Stearn & Davis.

var. triternatiformis (A. Nyàràdy) A. Nyàràdy

Basionyme : P. corallina var. triternatiformis A. Nyàràdy, 1953

Tiges de (50) 80 à 110 (125) cm. Folioles pétiolées, largement ovoïdes ou obovoïdes, glaucescentes et coriaces au dessus, glauque-blanchâtre et glabres au dessous. Extrémité subaiguë, obtuse ou subarrondie; base cunéiforme, rarement décurrente. Fleurs de 8 à 10 cm de diamètre à 5 pétales rosé pourpre, filet des étamines rosé pâle. 3 carpelles pubescents, blanchâtres, follicules de 1,5 à 2 cm de long, divergents, graines noires brillantes à maturité. Floraison fin avril à début mai.

Originaire de l'ouest de la Roumanie dans la région de Timisoara (près de Bazias) et de Moldova Noua (vallée de Ciclova, réserve botanico-forestière de Beusnita dans les gorges de la Nera). Elle pousse dans les collines entre 450 et 700 m, dans les forêts de Fagus sylvatica, Fraxinus ornus, au milieu des arbustes et des zones de rocaille.

Elle a été décrite par Nyàràdy comme une variété de P. corallina puis replacée dans P. mascula car elle se trouve dans les mêmes zones que cette pivoine. L'étude plus approfondie de Schrôtt & Faur (1969) donne une description très précise de cette variété avec ses conditions écologiques et tend à démontrer que la variété triternatiformis est une forme de transition entre P. masciila subsp. masciila et subsp. triternata.

Mais, selon Stearn & Davis (1984), les caractères de cette variété la rapprochent plus de la sous-espèce triternata; opinion qui est suivie par Ray Cooper dans sa classification.


subsp. bodurii N. Özhatay, 1995

Tiges de 50 à 80 cm. Feuilles biternées composées de (7) 9 (11) folioles obovoïdes, largement elliptiques à presque orbiculaires, brièvement acuminées, de 9 à 19 cm de long et 5 à 11 cm de large, vert-grisâtre au-dessus, glauques et glabres au-dessous ; foliole terminale pétiolée, légèrement décurrente, feuilles caulinaires simplement ternées. Fleurs de 11-12 cm de diamètre ; 5 à 7 pétales obovoïdes, blancs, pourprés à la base, filet des étamines pourpre foncé, anthère jaune ou rosé ; 3-4 carpelles couverts de poils blancs très courts et très denses, graines pourpre foncé. Floraison fin avril, début mai

2n = 20 : Özhatay (1995)

Endémique du nord-ouest de la Turquie, dans la province de Çanakkale, près de Çamyayla (région de Çan), dans les forêts de chênes et dans des zones rocailleuses siliceuses, entre 400 et 750 m.

La présence d'une pivoine à fleurs blanches était mentionnée dans cette région mais les premiers spécimens ont été vus seulement en fruit.

Elle a été récoltée pour la première fois en fleur en 1992 par S. Bodur, certifiant ainsi la couleur des fleurs et la présence d'un taxon nouveau pour la flore de la Turquie.

Les échantillons de cette pivoine ont été comparés avec les spécimens-types de P. mascula subsp. hellenica, et Özhatay a ainsi identifié une nouvelle sous-espèce, très proche de la pivoine blanche de Grèce.

P. mascula subsp. bodurii diffère de la sous-espèce hellenica principalement par l'aspect de ses feuilles, composées de généralement 9 folioles plus larges, presque orbiculaires, toujours glabres et jamais divisées avec la foliole terminale pétiolée ; et par ses feuilles supérieures, toujours ternées (composées de 3 folioles). Les fleurs des deux sous-espèces sont pratiquement identiques.

Toutefois, la planche 31 de Peonies of Greece (Stearn & Davis, 1984) montre le dessin d'une feuille de P. mascula subsp. hellenica récoltée dans l'île d'Andros. Cette feuille présente 9 folioles relativement larges, les terminales presque orbiculaires, brièvement pétiolées ; elle présente peu de différences avec le dessin de feuille illustrant l'article de Ôzhatay (fig. 5).

Finalement, la description de Stearn & Davis mentionne des caractères spécifiques à la sous-espèce bodurii, les populations grecques pouvant toutefois présenter jusqu'à 21 folioles pubescentes au-dessous (var. icarica).

Peut-être que cette nouvelle sous-espèce serait mieux considérée comme une variété de la sous-espèce hellenica dont la présence en Grèce et dans les îles de Evvia, Andros et Ikaria n'est pas très éloignée de la province de Çanakkale.


P. caucasica (Schipczinski) Schipczinski, 1937

Basionyme : P. corallina var. caucasica N. Schipczinski, 1921

Synonymes : P. corallina sensu Ledebour, 1842 non Retzius

P. corallina sensu Boissier, 1867 non Retzius pro parte

P. corallina var. triternata Boissier, 1867 pro parte

P. triternata sensu Ruprecht,1869 non Boissier

P. corallina subsp. triternata (Boissier) N. Busch, 1901 pro parte

P. kavachensis sensu Grossheim, 1950 non Aznavour

P. mascula subsp. mascula sensu Davis & Cullen, 1965 pro parte

P. kavachensis sensu Riedl, 1969 pro parte

Tiges de 50 à 100 cm. Feuilles biternées composées de 9 à 12 folioles vert foncé au dessus, plus pâles au-dessous ; lobes larges, ovoïdes ou ovoïdes-arrondis, de 5 à 12 cm de long et 3 à 7 (9) cm de large, étroitement cunéiformes et subcordés à la base, obtus ou subaigus à l'extrémité, glabres ou légèrement pubescents, glauques et cireux au-dessous. Fleurs de 8 à 11 cm de large, rouge foncé à pourpre brillant, parfois plus pâles; pétales de 3-5 cm de long, filets rouges, 2-3 (5-6) follicules divergents de (1,5) 2-3 cm de long, couverts d'un épais duvet blanchâtre à jaunâtre. Floraison en avril-mai (juin).

2n = 10: Punina (1987-1989, échantillons de Géorgie, Borjom, Saguramo).

Endémique du Caucase : Géorgie (Adjarie, Abkhazie, montagnes du centre du Caucase), Azerbaïdjan (région de Lenkoran, à la frontière iranienne), sud de la Russie (région de Stavropol) où elle pousse dans les prairies, clairières, fourrés d'arbustes de la zone forestière entre 900 et 2000 m.

Selon Kemularia-Natadze (1961), les échantillons récoltés par Szovitz en " Armenia rossica " proviendraient de Géorgie, car elle n'est pas mentionnée en Arménie. Les plantes récoltées par Hohenacker (1838) près de Lenkoran et cités par Boissier (1867), Parsa (1951), Riedl (1969) présentent toujours 9 folioles larges, ovoïdes ou arrondies, glabres et plus ou moins aiguës à l'extrémité. Elles sont également à rattacher à P. caucasica mais cette pivoine n'aurait pas été retrouvée dans cette région.

Des échantillons de ces récoltes sont conservés dans l'herbier du Muséum de Paris (Herbier Cosson).

Comme P. masciila subsp. triternata, P. caucasica s'est hybride naturellement avec P. tenuifolia (P. x majko, traitée dans le groupe Tenuifolia) et avec P. rnlokosewitschii (P. x chamaeleon, traitée dans le groupe Wittmanniana).

Paeonia caucasica a été décrite comme une variété de P. corallina puis considérée comme une espèce distincte. Elle correspond aux populations caucasiennes du groupe Mascula. Schipczinski (1937) précise que la relation entre P. caucasica et P. kavachensis n'est pas claire et que l'absence de spécimens de cette dernière ne permet pas d'établir son identité.

Grossheim (1950) traitait cette pivoine sous le nom de P. kavachensis, ce qui est contesté par Kemularia-Natadze (1961).

P. caucasien a été considérée comme synonyme de P. mascula subsp. mascula par Cullen & Heywood (1964), Davis & Cullen (1965), Akeyroyd (1993). Riedl (1969) l'inclus dans P. kavachensis.

Takhtajan (1988) traite P. caucasica comme simple synonyme de P. kavachensis dont il situe la répartition dans le Caucase, Asie mineure, Iran, Irak.

P. caucasica est également considérée comme synonyme de P. mascula subsp. triternata (Stern, 1946 ; Rieck, 1994 ; Rogers, 1995 ; Stearn, 1995). Elle est d'ailleurs plus proche de cette sous-espèce de laquelle elle diffère par ses folioles plutôt ovoïdes qu'orbiculaires, avec une extrémité subaiguë et une base cunéiforme et non pas tronquée ; le filet des étamines rouge et des follicules à duvet blanc (filet jaune et follicules rosés chez la subsp. triternata). Elle est également diploïde tandis que P. mascula subsp. mascula est tétraploïde. Il est possible toutefois que P. caucasica ne soit qu'une variation géographique issue de P. mascula subsp. triternata.

Peut-être serait-elle mieux considérée comme P. mascula subsp. caucasica avec P. ruprechtiana comme variété (variété coriifolia).


P. ruprechtiana Kemularia-Natadze, 1961

Synonymes : P. triternata forma coriifolia Ruprecht, 1869

P. triternata var. coriifolia (Ruprecht) N. Busch, 1901

P. caucasica var. coriifolia (Ruprecht) Schipczinski, 1937

P. caucasica var. viridifolia Kemularia-Natadze, 1948

P. kavachensis var. coriifolia (Ruprecht) Grossheim, 1950

Tiges fortes de 1 m à 1,5 m. Feuilles épaisses, vert foncé, de même couleur sur les deux faces, glabres ou légèrement pubescentes au dessous. Folioles largement ovoïdes, ovales, presque rhomboïdales, brusquement et brièvement rétrécies au deux extrémités. Grandes fleurs incomplètement ouvertes, pétales rose-rougeâtre, filet des étamines rosé pâle en totalité ou seulement à la base et jaunes à l'extrémité, carpelles tomenteux, couverts d'un duvet doré. Floraison en mai.

2n = 10 : Punina (1987-89, échantillons de Géorgie, région de Karagolsk).

Endémique de l'ouest de la Géorgie (régions de Borjom, Karagolsk), dans les forêts de l'étage montagnard.

P. ruprechtiana a été décrite dès 1869 comme la forme coriifolia de P. triternata puis comme une variété de P. caucasica dont les différences majeures sont les folioles épaisses, de même couleur sur les deux faces, des fleurs rosées et des carpelles dorés. Ces caractères étant jugés constants, elle a été décrite en 1961 comme une espèce, dédiée au botaniste Franz Ruprecht qui détermina le premier cette pivoine.


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Paeonia mascula est considérée aujourd'hui comme une espèce collective complexe subdivisée en plusieurs sous-espèces.

Elle a été décrite par Linné (1753) comme P. officinalis var. b mascula puis comme une espèce distincte par Miller en 1768. Retzius l'appellera ensuite P. corallina et c'est ce nom qui fera encore référence bien après la classification de Stern ; tandis que P. mascula Miller a été associée à P. officinalis ou P. peregrina par De Candolle (1818), Huth (1892).L'appellation corallina désignait l'actuelle sous-espèce mascula, les autres pivoines étant décrites comme autant d'espèces distinctes au fur et à mesure de leur découverte au cours du siècle.

La première approche du statut actuel de P. mascula est donnée par Huth (1892) qui, sous P. corallina, différenciait six variétés : var. a typica (subsp. mascula), var. b flavescens (subsp. hellenica), var. g Pallasii (subsp. triternata), var. d Broteri (P. broteroi), var. e Russi (subsp. russoi), var. z cambessedesii, inclus P. corsica (P. cambessedesii sensu stricto). La sous-espèce coriacea était alors considérée comme une espèce distincte tandis que la sous-espèce arietina était placée comme synonyme de P. peregrina.

Gürcke (1903) reconnaissait les mêmes variétés (avec une variété corsica distincte de la variété cambessedesii) mais sous l'appellation P. mascula Desfontaines (1804), dénomination postérieure à celle de Miller.

Stern (1946) redonna priorité à la dénomination de Miller mais traitait les variétés de Huth et Gürcke comme des espèces distinctes, placées dans quatre groupes différents.

Le statut actuel de Paeonia mascula a été défini dans la première édition de Flora Europaea (1964). Néanmoins, quelques problèmes subsistent :

P. coriacea est reconnue autant au rang d'espèce que de sous-espèce. L'appartenance de la pivoine de Corse à cette sous-espèce est contestée par les botanistes corses.

P. cambessedesii est l'espèce la plus proche du groupe Mascula mais conserve son statut indépendant.

La sous-espèce atlantica est contestée par les botanistes espagnols qui l'incluent dans P. coriacea.

La définition de la sous-espèce triternata reste floue. Il se peut qu'il s'agisse d'une forme relique endémique dont ont dérivé la sous-espèce mascula et certaines pivoines du Caucase et du Moyen-Orient.

En fait, P. mascula est la grande espèce du bassin méditerranéen avec une sous-espèce largement répartie : subsp. mascula (tétraploïde) présente dans le bassin occidental jusqu'au Moyen-Orient, autour de laquelle se trouvent des sous-espèces tétraploïdes de répartition plus limitée (coriacea, atlantica, hellenica, arietina) ainsi que des formes reliques diploïdes (subsp. russoi et triternata ; P. broteroi, cambessedesii, clusii, rhodia), qui ont participé à son évolution dans le temps.

P. caucasica (diploïde) " espèce " bien présente dans Je Caucase est très proche de P. mascula et à considérer certainement comme une sous-espèce. Cet ensemble assure ainsi une relation continue entre les diverses populations, de la péninsule ibérique jusqu'au Moyen-Orient, et montre même des affinités avec le groupe Wittmanniana, endémique du Caucase.


P. kesrouanensis (Thiebaut) Thiebaut, 1936

Basionyme : P. corallina var. kesrouanensis Thiebaut, 1934

Synonymes : P. corallina forma leiocarpa Buser, 1888

Tiges de 40 à 60 cm. Feuilles de la base avec 9 à 14 folioles pétiolées, elliptiques-ovoïdes, glabres ou pubescentes au dessous et plus ou moins glauques. Fleurs de 10 cm de diamètre, rosés; 1 à 2 carpelles glabres, atténués à l'extrémité, avec un style et stigmate de 7 mm courbés seulement à l'extrémité. Floraison en avril.

2n = 20 : Davis & Cullen (1965, Turquie, province de Hatay, Yayla Dag).

Sud de la Turquie (province de Hatay, près de Antioche à la frontière syrienne, vers 1000 m d'altitude), nord-ouest de la Syrie (près de Lattaquié), Liban, (région de Feitroun, au nord de Beyrouth), dans les zones rocailleuses, forêts de chênes où elle a été récoltée en 1932 par Gembault.

Des échantillons d'herbier récoltés dans la région de Kesrouan (Feitroun) ont été nommés par Buser (1888) Paeonia corallina forma leiocarpa. Ils correspondent bien à P. kesrouanensis, qui est la seule pivoine à carpelles glabres de cette région.

En Turquie, P. mascula subsp. mascula se rencontre dans les mêmes zones que P. kesrouanensis, mais fleurit 2 à 3 semaines plus tard.

La description originale de Thiebaut précise que les fleurs sont rosés, tandis que Davis & Cullen mentionnent des fleurs rouges.


P. turcica P.H. Davis & Cullen, 1965. Ph. p. 228.

Tiges de 40-60 cm, glabres et glauque pâle. Feuilles de la base biternées composées de 9-11 folioles elliptiques ou elliptiques-ovoïdes de 9-14 cm de long et 5-7 cm de large à extrémité brièvement et largement acuminée, vertes au-dessous et glauques et légèrement pubescentes au-dessous. Folioles terminales pétiolulées, les latérales subsessiles. Sépales largement oblongs, pétales obovoïdes, (rouges ?), de 3,5-4 cm de long. 2 à 5 carpelles glabres, avec un style de 2 mm de long et un stigmate jusqu'à 5 mm, enroulé au dessous du milieu. Follicules de 25-35 mm de long à peine courbés. Nombre chromosomique inconnu.

Endémique des provinces de Denizli et Antalya (sud-ouest de la Turquie) dans des forêts de pins noirs, vers 1500-1800 m. Les échantillons-types de cette pivoine ont été récoltés en juillet 1941 et 1948, la couleur des fleurs est supposée rouge par Davis & Cullen.

Espèce très proche de P. kesrouanensis qui n'en diffère que par ses 2 à 5 carpelles avec un style et stigmate plus court (jusqu'à 5 mm) courbés dès la base.

Une pivoine cultivée par D. Dujardin (Courtrai) à partir de graines introduites de Turquie par Jelena de Belder, a été identifiée comme P. turcica. La plante observée qui a fleuri pour la première fois en 1996, présente un feuillage très glauque et deux fleurs portant 1 et 2 carpelles avec un stigmate très allongé, caractéristique de P. kesrouanensis, mais avec des fleurs rouge foncé. Son identification reste à confirmer. Elle semble se montrer bien rustique.


Groupe Wittmanniana

II comprend deux espèces à fleurs jaunes ou blanc-jaunâtre ainsi qu'une espèce douteuse à fleurs rosés, toutes originaires du Caucase.


P. mlokosewitschii Lomakin, 1897

Synonymes : P. rnlokosiewiczii N. Busch, 1901

Tiges de (30) 60 à 100 cm. Feuilles biternées composées de 9 à 13 folioles largement oblongues, ovoïdes ou subelliptiques de 8 à 10 cm de long et 4 à 6 cm de large, brièvement acuminées, glauques au-dessus, pâles, cireuses et avec une très légère pubescence au-dessous. Fleurs incomplètement ouvertes de 10-12 cm de diamètre, jaunes ou jaune pâle, filet des étamines jaune. 2-3 follicules tomenteux, blanc-jaunâtre, récurvés à maturité, graines bleu foncé. Floraison en avril-mai.

2n = 10 Stebbins (1939) ; Stern (1944) ; Punina (1987-89, vallée de Lagodekh)

Endémique de la région de Lagodekh en Géorgie (centre-est du Caucase) où elle pousse dans les rocailles et pentes dégagées de la zone forestière. Présente également dans une localité au Daghestan.

Stebbins (1939) considérait P. mlokosewitschii et P. triternata (inclus les populations caucasiennes) comme une seule et même espèce. Ces deux pivoines qui présentent une grande fertilité entre elles (favorisant ainsi les hybrides) sont caractérisées par une forte concentration d'anthocyanes dans les tiges (donnant une coloration rouge) mais absents dans les feuilles, des feuilles biternées avec une très légère pubescence au revers, de larges sépales fortement veinés, un disque glabre et des carpelles fortement couverts de poils courts, blanchâtres. La couleur des fleurs et la forme des folioles de P. mlokosewitschii ne seraient dues qu'à une variation géographique.

P. mlokosewitschii est par ailleurs considérée comme l'une des espèce les plus anciennes présente dans le Caucase (Uspenskaya 1993).

Elle est assez bien présente dans les collections où elle est l'une des espèces les plus remarquables par ses fleurs d'un vrai jaune, unique chez les pivoines herbacées. Elle est également parmi les premières espèces à fleurir au printemps.

On rencontre parfois une forme naine ne mesurant pas plus de 30 cm de haut. Elle est semblable à la forme classique mais la longueur totale de ses feuilles est de 15 cm, les folioles plutôt elliptiques, de 2,5 à 5 cm de long et 1 à 2,5 cm de large sont vert foncé au-dessus, vert pâle au-dessous et fortement pubescentes. Les fleurs font environ 5 cm de diamètre.


P. lagodechiana Kemularia-Natadze, 1961

Tiges de 50 à 100 cm, très feuillues. Feuilles biternées, glauques sur les deux faces ou seulement sur la face inférieure, glabres, lisses, avec seulement les nervures légèrement marquées dans le limbe. Folioles elliptiques à elliptiques-oblongues, aiguës à l'extrémité et légèrement atténuées à la base. Fleurs rosés, largement ouvertes avec des pétales légèrement concaves, filets des étamines pourpres, carpelles couverts d'un duvet jaune. Floraison en avril-mai.

2n = 10 : Punina (1987-89, vallée de Lagodekh)

Présente uniquement dans les forêts de l'étage montagnard, dans la vallée de Lagodekh en Géorgie (centre-est du Caucase), où se rencontre également P. mlokosewitschii.

L'origine et le statut de cette pivoine sont flous.

Elle a été récoltée dès 1935 et identifiée comme P. caucasica mais les échantillons présentaient des fleurs rosés tandis que P. caucasica est rouge. Elle a par la suite été décrite comme une espèce distincte, ressemblant à P. mlokosewitschii par son feuillage glauque mais différant de celle-ci et de P. caucasica par la couleur de ses fleurs et la forme des folioles.

Pour étudier P. x chamaeleon, Kakheladze (1965, cité par Uspenskaya, 1993), a croisé P. caucasica avec P. mlokosewitschii. Parmi les plantes obtenues, une avait l'apparence de P. lagodechiana, ce qui lui assignait un caractère hybride. Les différences morphologiques entre P. x chamaeleon et P. lagodechiana proviendraient de leur origine différente (l'une cultivée dans un jardin, l'autre provenant de la nature).

Les études de Punina (1987-1989) ont confirmé cette même parenté et le caractère fertile de ces deux pivoines.

Uspenskaya (1993) a réalisé une expérience pour observer l'influence des radiations ionisantes sur les graines de P. mlokosewitschii (diploïde) et P. wittmanniana (tétraploïde). Ces radiations ont un effet plus limité sur l'espèce tétraploïde, plus évoluée et donc moins sujette aux mutations. A l'inverse, les graines irradiées de P. mlokosewitschii ont donné naissance à des sujets mutants dont certains sont similaires à P. lagodechiana. L'auteur conclut donc que P. lagodechiana pourrait être une mutation spontanée de P. mlokosewitschii.

Ces diverses expérimentations montrent donc que Paeonia lagodechiana peut être obtenue artificiellement par croisement entre P. caucasica et P. mlokosewitschii mais également par irradiation des graines de cette dernière.

P. lagodechiana avait auparavant été découverte dans la nature, dans une zone où pousse P. mlokosewitschii mais où P. caucasien n'est pas signalée.

L'absence de l'un des parents peut confirmer le caractère mutant de P. lagodechiana, qui serait donc une forme évolutive de P. mlokosewitschii, distincte de P. x chamaeleon.

Les fleurs rosés complètement ouvertes et les filets des étamines pourpres laissent supposer également une origine hybride lointaine, à une époque où P. caucasica était peutêtre présente dans la vallée de Lagodekh.


P. x chamaeleon Troitsky. 1932

Hybride entre P. caucasica et P. mlokosewitschii

2n = 10 : Punina (1987, échantillon du Jardin Botanique de Tbilissi).

Hybride cité sans description par Schipczinski (1937), avec pour parenté P. corallina auct. x P. mlokosewitschii.

Stearn et Rogers (1995) donnent comme parenté P. mlokosewitschii et P. mascula subsp. triternata, P. caucasica étant généralement considérée comme synonyme de cette dernière.

P. x chamaeleon est parfois reporté comme un cultivar de P. mlokosewitschii (Trehane, 1989 ; Stearn, 1995).

P. x makaschvilii N.A. Kakheladze, 1965 ?

P. x troitskyi N.A. Kakheladze, 1965 ?

P. x chamaeleon et ces deux hybrides de même parenté ont été étudiés par Kemularia-Natadze en 1980 (sur la nomenclature et la taxonomie de P. chamaeleon et espèces apparentées, publication géorgienne non disponible).

Un résumé de cette étude est donné par Ray Cooper (1988). P. x chamaeleon, P. x makaschvilii et P. x troitskyi seraient trois formes distinctes des jardins.

P. x chamaeleon aurait été obtenue à partir de graines de P. mlokosewitschii envoyées à Kew Garden par le Jardin Botanique de Tbilissi. Les plantes ont produit des rieurs rosé foncé devenant blanc-jaunâtre en fin de floraison ; des semis spontanés apparus par la suite ont donné des sujets avec un feuillage similaire à celui de P. mlokosewitschii mais avec des fleurs d'un rosé fade.

Troitsky appela cette pivoine « chamaeleon » du fait que des plantes à fleurs rosés ont été obtenues à partir de graines d'une plante à fleurs jaunes.

P. x chamaeleon provient donc du Jardin Botanique de Tbilissi où P. mlokosewitschii et P. caucasica ont été plantées assez près l'une de l'autre.

Quant à P. x makaschvilii et P. x troitskyi, il s'agit certainement de formes issues de croisements ultérieurs qui ne diffèrent que légèrement de P. x chamaeleon par la forme de leurs folioles ou par la couleur des fleurs ; mais leur description n'est pas disponible.

M. Y. Bernard (Seine et Marne) cultive une pivoine obtenue à partir de graines de P. mascula subsp. triternata (provenant d'un jardin). La plante présente un feuillage pruiné très glauque, des folioles larges, ovoïdes arrondies, avec une extrémité terminée en pointe non aiguë. Les fleurs sont rosé pâle mais ne changent pas de couleur, le filet des étamines est pourpre. Cette pivoine présente des caractéristiques de P. lagodechiana et résulte certainement d'une hybridation entre P. mlokosewitschii et P. mascula subsp. triternata, sous-espèce très proche de P. caucasica.

Une pivoine obtenue sous le nom de P. mlokosewitschii a fleuri pour la première fois en avril 1997. La fleur était rosé pâle en bouton et début de floraison ; elle est devenue presque blanche en fin de floraison, avec seulement une légère tache rosé à l'intérieur de la fleur, à la base des pétales. Le filet des étamines est blanc-jaunâtre et les carpelles sont recouverts d'un duvet blanc. Cette plante correspond peut-être à P. x chamaeleon.


P. wittmanniana Hartwiss ex Lindley, 1846

Synonymes : P. corallina var. wittmanniana Albov, 1895


var. wittmanniana

Synonymes : P. abchasica Miczenko ex Grossheim, 1930

Tiges de 80 cm à 1 m. Feuilles vert foncé de chaque côté, lisses et brillantes au-dessus, glabres ou légèrement pubescentes au-dessous. Folioles de 5 à 10 cm de long, ovales, ovoïdes ou obovoïdes longuement et étroitement cunéiformes à la base, arrondies ou légèrement aiguës à l'extrémité. Fleurs blanc-jaunâtre de 8 cm de diamètre largement ouvertes, filets des étamines jaunes ou rosés à la base. 2-3 follicules étroits, divergents, tomenteux, jaunâtres; graines noir azuré. Floraison d'avril à juin.

2n = 20 : Stebbins (1939) ; Stern (1944) ; Punina (1987-89, échantillons d'Abkhazie, Géorgie)

Endémique d'Abkhazie, (nord-ouest de la Géorgie, région de Gagri, Soukhoumi) dans les montagnes le long de la mer Noire.

Elle a été récoltée en 1842 par le Comte Worontzoff puis envoyée en Angleterre par Hartwiss (directeur du Jardin Botanique Impérial Nikitz en Crimée) qui la nomma sans la décrire. Elle était alors désignée sous le nom de « yellow-flowered Paeony » car à cette période, aucune autre pivoine à fleurs jaunes n'était connue. Elle a été décrite à partir d'une plante cultivée dans le jardin de la Royal Horticultural Society en 1846 par Lindley qui reprit l'appellation de Hartwiss

P. abchasica, décrite à partir d'échantillons également récoltés en Abkhazie, était différenciée de P. wittmanniana par ses feuilles avec des segments plus étroits de 17-18 cm de long et 10 cm de large, vert pâle au dessous, glabres ou légèrement pubescents le long des nervures. Ses carpelles sont fortement tomenteux.


var. tomentosa Lomakin, 1897

Synonymes : P. tomentosa (Lomakin) N. Busch, 1919

Tiges de 80 à 150 cm. Feuilles biternées ; folioles ovoïdes, obovoïdes à elliptiques de 6-8 cm de long et 3 à 6 cm de large, arrondies à presque cordées à la base et brièvement acuminées à l'extrémité, vert foncé et rugueuses au-dessus, grisâtres et fortement pubescentes au-dessous. Fleurs jaune lumineux, largement ouvertes, filet des étamines entièrement pourpre ou seulement à la base et jaune à l'extrémité. Follicules fortement tomenteux, jaune-grisâtre, graines bleu-noir foncé. Floraison en mai.

2n = 20 ; Punina (1987-1989, échantillons de Lenkoran).

Endémique du Talish (sud de l'Azerbaïdjan, région de Lenkoran) et du nord de l'Iran, dans les forêts de montagnes, pentes rocailleuses des steppes, entre 1200 et 1800 m.

Riedl (1969) considère les populations de l'Iran comme appartenant à la variété wittmanniana, avec P. tomentosa comme synonyme incertain. Il situe ces populations dans la chaîne de l'Elbourz, près de Manjil (ouest), Gorgan (est) et sur le versant nord du mont Kendevan (centre).

Les localités de Manjil et Gorgan (auparavant région d'Asterabad) étaient déjà mentionnées par Stapf (1931) pour P. tomentosa tandis que ces mêmes localités étaient citées par Boissier (1867) pour P. wittmanniana Steven. La localité du mont Kendevan est citée par Parsa (1946) qui ne reconnaît en Iran que le type à carpelles glabres (P. wittmanniana Steven).

Il semblerait en fait que l'on trouve dans les différentes stations des plantes présentant des carpelles glabres et d'autres des carpelles pubescents.


var. nudicarpa N. Schipczinski, 1921

Synonymes : P. wittmanniana sensu Steven, 1848 non Hartwiss ex Lindley

P. steveniana Kemularia-Natadze, 1961

P. wittmanniana var. wittmanniana sensu Stearn, 1995

Tiges de 50 cm à 1 m et plus. Feuilles bi ou triternées, folioles ovoïdes à ovales-oblongues, vertes au-dessus, grisâtres et plus ou moins pubescentes au-dessous ; segments latéraux arrondis à subcordés à la base, brièvement pétiolés à subsessiles et amincis à l'extrémité, segments terminaux larges et amincis aux deux extrémités. Fleurs jaune-crème incomplètement ouvertes, filet des étamines jaune ou rosé seulement à la base ou sur toute la longueur, 2-4 follicules glabres. Floraison de avril à juin.

2n = 20 : Punina (1987-89, échantillons de Géorgie sous P. steveniana).

Nord-est de la Turquie (province de Rize et Çoruh, dans les fourrés de Rhodendendron caucasicum, sur granit, entre 2000 et 2400 m), Caucase (dans les montagnes de l'ouest et centre de la Géorgie), Nord de l'Iran (chaîne de l'Elbourz, près de Masuieh, mont Kendevan, Gorgan).

Les populations turques, limitées à une seule localité, ont été découvertes en 1979. Elles sont situées près de la frontière avec la Géorgie.

Cette pivoine a été découverte en 1848 par Wittmann et décrite comme une espèce nouvelle la même année par Steven sous le nom de P. wittmanniana. Ce nom avait été employé auparavant pour désigner une plante similaire mais à carpelles tomenteux. La dénomination de Steven devenait ainsi illégitime. Elle sera par la suite réduite au rang de variété par Schipczinski (1921) puis considérée de nouveau comme une espèce distincte sous une nouvelle dénomination, P. steveniana.

Des plantes diffusées sous cette appellation ont commencé à apparaître dans les collections depuis quelques années, laissant penser qu'il s'agit d'une espèce découverte récemment. Il ne s'agit en fait que d'une variété de P. wittmanniana connue depuis longtemps et déjà présente dans les collections.

Kemularia-Natadze (1961) considère la variété nudicarpa comme une espèce distincte (P. steveniana), endémique des montagnes de Colchique (ouest de la Géorgie, au bord de la mer Noire). Elle est toutefois largement disséminée dans le Caucase et au nord de l'Iran.


var. macrophylla (Albov) N. Busch, 1930

Basionyme i P. corallina var. wittmanniana t. macrophylla Albov, 1895

Synonymes : P. macrophylla (Albov) Lomakin, 1897

P. wittmanniana f. macrophylla (Albov) N. Busch, 1901

Tiges de 100 à 150 cm. Feuilles très larges, folioles ovoïdes, obovoïdes à orbiculaires de 15 à 24 cm de long et 10 à 15 cm de large, à base subcordée ou arrondie et à extrémité plus ou moins longuement acuminée, vert foncé au-dessus, glauques au-dessous avec de long poils blancs le long des nervures principales. Grandes fleurs largement ouvertes, blanc jaunâtre, filet des étamines jaune ou violacé sur toute la longueur ou seulement à la base, 2 à 4 follicules glabres. Floraison d'avril à juin.

2n = 20 : Punina (1987-89, échantillons d'Adjarie).

Endémique de l'ouest du Caucase (Adjarie, dans les forêts de montagnes entre 800 et 1000 m ; Abkhazie, près de Gagri, Guria, dans les montagnes le long de la mer Noire).

Les populations d'Abkhazie sont mentionnées par Kemularia-Natadze (1961) mais ne sont pas confirmées par Borodin (1978-1985) et Takhtadjan (1988)

***

La dénomination Paeonia wittmanniana a longtemps fait l'objet d'une confusion.

L'espèce décrite par Lindley en Angleterre (1846) correspond à un type à carpelles pubescents, tandis que Steven décrivait à Moscou en 1848 sous le même binôme un type à carpelles glabres, devenant ainsi un nom illégitime.

Boissier (1867) ne reconnaissait que le type de Steven tandis que Ruprecht (1869) regroupait les deux types dans une seule espèce sous le nom de P. wittmanniana Hartwiss ex Lindley.

Hooker (1882) présenta cette espèce dans le Botanical Magazine (t. 6645) en se basant sur la description de Steven, tout en mentionnant l'illustration accompagnant la description de Lindley. Il précisait également que des spécimens de l'Herbier de Londres, récoltés par Bunge dans la région d'Asterabad (Gorgan) et nommés P. wittmanniana ne correspondent pas à cette espèce car ils présentent des carpelles fortement tomenteux.

Albov (1895) a traité P. wittmanniana comme variété de P. corallina considérant que sans les fleurs, il est presque impossible de différencier les deux espèces. La variété wittmanniana présente alors des carpelles glabres ou pubescents et Albov distingue une nouvelle forme macrophylla.

Lomakin, se basant également sur le type de Steven, décrira en 1897 une variété tomentosa pour le type à carpelles pubescents.

Stapf (1931) présente P. tomentosa comme une espèce nouvelle. Il la compare à P. wittmanniana Steven, fait référence à l'étude de Hooker mais ne cite pas la description de Lindley. Il situe la répartition de P. tomentosa dans le sud-est du Caucase et dans le nord de l'Iran et considère que les plantes à carpelles tomenteux récoltées en Abkhazie n'appartiennent pas à cette espèce. P. tomentosa avait néanmoins été élevée au rang d'espèce dès 1919 par Busch dans une étude préliminaire à la flore du Caucase.

Schipczinski (1921) reconnaissait bien P. wittmanniana décrite par Lindley avec la variété tomentosa à carpelles tomenteux et décrivait donc une nouvelle variété nudicarpa pour le type à carpelles glabres. Mais dans Flora of the U.S.S.R; il distinguait P. wittmanniana Lindley-Steven (carpelles glabres, ouest et centre du Caucase) de P. tomentosa (carpelles tomenteux, sud-est du Caucase) et mentionnait une espèce récente P. abschasica (qui sera reconnue plus tard comme synonyme de P. witimanniana). La confusion a été levée par Stern qui désigna P. wittmanniana Hartwiss ex Lindley (1846) comme dénomination prioritaire du fait de son antériorité par rapport à P. wittmanniana Steven (1848) II a placé P. tomentosa comme synonyme de cette espèce et ne conserva que la variété nudicarpa pour les plantes à carpelles glabres (P. macrophylla a également été considérée comme variété de P. wittmanniana par Stern). Ce schéma a également été suivi par Riedl (1969) qui considère seulement P. tomentosa comme synonyme incertain du type wittmanniana.

Toutefois, les botanistes russes contestent ce point de vue car ils se réfèrent généralement au « concept de l'espèce selon V.L. Komarov » et considèrent donc que les différentes populations géographiques sont suffisamment différentes entre elles et homogènes au sein d'une même population pour être traitées comme autant d'espèces distinctes. P. wittmanniana, P. tomentosa et P. macrophylla sont donc considérées au rang d'espèce ; quant à P. wittmanniana Steven, elle a été redénommée P. steveniana, de manière à utiliser une appellation conforme aux règles de la nomenclature.

Ce concept est donc suivi par Schipczinski (1937), Kemularia-Natadze (1961) ou Punina (1987/1989)

cependant, P. wittmanniana, P. tomentosa et P. steveniana diffèrent surtout par leurs carpelles et très peu par l'aspect et la forme de leurs feuilles. Elles peuvent donc être traitées comme des variétés de P. wittmanniana. P. macrophylla est nettement plus distincte par la très grande taille de ses folioles, mais se trouve en partie localisée avec la variété wittmanniana et peut également être considérée comme une variété. Actuellement, la taxinomie de P. wittmanniana reste encore confuse.

Stearn (1995) sous P. wittmanniana Lindley (carpelles glabres ou pubescents), distingue deux variétés :

var. wittmanniana à carpelles glabres (= var. nudicarpa),

var. tomentosa à carpelles pubescents (= P. tomentosa ; P. wittmanniana F.C. Stern), la variété wittmanniana correspondant au type devrait être la variété à carpelles tomenteux..

Des études supplémentaires sont également nécessaires pour confirmer l'identification des populations du nord de l'Iran (carpelles glabres ou pubescents) ainsi que pour comparer les populations correspondant aux variétés wittmanniana et tomentosa.


Groupe Obovata

Groupe comprenant une seule espèce originaire de l'extrême-est asiatique et du Japon.


P. Obovata Maximowicz, 1859*

var. obovata

Synonymes : P. albiflora sensu Miquel, 1867 pro parte, non Pallas

P. oreogeton S. Moore, 1879

P. obovata var. typica Makino, 1898

P. wittmanniana sensu Finet & Gagnepain, 1904 pro parte, non Hartwiss ex Lindley

P. obovata var. amurensis N. Schipczinski, 1921

P. obovata var. australis N. Schipczinski, 1921

P. vernalis Mandl, 1921

P. obovata var. glabra Makino, 1928

P. obovata var. alba Saunders, 1934

P. obovata f. oreogeton (S. Moore) Kitagawa, 1939

Tiges de 60 cm de haut. Feuilles biternées pubescentes ou glabrescentes au-dessous, folioles latérales sessiles, étroitement à largement ovales ou oblongues, plus ou moins longuement acuminées; foliole terminale obovoïde brièvement acuminée habituellement longuement pétiolée. 3 sépales orbiculaires non foliacés. Fleurs blanches, crèmes, rosés à rouge pourpre de 7 à 9 cm de diamètre, filet des étamines blanc ou rosé; 2 à 5 follicules glabres, récurvés; graines bleu-noir lustrées. Floraison d'avril à juin.

2 n = 10 : Stebbins (1939); Probatova & Sokolovskaya (1986, extrême-est, région de Vladivostok, sous P. oreogeton); Hong, Zhang, Z.X. & Zhu (1988, Hebei, Heilongjiang, Japon, Corée, extrême-est de la Russie); Zhang, D.C. (1989, Anhui, monts Huangshan et Jiuhuashan).

2 n = 20 : Stern (1944); Sokolovskaya (1966, île Sakhaline, sous P. japonica), Hong, Zhang, Z.X. & Zhu (1988, ouest du Sichuan, Shaanxi, île Sakhaline, extrême-est de la Russie).

Espèce largement répartie dans l'est de l'Asie : Japon (Hokaido, Honshu, Shikoku), nord de la Corée, nord-est et centre de la Chine (provinces du Sichuan, Guizhou, Hunan, Jiangxi, Shaanxi, Shanxi, Anhui, Hubei, Henan, Ningxia, Jilin, Hebei, Liaoning... dans les forets, prairies subalpines entre 1 000 et 2 300 m), Russie (région des fleuves Zeïa, Boureïa, Amour, Sikhota-Alin, île Sakhaline, dans des forêts de chênes, bouleaux), Mongolie.

Makino (1902) et Ohwi (1953) précisent que les populations japonaises présentent toujours des fleurs rosés ou rosé-pâle, les formes blanches correspondant à la variété japonica.

La variété glabra mentionnée par Ohwi (1953) ne diffère que par ses feuilles complètement glabres. Elle pousse dans les mêmes zones que le type.

Fang (1958) la considère comme synonyme probable de P. obovata.

La variété alba différenciée par Saunders par ses fleurs blanches est la forme la plus répandue dans les jardins.

La variété amurensis a été décrite comme différant du type par ses petites fleurs pourpres ou rosés peu ouvertes. Elle est considérée comme synonyme de P. obovata par Fang (1958).

Schipczinski (1937) considère P. vernalis (synonyme : P. obovata var. australis) comme une espèce à part entière, différant par son port généralement prostré, ses feuilles elliptiques brièvement acuminées et ses grandes fleurs blanches ou rosées s'épanouissant en mai, un mois plus tôt que P. obovata.

Elle a été décrite à partir d'échantillons récoltés dans la région d'Oussourisk (extrême-est de la Russie) et serait également présente en Mandchourie et Corée.

Kitagawa (1979) la considère comme une espèce douteuse (avec le même synonyme) et précise qu'il ne l'a jamais récoltée tandis que Frang (1958) ne cite que P. obovata var. australis comme synonyme de P. obovata.

P. oreogeton, a été décrite en 1879 comme différant de P. obovata par ses carpelles brièvement récurvés et par la couleur de ses fleurs que son auteur suppose jaunes.

Elle a été découverte près de Kuantien (Kwandien) dans la région de Chen Yang (anciennement Mukden dans le sud de la Mandchourie près de la frontière coréenne).

Schipczinski (1921-1937) traite cette espèce entre celles des groupes Wittmanniana et Obovata. Il précise dans Flora of the USSR qu'elle a des fleurs jaunâtres à jaune paille (alors que P. obovata a des fleurs rosés) et que sa répartition générale se situe en Chine, Japon. Elle est supposée se trouver en Russie dans l'extrême-est, où elle remplacerait P. mlokosewitschii (limitée au Caucase), espèce qui présenterait plus d'affinités avec P. oreogeton que P. obovata.

Elle a été traitée comme simple synonyme de Paeonia obovata dès 1882 par Forbes & Hemsley puis par Huth (1892), Makino (1902), Komarov (1904), Nakai (1909). Elle est ignorée par Fang (1958).

Kitagawa (1939) en a fait une forme de P. obovata d'après la couleur incertaine de ses fleurs puis la considère en 1979 comme une espèce douteuse qu'il n'a jamais récoltée.

Elle est également considérée comme synonyme de P. obovata dans les flores chinoises récentes (Liu, 1975; Pan, 1979).

Stern (1946) précise que le spécimen-type de P. oreogeton est indiscutablement un spécimen à fleur blanche, typique de P. obovata mais signale que des pivoines à fleurs crème ont bien été récoltées dans la région de Harbin en 1939.

Les botanistes russes (Borodin, 1985; Takhtajan, 1988; Uspenskaya, 1992) la considèrent toujours comme une espèce distincte de P. obovata, présente en Russie dans le Sikhota-Alin et dans les îles Sakhalines et Kuriles. Borodin inclut également P. vernalis dans cette espèce qui reste douteuse.

P. oreogeton est toutefois mentionnée dans les espèces de pivoines cultivées au Jardin Botanique de Nancy (Bernard, 1991) ou d'Edinbourg (Walter & al., 1995).


var. willmottiae (Stapf) F. C. Stern, 1943

Basionyme : P. willmottiae Stapf, 1916

Diffère du type par ses grandes fleurs blanc pur complètement ouvertes, jusqu'à 15 cm de diamètre; ses folioles plus larges, glauques et fortement pubescentes au-dessous ainsi que ses carpelles toujours par 5, atténués et avec un style plus long.

2 n = 20 : Stebbins (1939, sous P. wittmanniana); Stern (1944). Hong & al. (1988) confirment 2 n = 20 pour les populations de P. obovata originaires du Sichuan et Shaanxi.

Originaire de Chine (Hubei, est et nord-ouest du Sichuan, Shanxi) dans les taillis et forêts en situation moite entre 1 600 et 2 400 m.

La plante décrite par Stapf provient de graines récoltées par E. H. Wilson et semées par Miss Willmott dans son jardin de Warley en Angleterre.

Des spécimens de P. obovata dans l'herbier de Paris, récoltés par le Père Fargès dans l'est du Sichuan en 1899 (région de tchen Keou Tin), présentent des folioles relativement larges avec les pétioles et le revers des feuilles fortement pubescents et des fleurs blanches. Ils ont été corrigés sous le nom de P. willmottiae par le Dr Handel-Mazzetti. Certains spécimens de la même récolte ont cependant des feuilles glabres ou légèrement pubescentes.

Fang (1958) la considère comme une espèce à part entière, car ses caractères distinctifs par rapport à P. obovata sont bien constants dans ses populations.


var. japonica Makino, 1898

Synonymes : P. albiflora sensu Miquel, 1867 pro parte, non Pallas

P. wittmanniana sensu Finet & Gagnepain, 1904 pro parte, non Hartwiss ex Lindley,

P. japonica (Makino) Miyabe & Takeda, 1910

P. japonica var. typica Nakai, 1937 ,

P. japonica var. pilosa Nakai, 1937

Tiges de 40 à 50 cm avec 3 à 4 feuilles larges généralement biternées. Folioles glabres, oblongues à largement ovoïdes de 4 à 12 cm de long et 3 à 7 cm de large, glauques au-dessous, aiguës ou obtuses, acuminées à la base avec généralement un court pétiole.

Fleurs toujours blanches peu ouvertes de 4 à 5 cm de large avec 3 sépales oboïdes, 5 à 7 pétales dressés, largement ovoïdes de 3 à 4 cm de long, avec une marge ondulée et 2 à 3 carpelles glabres avec un stigmate court, légèrement courbé. Floraison d'avril à juin.

2 n = 10 : Stebbins (1939); Stern (1944); Hong & al. confirment 2 n = 10 pour les populations japonaises présentant des fleurs rosés (var. obovata) ou des fleurs blanches (var. japonica).

Pousse dans les taillis et forêts des montagnes de Honshu, Shikoku, Kyu Shu, île Sakhaline, Corée.

Selon Makino (1898) cette variété est relativement fréquente au Japon et se rencontre parfois avec le type obovata.

Ohwi (1953) la situe également en Mandchourie mais considère probablement certaines formes blanches de P. obovata comme appartenant à la variété japonica.

La variété pilosa citée également par Ohwi est originaire de Corée et du Japon (Honshu, Shikoku). Elle se rencontre dans les mêmes zones que le type et n'en diffère que par ses feuilles pubescentes au-dessous.

P. obovata var. japonica était connue depuis très longtemps au Japon mais n'a été différenciée qu'en 1898 par ses feuilles toujours glabres et ses fleurs blanches. Miyabe & Takeda (1910) l'ont élevée au rang d'espèce, considérant qu'elle se distingue également de P. obovata par ses fleurs moins ouvertes avec des pétales concaves et des carpelles avec un stigmate plus court.

Néanmoins, P. japonica se rcr ans les mêmes zones que P. obovata et des spécimens à feuilles pubesentes ont été identifiés. De plus, les études de Hong & al. (1988) ont démontré que toutes les pivoines du Japon sont diploïdes, quelle que soit la couleur de leurs fleurs.

De ce fait, P. japonica peut être traitée au rang de variété.

* **

P. obovata a été découverte en 1855-56 dans la région des fleuves Amour, Bureïa, Ussuri (extrême-est de la Russie). Les premiers échantillons récoltés avaient des fleurs rosé-pourpre et Maximowicz précise dans la description d'origine que certaines tiges peuvent très rarement présenter deux fleurs.

Finet & Gagnepain (1904) d'après l'étude d'échantillons d'herbier, estimaient qu'il n'y a aucune différence entre P. obovata et P. wittmanniana, seuls les spécimens provenant du Japon présentent des tiges plus grêles et des fleurs plus petites. La plupart des échantillons d'herbier du Muséum d'Histoire Naturelle de Paris récoltés par les premiers missionnaires en Chine (David, Farges, Faurie) ont donc été corrigés sous l'appellation P. wittmanniana Stev.

Néanmoins, la forme et l'aspect des folioles, la couleur des fleurs, la forme des follicules et surtout leurs aires de répartition nettement séparées, en font deux espèces bien distinctes.

Stebbins (1939) considère P. obovata comme l'espèce diploïde la plus évoluée du genre Paeonia par ses tiges uniflores, le nombre réduit des sépales et leur forme; et y inclut P. japonica car ses caractères distinctifs se retrouveraient sur des spécimens de Corée et Mandchourie. En revanche, il place P. willmottiae comme synonyme de P. wittmanniana, considérant que seule la couleur des fleurs, jaunâtre chez P. wittmanniana et blanche chez P. willmottiae permet de les distinguer. P. wittmanniana présenterait donc des affinités avec P. obovata, la très large rupture dans la répartition de ces deux espèces (Caucase et Chine) serait due au fait que le genre Paeonia est très ancien et qu'à cette époque, les continents avaient une configuration très différente de celle d'aujourd'hui.

Actuellement, Hong & al. (1988) traitent P. obovata au rang de complexe dans lequel ils incluent la variété willmottiae et P. japonica. Leurs études ont démontré que les populations du centre de la Chine, Corée et Japon sont diploïdes, celles de l'extrême-est de la Russie sont à la fois diploïdes et tétraploïdes tandis que celles au sud de l'aire de répartition sont uniquement tétraploïdes; et cela indépendamment de la couleur des fleurs. Les populations tétraploïdes peuvent être considérées comme autotétraploïdes (individus diploïdes devenus tétraploïdes au cours de leur évolution).

Les pivoines tétraploïdes sont relativement rares en Asie (uniquement P. obovata et P. mairei) alors qu'elles sont nettement plus fréquentes dans la zone européo-caucasienne. Ceci démontre que l'Asie, et plus particulièrement la Chine, est l'un des berceaux du genre Paeonia.


Groupe Mairei

Comprend seulement une espèce, originaire de Chine et pratiquement inconnue dans nos jardins.


P. mairei Léveillé, 1915

Synonymes : P. bifurcata Schipczinski, 1920

P. oxypetala Handel-Mazzetti, 1920

P. vesiculifera Handel-Mazzetti, 1938 in herbier

P. mairei forma oxypetala (Handel-Mazzetti) Fang, 1958

Tiges uniflores de 40 cm à 1 m; racines épaisses, tuberculeuses. Feuilles glabres, longuement pétiolées, biternées, folioles terminales pétiolées, non ou brièvement décurrentes, les latérales sessiles; segments ovoïdes-lancéolés de 10 à 13 cm de long et 3 à 4,5 cm de large, longuement acuminés et à base aiguë ou arrondie, vert foncé au-dessus, plus pâles au-dessous. Présence sous les fleurs de bractées foliacées linéaires de 9 cm de long et de sépales largement ovoïdes de 2 cm de long et large. Fleurs rosés ou rouges de 10 à 15 cm de diamètre, avec 5 à 7 pétales ou plus, elliptiques ou oblongs, arrondis à l'extrémité, de 4 à 6 cm de long. Étamines de 1,5 à 2 cm de long. 2-3 carpelles étroits, glabres ou couverts d'un duvet brun-jaune et avec un style allongé. Floraison fin mai, début juin.

2 n = 10 : Lepper (1968-82; échantillons cultivés au Jardin Botanique d'Iéna). 2 n = 20 : Hong, Zhang & Zhu (1988, Shaanxi, Qinling Range; Sichuan).

Originaire des provinces du Sichuan, Shaanxi, Gansu, Shanxi, Yunnan, Guiz-hou, où elle pousse dans les prairies, taillis et rochers entre 800 et 3 200 m.

Paeonia mairei a été décrite de manière succinte en 1915 par Léveillé, à partir d'échantillons récoltés par Maire en 1912 dans le Yunnan (conservés dans l'Herbier d'Edinbourg et de Paris).

En 1938, Handel-Mazzetti étudia des spécimens de l'herbier de Paris récoltés par le Père Simeon Ten en 1908 (herbier Ducloux n° 5674) et également par Maire dont l'un est annoté « Paeonia tuberculeuse en touffe, rosé ou rouge, semi-double ou simple ». Il identifia alors une nouvelle espèce Paeonia vesiculifera sans la décrire, mais reconnut ensuite dans ces échantillons P. mairei et publia en 1939 une description plus précise de cette espèce.

Le Père Fargès récolta en juin 1899 dans la région de Tchen Keou Tin (est du Sichuan) de nombreux échantillons de pivoines conservés dans l'herbier de Paris. Ils ont été identifiés comme P. obovata, et certains spécimens sont typiques de la variété willmottiae.

D'autres en revanche sont très différents de P. obovata par la forme des folioles (étroites, elliptiques et longuement terminées en pointe), par la présence de sépales très allongés et par les fleurs rosés ou rouges alors que tous les autres échantillons ont des fleurs blanches. Ces spécimens correspondent bien à P. mairei; des échantillons de cette récolte conservés à St-Petersbourg (n° 566) ont servi de type à Schipczinski (1920) pour la description de P. bifurcata.

P. oxypetala diffère de P. mairei principalement par ses pétales pointus à l'extrémité, caractère unique dans le genre Paeonia. Elle a été découverte en 1914 dans la chaîne de Tahiang Shan, à l'est de Sikiang; puis en 1955 dans les mêmes zones et au nord de Sikiang (province de Shanxi), où elle pousse en lisière et en sous-bois dans une ambiance moite, à une altitude de 2 000 à 2500m.

Fang (1958) la considère comme une forme de P. mairei car elle se rencontre dans les mêmes zones, alors que Stern (1946) la traitait comme une espèce distincte. Elle est actuellement considérée comme simple synonyme de Paeonia mairei par Pan (1979) et autres botanistes chinois.

Malgré sa découverte au début du siècle P. mairei est toujours inconnue dans nos jardins et n'est présente en Occident que sous forme d'échantillons d'herbiers. Rix & Phillips (1991) montrent toutefois cette pivoine photographiée au Sichuan.


Groupe Lactiflora

Comprend seulement Paeonia lactiflora, espèce très répandue dans l'est de l'Asie.

P. emodi, originaire de l'Himalaya et placée dans ce groupe par Stern et Ray Cooper est traitée dans le groupe Anomala car elle est plus proche de cette espèce et de P. sterniana.


P. lactiflora Pallas, 1776

Synonymes : P. albiflora Pallas, 1788


var. lactiflora

Synonymes : P. albiflora var. hirta Regel, 1861

P. albiflora var. typica Huth, 1892

P. albiflora var. purpurea Korshinsky, 1893

P. albiflora var. typica f. genuina Schipczinski, 1921

P. albiflora var. typica f. pilifera Schipczinski, 1921

P. lactiflora var. hirta (Regel) Chu 1957

P. lactiflora var. purpurea (Bunge) R. Cooper, 1988

Tiges glabres uni ou pluriflores de 60 à 100 cm. Feuilles biternées, folioles généralement pétiolées, lancéolées ou elliptiques, le plus souvent acuminées, avec une marge finement dentée, glabres ou légèrement pubescentes au

revers. Partie supérieure de la tige munie de bractées divisées ou entières. Fleurs généralement blanches, rosés ou parfois rouge-pourpre avec 5 à 8 pétales ou plus. Étamines jaune doré; 3 à 6 follicules droits, courbés à l'extrémité, glabres. Graines noires, ovales. Floraison en mai-juin.

2 n = 10 : Stebbins (1939); Sokolovskaya (1966, extrême-est de la Russie); Hong, Zhang & Zhu (1988, Hebei, Mont Dahaituo).

Est et extrême-est de la Sibérie (plateau du Vitim, région des fleuves Zeïa, Bureïa, Amour, Sikhota-Alin), Mongolie, nord-ouest de la Chine (provinces de Jilin, Shanxi, Chengdu, Shaanxi, Ningxia, Hebei, Gansu, Sichuan, Mongolie intérieure, Mandchourie), nord de la Corée, où elle pousse dans les taillis et forêts entre 1 000 et 2 500 (3 000) m.

Elle est présente également au Japon mais uniquement en culture.

La variété hirta originaire de la région du Bureïa, se caractérise par des feuilles pubescentes. Huth (1892) et Komarov (1904) ne lui reconnaissent que des fleurs pourpres mais Regel (1861a) mentionne des échantillons à fleurs blanches récoltés par Maack et d'autres à fleurs pourpres. Kitagawa (1939) reconnaissait cette variété en Mandchourie alors qu'en 1979, il la considère comme synonyme de la forme pilosella. Elle est toutefois mentionnée comme synonyme du type lactiflora dans la flore du nord-est de la Chine (Liu & al. 1975).

La variété purpurea originaire de l'Amour, ne diffère du type que par ses fleurs pourpres. Elle est retenue par Ray Cooper car des graines sont parfois diffusées sous ce nom de variété, notamment par les institutions botaniques russes.

Schipczinski distingue la forme pilifera par ses sépales et pédoncules plus ou moins poilus.


var. trichocarpa (Bunge) Stern, 1943

Basionyme : P. albiflora var. trichocarpa Bunge, 1833

Synonymes : P. lactiflora f. trichocarpa (Bunge) C. Y. Cheng, 1955

P. yui Fang, 1958

Diffère du type par ses carpelles velus.

Bunge (1833) précise que cette variété est fréquente dans les jardins et que la couleur des fleurs est variable.

Elle est reconnue comme une variété distincte par Huth (1892, région de Pékin, monts Wu Tai Shan), Schipczinski (1921, Japon, Chine), Nakai (1909, Corée, dans les mêmes zones que le type). Les flores chinoises (Kitagawa 1939, Liu & al. 1975, Zhao 1978, Pan 1979), reconnaissent également cette variété.

Selon Stern (1943), cette variété ne serait connue qu'en culture. P. yui a été décrite à partir d'une plante cultivée dans le Yunnan à une altitude de 3 2(X) m.

Fang (1958) la différencie de P. mairei et P. lactiflora par ses feuilles coriaces avec des nervures distinctes, et de larges fleurs blanches doubles avec des carpelles pubescents. Elle est considérée comme synonyme de la variété trichocarpa par Pan (1979).


forma nuda (Nakai) Kitagawa, 1979

Basionyme : P. albiflora f. nuda Nakai, 1937

Cette forme se distingue par ses feuilles à revers glabre et par ses fleurs toujours blanches.

Originaire de la Mongolie, du sud de la Mandchourie et du nord de la Corée.


forma pilosella (Nakai) Kitagawa, 1979

Basionyme : P. albiflora f. pilosella Nakai, 1937

Diffère par ses feuilles pubescentes au revers, le long des nervures et par ses fleurs blanches.

Originaire de Mandchourie, Corée, Chine.

Ces deux taxons ont été décrits à partir de plantes récoltées en Corée; on peut supposer qu'ils sont à considérer comme des formes de la variété trichocarpa car Nakai (1937) ne distingue pas de type à carpelles glabres. Nakai précise toutefois que ces deux formes sont spontanées tandis que la variété trichocarpa est une plante cultivée dont la couleur des fleurs est variable.

Kitagawa (1939) mentionnait seulement le type nuda comme une forme de la variété trichocarpa mais dans la réédition du Lineamenta Florae Manshuricae (1979) il reconnaît les deux formes sans citer la variété trichocarpa.

Les formes nuda et pilosella sont toutefois mentionnées comme synonymes de la variété trichocarpa dans la flore du nord-est de la Chine mais absentes de la synonymie de la grande flore de Chine.


var. villosa M. S. Yan & K. Sun, 1992

Cette variété a été décrite dans le Bulletin of Botanical Research, publication indisponible. Elle est référencée dans le 20" supplément de l'Index Kewensis (1996).

***

P. lactiflora est cultivée depuis très longtemps en Chine et au Japon pour l'ornement des jardins et l'usage médical. Elle a également été utilisée comme plante alimentaire.

Elle est également la pivoine la plus répandue dans nos jardins au travers de ses innombrables variétés à fleurs simples, semi-doubles ou doubles, souvent parfumées.

Les synonymes suivants se rapportent à des plantes cultivées, dont certaines ont été introduites de leur milieu d'origine :

P. edulis Salisbury, 1806

P. albiflora var. fragrans Sabine, 1916

P. edulis var. reevesiana Paxton, 1841

P. fragrans (Sabine) Redouté, 1827

P. reevesiana (Paxton) Loudon, 1850

P. chinensis Hort. ex Vilmorin, 1870

Le cultivar « Whitleyi Major » à grandes fleurs blanches est généralement considéré comme typique de la forme sauvage. Il a été introduit de Chine en 1808.

Les racines de cette pivoine sont utilisées comme porte-greffe pour les cultivars de Paeonia suffruticosa. Une pivoine arbustive dont la greffe a avorté a néanmoins été plantée car la racine avait produit deux bourgeons. Les tiges qui ont poussé au printemps suivant ont donné deux fleurs simples avec 7 ou 8 pétales pourpres. Cette plante semble bien correspondre aux formes sauvages pourpres de Paeonia lactiflora, relativement rares dans les jardins.


Sous-section Paeonia

Synonymes : Sous-section Dissectifoliae F.C. Stern, 1946

Cette subdivision qui comprend l'espèce-type du genre Paeonia (P. officinalis), doit être nommée sous-section Paeonia.

Elle a été définie par Stern (1946) sous le nom de Dissectifoliae, pour l'ensemble des espèces dont les segments des feuilles sont plus ou moins incisés.

Cette sous-section est divisée en cinq groupes. Comme pour la sous-section Foliolatae, les groupes sont traités selon leur distribution géographique : groupe Officinalis, large répartition sur le nord-ouest du bassin méditerranéen, de la péninsule ibérique au nord des Balkans, groupe Clusii, endémique de Crète et Rhodes, groupe Peregrina, originaire des Balkans jusqu'à la Turquie, groupe Tenuifolia, présent des Balkans à la Russie d'Europe et dans le Caucase, groupe Anomala, large répartition en Russie, Asie centrale, Himalaya et Chine.


Groupe Officinalis

Comprend P. officinalis, espèce largement répartie au nord-ouest du bassin méditerranéen, subdivisée en quatre sous-espèces. P. clusii et P. rhodia ont été replacées dans un groupe distinct.


P. officinalis Linné, 1753

Synonymes : P. foemina (Linné) Miller, 1768

P. officinalis subsp. euofficinalis Fiori, 1924

P. peregrina auct. non Miller

Feuilles de la base divisées en (15) 17 à 30 segments glabres au-dessus, pubescents au-dessous. Pétiole profondément cannelé sur la face supérieure. Fleurs de 7 à 13 cm de diamètre rosés ou rouges. Filets des étamines rouges, 2 ou 3 follicules de 2 à 3,5 cm habituellement tomenteux, parfois glabres.


subsp. officinalis

Synonymes : P. officinalis var. foemina Linné, 1753

P. peregrina var. officinalis (Linné) Huth, 1892

P. peregrina proles angustata Rouy & Foucaud, 1893

P. peregrina proles officinalis (Linné) Rouy & Foucaud, 1893

P. monticola Jordan, 1903

P. villarsii Jordan, 1903

P. officinalis var. eufemina Graebner, 1923

P. officinalis subsp. euofficinalis var. peregrina (Miller) Fiori, 1924

Tiges de 30 à 60 cm, légèrement pubescentes à presque glabres. Feuilles biternées, composées de nombreuses folioles lancéolées, étroites, décurrentes à la base et aiguës à l'extrémité, de (7) 8 à 11 cm de long et 1,5 à 2,5 cm de large, profondément incisées, vert foncé et glabres au-dessus, vert pâle et légèrement pubescentes ou parfois glabres au-dessous. Fleurs rosés à rouges de 9 à 13 cm de diamètre, filet des étamines rouge, 2-3 follicules tomenteux. Floraison d'avril à juin.

2 n = 20 : Lovka & al. (1971, échantillons de Slovénie)

Sud-est de la France (Hautes-Alpes, dans la région de Siguret, Rissoul, Guillestre; Alpes-Maritimes), nord de l'Italie (Piémont, Lombardie, Trentin, Vénétie Romagne, dans les bosquets, forêts, entre 100 et 1 800 m), sud-est de la Suisse (mont Generoso, près de Lugano, à la frontière italienne), Slovénie, nord-ouest de la Croatie, sud de la Bosnie, Yougoslavie (Monténégro), nord de l'Albanie.

P. officinalis subsp. officinalis est localisée en France, à la limite de son aire de distribution; où se rencontre également la sous-espèce huthii. Elle présente souvent des caractères intermédiaires avec cette sous-espèce au niveau de la pubescence des tiges et feuilles et de l'incision des folioles.

P. officinalis subsp. officinalis n'est présente en Roumanie que de façon cultivée.

Nyman (1878) considérait P. officinalis comme une plante cultivée, dont le type spontané est P. peregrina.


subsp. banatica (Rochel) Soó, 1945

Basionyme : P. banatica Rochel, 1828

Synonymes : P. peregrina var. banatica (Rochel) Kittel, 1844

P. foemina var. banatica (Rochel) Gürcke, 1903

P. officinalis var. banatica (Rochel) Graebner, 1923

P. officinalis subvar. banatica (Rochel) Hayek, 1924

Tiges de 35 à 50 cm, glabres. Feuilles biternées, composées de 12 à 15 folioles glabres ou partiellement pubescentes, elliptiques, lancéolées à oblancéolées, de 8 à 16 cm de long et (1,5) 2,5 à 5 (7-8) cm de large, vert foncé et glabres au-dessus, glauques et glabres à légèrement pubescentes au-dessous, décurrentes à la base et aiguës à presque obtuses à l'extrémité. Foliole terminale entière ou généralement divisée jusqu'à la base en 2 ou 3 lobes, folioles latérales toujours entières. Fleurs rose-rouge de 8 à 12 cm de diamètre, filet des étamines rouge, 2 carpelles fortement tomenteux. Floraison avril-mai (juin).

2 n = 20 : Lovka & al. (1971, Yougoslavie, région de Deliblatska)

Présente de façon limitée en Europe centrale. Nord-est de la Yougoslavie (monts Fruska Gora, plaines de Deliblatska, près de la frontière roumaine), ouest de la Roumanie (région de Bàziâs, dans les forêts et près d'un monastère ; Oradea, Lugoj, Buzias, Orsova), sud-ouest de la Hongrie (monts Mecsek).

Les localités de Oradea et Lugoj sont citées par Nyàràdy qui les considère douteuses.

Stern (1946) supposait P. banatica d'origine hybride échappée d'un jardin, car elle se rencontre près d'un monastère. De par l'aspect de ses folioles, parfois largement elliptiques à ovoïdes, .glabres ou légèrement pubescentes, il la plaçait dans le groupe Mascula mais lui reconnaissait également des caractères de P. arietina (folioles parfois étroitement elliptiques, plus ou moins pubescentes). Se basant sur ces caractères intermédiaires entre les deux espèces, il maintenait P. banatica à un rang spécifique.

Nyàràdy (1953) signale dans la région de Bàziâs P. officinalis var. banatica, P. corallina var. typica (P. mascula subsp. mascula), P. corallina var. triternatiformis, et identifie comme P. corallina un échantillon d'herbier (FEH n° 739) récolté par Javorka dans le Banat.

Cullen & Heywood (1964) signalent également que des plantes de Bàziâs à folioles typiques de P. mascula ont été identifiées comme P. banatica par de nombreux auteurs.

Soô (1960) conteste le point de vue de Nyàràdy et considère que l'échantillon FEH n° 739 appartient bien à P. officinalis subsp. banatica, dans laquelle il inclut P. corallina var. triternatiformis, correspondant aux formes à feuilles largement elliptiques à ovoïdes.

Il donne également les caractéristiques des feuilles de spécimens récoltés dans diverses localités (Yougoslavie, Hongrie, Roumanie) dont les dimensions peuvent varier de 1,5 à 8 cm de large et de 6,5 à 16 cm de long. En conclusion, Soô considère que P. banatica est une pivoine variable de par la morphologie de ses feuilles, mais qui constitue une population homogène à l'intérieur de son aire de répartition, où elle représente une forme endémique de P. officinalis.

Jalas & Suominen (1991) suivent l'opinion de Soô et incluent les populations roumaines de P. mascula dans P. officinalis subsp. banatica.

Toutefois, P. officinalis subsp. banatica diffère nettement de P. mascula par ses feuilles avec la base des folioles longuement décurrente et par ses carpelles fortement tomenteux couverts d'un duvet blanc et très peu arqués.

Gürcke (1903) et Rechinger (1943) situaient cette pivoine dans la mer Egée (îles de Lesbos, Thasos); Hayek (1924) la mentionne en Macédoine. Ces indications correspondent probablement à P. mascula. .


subsp. microcarpa Nyman, 1878

Synonymes : P. humilis Retzius, 1783

P. villosa Desfontaisnes, 1804 nomen nudum

P. paradoxa var. leiocarpa De Candolle, 1824

P. peregrina var. leiocarpa (De Candolle) Cosson, 1851

P. microcarpa Boissier & Reuter, 1852 et non Salm-Dyck 1834, nom illégitime

P. peregrina var. humilis (Retzius) Huth, 1892

P. peregrina proles leiocarpa Rouy & Foucaud, 1893

P. peregrina proles microcarpa (Boissier & Reuter) Rouy & Foucaud, 1893

P. foemina var. humilis (Retzius) Gürcke, 1903

P. leiocarpa Jordan, 1903 P. modesta Jordan, 1903

P. foemina subsp. humilis (Retzius) Couthino, 1913

P. officinalis subsp. humilis (Retzius) Cullen & Heywood, 1964

Tiges jusqu'à 60 cm glabrescentes à pubescentes. Feuilles biternées, découpées en 20 à 36 segments plus ou moins elliptiques à oblongs-lancéolés, de 3,5 à 8,5 cm de long et 1 à 3 (4) cm de large, incisés à moins du tiers de la distance de la base, glauques et pubescents au-dessous. Fleurs de 8 à 13 cm de diamètre, magenta ou rouge-pourpre, 2-4 follicules glabres ou légèrement pubescents, arqués. Floraison en avril-mai.

2 n = 20 : Elena Rossello & al. (1987, Espagne, province de Salamanca)

Présente dans le nord, centre et sud de l'Espagne (province de Soria, Téruel, Sierra de Javalambre, de Alcaraz, province de Jaén), nord du Portugal (Tras-os-Montes) et dans le sud-ouest de la France (Gard, près du Vigan; Hérault, au Pic St-Loup, près de Montpellier; Pyrénées orientales), dans les forêts de chênes, maquis, sur sol acide ou calcaire entre 400 et 2000 m.

En France, Rouy & Foucaud (1893) reconnaissaient comme type spontané une race (proles) leiocarpa à carpelles glabres, dans laquelle ils distinguaient un type microphylla à feuilles très petites; tandis que la race microcarpa était considérée comme une plante cultivée.

Cette pivoine était considérée par Stern au rang d'espèce sous le nom de P. humilis tandis que Cullen & Heywood (1964) l'ont réduite au rang de sous-espèce.

Munoz-Garmendia & Bayôn (1984) ont toutefois redonné la priorité à l'appellation de Nyman (1878) car cet auteur mentionne bien en annexe de son Conspectus Florae Europaeae que les subdivisions sont dessous-espèces, même si cela n'est pas indiqué clairement dans le texte.

Cependant, P. microcarpa Boissier & Reuter (Pugillus Plantarum Novarum : 3, 1852) est un nom illégitime car il avait déjà été employé par Salm-Dyck (Hortus Dyckensis : 368, 1834) pour une espèce cultivée, à carpelles pubescents. La combinaison de Nyman au rang subspécifique légitime l'appellation microcarpa au sens de Boissier & Reuter et peut donc être conservée sans la citation de ces auteurs.


subsp. huthii Soldano, 1993

Synonymes : P. paradoxa G. Andersen, 1817

P. officinalis subsp. peregrina sensu Nyman, 1878 non Miller

P. peregrina var. villosa Huth, 1892

P. peregrina proles paradoxa (Anderson) Rouy & Foucaud, 1893

P. peregrina proles peregrina Rouy & Foucaud, 1893 non Miller

P. foemina var. villosa sensu Gürcke, 1903 non Desfontaines

P. officinalis subsp. euofficinalis var. villosa sensu Fiori, 1924 non Desfontaines

P. humilis var. villosa (Huth) F.C. Stern, 1943

P. officinalis subsp. villosa sensu Cifferri & Giacomini, 1954 comb. inval. non Desfontaines

P. officinalis subsp. villosa (Huth) Cullen & Heywood, 1964

Sous espèce très proche de P. officinalis subsp. microcarpa dont elle diffère par ses tiges et pétioles fortement pubescents et ses follicules tomenteux.

2 n = 20 : pas de données spécifiques à la subsp. huthii, mais à considérer tétraploïde comme P. officinalis subsp. microcarpa.

France, dans le sud-ouest (Gard, près de Anduze et Le Vigan, Lozère, Hérault, dans la région de Montpellier, Pyrénées orientales, près de Banyuls) et le sud-est (Vaucluse, sud de la Drôme, Hautes-Alpes, dans les régions de Guillestre, Siguret entre 570 et 1 680 m mais surtout autour de 1 500 m, Alpes-de-Haute-Provence, près de Sisteron, Var, Alpes-Maritimes) nord et centre de l'Italie.

Elle est inscrite en Annexe II de la flore protégée en France (Liste nationale).

Munoz-Garmendia et Navarro (1993) incluent cette sous-espèce dans P. officinalis subsp. microcarpa, du fait que l'on trouve dans les mêmes populations en Espagne et dans le sud-ouest de la France, des individus caractéristiques des deux sous-espèces ainsi que des individus intermédiaires.

Couthino (1913-1939) reconnaît également au Portugal, dans la même région (Tras-os-Montes) des types à carpelles glabres et pubescepts.

En revanche, les populations du sud-est de la France et de l'Italie sont typiques de la subsp. huthii.

P. villosa Desfontaines a été considérée par Cullen & Heywood comme un « nomen nudum » (dénomination sans description) tandis que P. peregrina var. villosa décrite par Huth (1892) légitime cette appellation. C'est donc elle qui était retenue comme basionyme par Cullen & Heywood (1964).

Cependant, Soldano (1993 affirme que l'appellation subsp. villosa (Huth) Cullen & Heywood est illégitime car Fiori (1924) avait traité auparavant ce même taxon sous la dénomination variétale P. officinalis var. villosa, basée sur P. villosa Desfontaines.

Desfontaines (1804) dans son Tableau de l'École de Botanique a effectivement mentionné P. villosa sans la décrire, mais l'a associée par une accolade à P. humilis, créant ainsi un nom illégitime.

P. officinalis subsp. villosa nécessitait donc une nouvelle dénomination. Elle a été appelée par Soldano subsp. huthii, en l'honneur de Ernst Huth, auteur d'une monographie du genre Paeonia et le premier à avoir décrit ce taxon de manière correcte.

Gürcke (1903), Fiori (1924) et Cifferi & Giacomini (1954) reconnaissaient également la variété villosa au sens de Huth, mais en se référant à Desfontaines. Elles sont donc à considérer sous l'appellation de Soldano.

Paeonia officinalis est connue depuis l'antiquité et a été appelée par Dioscoride (I" siècle après J.-C.) pivoine femelle.

A partir du XVIe siècle, Paeonia foeminea sera donc le nom utilisé par les botanistes pour désigner la pivoine officinale; des formes à fleurs doubles étaient déjà cultivées.

Linné (1753) sera le premier à désigner la pivoine femelle sous le nom de Paeonia officinalis, dans laquelle il distinguait deux variétés : a feminea P mascula

Miller (1768) a traité P. f.minea et P. mascula comme des espèces à part entière, sans mentionner Linné mais en citant les mêmes illustrations de référence (Haller, Bauhin, Fuchs, Lobel). Il a décrit aussi P. hirsuta qui est une forme double de jardin, P. tartarica dont Miller précise que les graines proviennent du Levant mais considérée ensuite comme synonyme de P. paradoxa (P. officinalis subsp. huthii) par Anderson et De Candolle et de P. officinalis par Tausch; et P. lusitanica, provenant du Portugal où, selon Miller, elle pousse spontanément et dont la description la rapproche de la sous-espèce microcarpa, mais considérée comme douteuse par tous les botatistes successifs.

Retzius (1783) reconnaissait P. officinalis dans laquelle il plaçait comme synonyme P. mascula et décrivait donc une nouvelle espèce, P. corallina. Il a également décrit P. humilis, d'après une plante du Jardin de Leipzig.

De Candolle (1817) traitait également P. officinalis et P. humilis mais reconnaissait sous le nom de P. peregrina des pivoines du sud de la France, ce qui est à l'origine d'une confusion durable. Anderson (1818) mentionnait les mêmes espèces et en décrivait une nouvelle, P. paradoxa.

Tausch (1828) traitait P. officinalis, P. humilis, reconnaissait P. lusitanica dont il établissait une description plus précise et décrivait deux nouvelles espèces, P. promiscua, nom déjà utilisé par Lobel (1581), désignant une pivoine spontanée et P. festiva, espèce cultivée dans les jardins.

La plupart des pivoines du type officinalis connues au début du XIXe siècle ont été décrites à partir de plantes cultivées d'origine plus ou moins douteuse, entraînant une multiplication des dénominations spécifiques. On peut citer également P. pubens Sims (1821) décrite à partir d'une plante reçue du Jardin des Plantes de Paris sous le nom de P. lobata, espèce mentionnée sans description par Desfontaines (1804); ainsi que P. russi, illustrée dans le Botanical Magazine dont la planche n° 3431 représente en fait une pivoine officinale. Cette « Paeonia russi » sera par la suite décrite par Lynch sous le nom de P. barii (1890).

Ces appellations ont été sources de confusions. P. lobata a désigné également P. broteroi et P. anomala. P. pubens a été placée comme synonyme de P. arietina par Boissier. P. broteroi a également été appelée par les botanistes portugais P. lusitanica. Il est souvent difficile d'assimiler la dénomination d'une pivoine, juste décrite et illustrée dans un ouvrage, à une espèce précise, car il n'existe pas d'échantillons d'herbiers et les plantes cultivées à l'origine ont souvent disparu.

P. banatica et P. microcarpa ont été les premières pivoines du groupe Officinalis décrites à partir de plantes récoltées dans la nature. P. microcarpa était déjà connue sous les noms de P. humilis et P. paradoxa var. leiocarpa.

Nyman (1878) distinguait dans P. officinalis deux sous-espèces : subsp. peregrina considérée comme le type spontané de P. officinalis, avec P. paradoxa et P. lusitanien comme synonymes; et subsp. microcarpa, originaire d'Espagne. P. banatica est placée comme synonyme de P. officinalis.

Huth (1892) a établi un statut proche du statut actuel en divisant P. officinalis en cinq variétés : var. (alpha) officinalis, var. (beta) villosa, var. (gamma) humilis, var. (delta) cretica et var. (epsilon) banatica. Ces mêmes variétés seront également reprises par Gürcke (1903) pour P. foemina.

Stern (1943), considérait P. officinalis comme une espèce isolée, et traitait comme espèces à part entière P. humilis avec comme variété P. villosa, P. clusii et P. mollis réunies dans le groupe Officinalis. P. banatica était placée alors dans le groupe Mascula.

Cullen & Heywood (1964) ont enfin élevé P. officinalis au rang de complexe, divisé en quatre sous-espèces (officinalis, banatica, humilis et villosa), reprenant ainsi le concept de Huth.

La clé de détermination de ces quatre sous-espèces dans Flora Europaea (1964-1991) précise :


1 - Folioles divisées jusqu'à la base

2 - Toutes ou la plupart des folioles divisées ainsi subsp. officinalis

2 - Seulement la foliole centrale divisée ainsi subsp. banatica

1 - Folioles divisées en segments faisant au plus le tiers de la longueur de la foliole

3 - Follicules pubescents ; tiges et pétioles floconneux subsp. villosa

3 - Follicules glabres ; tiges et pétiodes pubescents subsp. humilis

Cependant l'observation de nombreux échantillons d'herbier de P. officinalis récoltés en Espagne et dans le sud de la France (Laboratoire de Phanérogamie, Paris) montre une grande variabilité de l'aspect des folioles (dimensions et profondeur d'incision des segments) et de la pubescence des tiges et du revers des feuilles.

L'application de cette clé pour déterminer les sous-espèces présentes dans ces régions est relativement aléatoire.

Actuellement, le concept de Flora Europaea est toujours suivi. Les sous-espèces humilis et villosa ont seulement été redénommées, conformément aux règles de la nomenclature.

Paeonia officinalis est, avec P. lactiflora, l'espèce la plus connue des jardiniers, surtout par ses cultivars à fleurs doubles (" Rosea Plena ", " Rubra Plena ") présents autrefois dans tous les jardins de campagne, mais passés de mode aujourd'hui. Il existe également des cultivars à fleurs semi-doubles (" Anemoniflora "). Parmi les formes botaniques, les sous-espèces microcarpa et huthii sont les plus indiquées pour la rocaille.


Groupe Clusii

Comprend seulement P. clusii; P. rhodia, généralement considérée comme une espèce distincte, est traitée comme une sous-espèce de celle-ci. Stern (1946) plaçait P. clusii dans le groupe Officinalis, tandis que P. rhodia était placée dans le groupe Mascula. Mais leur présence endémique dans les îles de l'est de la Méditerrannée, leurs fleurs exclusivement blanches et leur caractère généralement diploïde font qu'elles peuvent être placées dans un groupe distinct.


P. clusii F. C. Stern & Stearn, 1940

subsp clusii

Synonymes : P. cretica sensu Tausch, 1828 non Sabine ex Lindley

P. peregrina var. glabra Boissier, 1867

P. peregrina var. cretica Huth, 1891

P. foemina var. cretica (Tausch) Gürcke, 1903

P. officinalis var. glabra (Boissier) Hayek, 1924

Tiges glabres de 20-30 cm. Feuilles de la base biternées, composées de 30 folioles ou plus divisées en nombreux segments totalisant ainsi 40 à 80 divisions. Segments étroitement oblongs ou elliptiques, aigus ou acuminés, généralement glabres sur les deux faces. Fleurs de 7 à 10 cm de diamètre, blanches ou rarement lavées de rosé. Filets rosés, 2 à 5 follicules de 3 cm, fortement tomenteux. Floraison en avril-mai.

2 n = 10 : Tzanoudakis (1977, ouest de la Crète, région de Chania; île de Karpathos)

2 n = 20 : Tzanoudakis (1977, est de la Crète, région de Lassithion)

Endémique des îles de Crète et Karpathos, dans les forêts de pins d'Halep, de Cupressus et dans des zones calcaires sèches entre 200 et 1 900 m.

Gandoger (1916) identifiait P. corallina en Crète, dans les localités du mont Ida, Lassithi, Hierapetra. Ces populations sont rattachées à P. clusii par Tzanoudakis (1977) et Stearn & Davis.


subsp. rhodia (Stearn) Tzanoudakis, 1977

Basionyme : P. rhodia W. T. Stearn, 1941

Synonymes : P. corallina sensu Buser, 1888 non Retzius

Tiges rouges, glabres de 30 à 40 cm. Feuilles de la base biternées, avec presque toutes les folioles divisées totalisant au maximum 29 segments. Folioles terminales généralement incisées en trois segments, les latérales, en deux segments. Folioles ovoïdes à presque elliptiques ou lancéolées,-aiguës ou brièvement acuminées, vert pâle et entièrement glabres au-dessous. Fleurs blanches de 7 cm de diamètre, filets rouges, 2 à 5 carpelles pubescents, blanchâtres de 2 à 2,5 cm avec un stigmate sessile. Floraison de février à avril (mai).

2 n = 10 : Tzanoudakis (1977, île de Rhodes, mont Pofitis)

Endémique de l'île de Rhodes, au mont Profitis Elias, près de Salakos, dans les collines et forêts de Cupressus sut sol calcaire, entre 350 et 700 m.

Les premiers spécimens de la pivoine de Rhodes ont été récoltés en fruits par Bourgeau en 1870 sur le mont San Elio et identifiés par Buser comme P. corallina. Elle a été redécouverte vers 1930 par un explorateur américain qui l'a observée en fleur. Il en a envoyé un plant à la pépinière de E. Bowles (Angleterre) qui disparut sans jamais fleurir, à cause de son départ en végétation trop précoce. De nouveaux spécimens ont été récoltés en fleur en 1938 par Eisa Landby et ont démontré qu'il s'agissait d'une nouvelle espèce.

Les études récentes de Tzanoudakis (1977-1983) ont enfin montré de grandes affinités entre P. clusii et P. rhodia. Le statut de P. rhodia a été reconsidéré au rang de sous-espèce de P. clusii et cette opinion est suivie par Greuter & al. (1989), Jalas & Suominen (1991) et Akeroyd (1993). Elle est néanmoins maintenue dans son rang spécifique par Stearn & Davis (1984).

L'observation de P. clusii et P. rhodia dans leur milieu naturel montre également qu'il y a peu de différences entre ces deux espèces. Les feuilles peuvent avoir des folioles relativement larges, assez proches de celles de P. mascula lorsque les plantes poussent en pleine ombre, tandis que celles poussant en plein soleil ont des feuilles très découpées. Les fleurs de P. rhodia, de taille variable, présentent parfois des ponctuations rosées à l'extérieur des pétales; le stigmate, également de forme variable, peut être rosé, orange ou pourpre foncé. Cette variabilité au sein de mêmes populations conduisant finalement à un rapprochement morphologique entre P. clusii et P. rhodia, supporte également le traitement de P. rhodia comme une sous-espèce de P. clusii (I. Rieck, communication personnelle).

La première mention de la pivoine blanche de Crète, observée au mont Ida, est due à Pierre Belon (1553) qui écrivait « les deux sortes de Peones que le vulgaire des grecs nomme Psiphedile, croissent en chaque vallée humide, ayant la fleur blanche ». Elle a été décrite par Charles de l'Écluse (1601) sous le nom de Paeonia cretica et était citée de nouveau en 1620 par Bauhin, puis fut ignorée par les botanistes jusqu'au début du 19e siècle; De Candolle (1817) citant juste en annotation les appellations de l'Écluse et Bauhin.

Une pivoine à fleurs rosés cultivée depuis longtemps dans un jardin en Angleterre avait été décrite par Andersen (1818) sous le nom de P. arietina var. oxoniensis.

Cette variété a ensuite été décrite par Lindley (1824) sous le nom de Paeonia cretica d'après une appellation de Sabine, car elle était supposée venir de Crète. Mais cette pivoine n'était qu'une variété de P. mascula subsp. arietina.

La pivoine blanche de Crète a été découverte de nouveau par Sieber en 1817. Tausch (1828), citant en référence de l'Écluse, l'a également décrite sous le nom de P. cretica, créant ainsi un nom illégitime.

Lynch (1890) désignera sous P. arietina var. cretica la même plante que Anderson (corolle à pétales lacérés rosé pâle presque blancs); tandis que Huth (1891) sous P. peregrina var. cretica, décrira une pivoine originaire de Crète à feuilles complètement glabres avec des segments étroits, aigus et des fleurs blanches, correspondant bien à l'actuelle P. clusii; mais avec P. arietina var. oxoniensis comme synonyme !

Elle avait également été décrite par Boissier (1867) sous le nom de P. peregrina var. glabra, d'après un échantillon récolté en Crète par Heidreich. Les feuilles de cette variété sont complètement glabres au revers tandis que le type (P. peregrina désigne en fait P. mascula subsp. arietina) a des feuilles fortement pubescentes; mais Boissier ne mentionne pas la couleur des fleurs.

La pivoine de Crète sera reconnue au début du XXe siècle sous les noms de P. cretica Sabine (Halâcsy, 1900), P. foemina var. glabra (Gürcke, 1903), P. officinalis var. glabra (Hayek, 1924) et restera associée à P. arietina et à ses variétés à fleurs rosés.

Elle est restée sans dénomination spécifique jusqu'en 1935 lorsque W. T. Stearn a commencé à annoter divers échantillons d'herbier sous le nom de P. clusii. Elle a ensuite été décrite sous cette même dénomination par F. C. Stern (1940).

P. clusii et sa sous-espèce rhodia sont deux pivoines dont le positionnement dans la classification de Stern reste imprécis.

Stern (1946) plaçait P. clusii dans la sous-section Dissectifoliae (Paeonia), groupe Officinalis et P. rhodia dans les Foliolatae, groupe Arietina; ce schéma est également suivi par Cooper (1988). Néanmoins, P. rhodia présente quelques folioles divisées en segments secondaires, ce qui est caractéristique de la sous-section Paeonia.

Tzanoudakis (1977-1983) a également mis en évidence des relations étroites entre P. mascula et P. clusii. Il a observé que, du point de vue cytologique, les caractéristiques des chromosomes de ces deux espèces sont très similaires, alors qu'elles sont classées dans deux sous-sections différentes de par la morphologie de leurs feuilles. En fait, les populations diploïdes de P. clusii, sont des formes reliques relativement anciennes'tandis que les formes tétraploïdes sont des dérivés autotétraploïdes plus récents, ayant évolué au sein même de l'espèce. A l'inverse, P. mascula subsp. mascula et subsp. hellenica, sont des dérivés allotétraploïdes, apparus par une hybridation relativement ancienne entre les formes diploïdes (P. mascula subsp. russoi et P. clusii) ou leurs ancêtres.

Cette relation d'espèce justifie donc le positionnement de P. clusii dans un groupe distinct du groupe Officinalis. Le groupe Clusii serait également à rapprocher du groupe Mascula, dans la sous-section Foliolatae.

P. clusii se rencontre parfois dans les collections. Elle nécessite un sol parfaitement drainé et est assez sensible aux fortes gelées car elle entre très tôt en végétation. La sous-espèce rhodia est de culture plus facile, également en terrain bien drainé, et produit régulièrement des graines.


Groupe Peregrina

Comprend deux espèces originaires de la Grèce et des Balkans jusqu'à la Turquie.


P. peregrina Miller, 1768

Synonymes : P. décora G. Andersen, 1818

P. officinalis auct. roumains


var. peregrina

Synonymes : P. peregrina var. typica A. Nyàràdy, 1953

Tiges glabres de 30 à 50 cm et plus. Feuilles de la base biternées, composées de 15 à 17 folioles principales, divisées en segments étroitement elliptiques; le dernier, court, élargi et fortement échancré à l'extrémité; partiellement pubescents à glabres au dessous, avec de minuscules poils le long des nervures principales au-dessus. Fleurs de 7 à 13 cm de diamètre, rouge vif à rouge foncé, moins largement ouvertes que chez les autres espèces européennes. Etamines rosés ou rouges, 2-3 (4) follicules tomenteux de 2 à 3,5 cm. Floraison en avril-mai.

2n = 10 : Sopova (1971, échantillons de Macédoine)

2n = 20 : Sopova (1971, Macédoine); Susnik & Lovka (1973, Yougoslavie); Tzanoudakis (1977, Grèce); Popova & Ceschmedjiev (1978, Bulgarie); Uspenskaya & Sololeva (1991, Moldavie)

Sopova (1971) a démontré que des individus diploïdes et tétraploïdes pouvaient se rencontrer dans une même population sans présenter de différences morphologiques. Les sujets tétraploïdes fleurissent seulement deux semaines plus tard.

Italie (une station dans les Abruzzes), Grèce (île de Levkas, Epire, Thessalie, Thrace, île de Thassos, dans les forêts de chênes et les arbustes, dans les rochers calcaires en situation sèche ou humide, entre 200 et 1150 m), sud de l'Albanie, Macédoine (monts Zeden et Selecka, région de Probistip), Yougoslavie (sud-est de la Serbie), sud et est de la Roumanie (régions de Craiova, Bucarest, Galati, Barlad), nord de la Moldavie, près de la frontière roumaine, Bulgarie, Turquie (centre et sud-ouest de la partie européenne; provinces de Çanakkale, Bursa, Yozgat, Kastamonu, entre 1 000 et 1 200 m).

En Grèce (Epire, district de loannina), les échantillons identifiés par Baldacci (1895/97) comme P. peregrina var. glabra, sont rattachés à P. officinalis par Halàcsy. P. officinalis n'est pas mentionnée en Grèce (Tzanoudakis, 1977) et les échantillons de Baldacci sont bien à considérer comme P. peregrina.

En Bulgarie, les pivoines se rencontrent sur des sols calcaires, plus ou moins pierreux, généralement en sommet de collines, dans des zones bien ensoleillées. Elles se rencontrent également dans des bosquets et broussailles en compagnie de Carpinus orientalis, Syringa vulgaris, Quercus cerris, Q. frainetlo... mais toujours au soleil. Elles forment généralement des groupements assez importants (Dr. V. Valtchev, Université de Sofia; communication personnelle).

Davis & Cullen (1965) considèrent les plantes traitées sous le nom de P. officinalis par Bornmüller comme synonyme de P. peregrina. Bornmüller (1936) cite sous cette dénomination des spécimens récoltés dans les provinces de Amasia et Gümusane où ne se trouve pas P. peregrina et correspondent à P. mascula subsp. arietina.


forma rosea A. Janev & D. Jordanov, 1970

Diffère du type par ses fleurs rosés.

Forme originaire de l'ouest de la Bulgarie, dans la localité de Bobosevski Ruen (région de Znépole), où elle pousse dans les collines calcaires.


var. latiloba A. Janev & D. Jordanov, 1970

Cette variété se caractérise par ses feuilles vert foncé presque coriaces, avec des segments larges. Les fleurs sont rouge foncé.

Présente également en Bulgarie, dans la même région que la forme à fleurs rosés. Ces deux taxons ont été récoltés en mai 1951 par A. Janev.


var. fülei Pénzes, 1968

Diffère du type par la corolle avec les pétales inégalement dentés (dents jusqu'à 8 mm de long).

Cette variété a été récoltée dans les montagnes près de Sliven (centre-est de la Bulgarie) par Pénzes en 1966 mais n'est pas reconnue dans la flore de Bulgarie (Jordanov,1970).

Elle a été nommée en l'honneur de A. Fille, collecteur pour le botaniste Frivaldsky, qui herborisait dans la région de Sliven en 1833.


var. romanica (Brandza) A. Nyárády, 1953 (photo p. 468).

Basionyme : P. romanica Brandza, 1879

tiges de 80 cm à 1 m, glabres. Feuilles de la base longuement pétiolées, biternées, divisées en environ 15 segments glabres, vert foncé et brillants. Folioles latérales fortement échancrées, formant de larges segments lancéolés, aigus à l'extrémité, dentés ou non, segments terminaux élargis, profondément incisés en trois parties. Feuilles supérieures brièvement pétiolées à subsessiles, moins découpées. Fleurs rouge sombre incomplètement ouvertes, pétales concaves, filets rosés, anthères jaunes, (3) 4 à 5 carpelles pubescents, arqués à maturité. Floraison fin avril-mai.

Originaire du sud-est de la Roumanie (régions de Galati, Constanta), entre le delta du Danube et la frontière bulgare près de la mer Noire ; où elle se rencontre avec le type peregrina.

Nyárády (1953) différencie bien la variété romanica du type peregrina par ses folioles plus larges, aux extrémités incisées; mais ne mentionne pas la présence de 4 ou 5 carpelles (seulement 2 ou 3 comme dans le type), caractère peu fréquent chez P. peregrina. Brandza précise 2 à 4 carpelles.

La planche illustrant l'étude de Stapf (1918) représente P. romanica cultivée au jardin botanique de Kew. Elle présente également de longs segments aigus et 4 follicules. Elle est semblable à la plante décrite cidessus, mais Stapf la rattache à P. peregrina.

Elle est généralement considérée comme simple synonyme de P. peregrina (Jalas & Suominen, 1991 ; Stearn, 1995) et ignorée dans Flora Europaea, mais conserve son rang variétal dans la classification de Ray Cooper.

Au jardin alpin du Muséum National d'Histoire Naturelle de Paris, une plante est étiquetée également P. peregrina var. romanica. Elle est très basse (environ 30 cm), les segments sont très courts et moins échancrés, vert mat et les fleurs rouge vif brillant avec 2 à 3 carpelles pubescents. Elle diffère peu du type peregrina.

Paeonia peregrina a été décrite pour la première fois en 1583 par Charles de l'Ecluse (Clusius), sous le nom de Paeonia byzantina. Elle a été introduite à partir de graines provenant de Constantinople (Istanbul) en 1588. La première illustration de cette pivoine figure dans l'ouvrage « Rariorum Plantarum Historia » (1601). Clusius distinguait alors deux variétés (prior et altéra), la seconde présentant des feuilles et des fleurs plus pâles et moins grandes. L'appellation Paeonia peregrina (pivoine voyageuse, pivoine étrangère) est attribuée à Gaspard Bauhin (1623) car elle a été la première pivoine connue en Europe provenant d'Orient.

Elle a été ignorée par Linné, puis décrite succintement en 1768 par Philip Miller de nouveau sous le nom de Paeonia peregrina, originaire du Levant, mais en se basant sur des plantes cultivées. Il cite en référence la dénomination de Bauhin Paeonia peregrina flore saturate (sature) rubente (pivoine étrangère à fleurs rouge foncé) mentionnée dans le « Pinax Theatri Botanici ».

Sims (1807) dans le Botanical Magazine, a étudié cette pivoine en reprenant les synonymes des botanistes anciens (Bauhin, Clusius, Besler, Morison...) et en accordant plus d'intérêt sur leurs descriptions que sy les illustrations car certaines seraient incorrectes. Mais la planche illustrant l'étude de Sims (t. 1050) représente une pivoine à fleurs rosé foncé très ouvertes, avec des folioles peu ou pas incisées, caractéristiques d'une pivoine officinale. De plus, Sims s'est également basé sur des spécimens de l'herbier de Miller dans lequel, selon Stapf (1918), ne figurent que deux échantillons de mauvaise qualité envoyés par le Jardin des Plantes de Paris et dont l'un proviendrait du sud de la France. Ces échantillons, qui ne seraient que des formes de P. officinalis, ont été identifiés par erreur P. peregrina, par Miller luimême.

De Candolle, dans le 5e volume (supplément) de la Flore de France (1815), a utilisé le nom de P. peregrina pour des pivoines du sud de la France (P. officinalis subsp. microcarpa et subsp. huthii); alors que dans le précédent volume (1805), il les nommait bien P. officinalis. Cette erreur d'appellation, associée à la planche erronée de l'étude de Sims, sont à l'origine d'une confusion durable. Durant le 19° et jusqu'au milieu du 20e siècle, ce nom sera utilisé pour diverses formes de P. officinalis par les auteurs de flores d'Europe occidentale (Espagne, France, Italie). Dans son Regni Vegetabilis (1817) De Candolle distinguait trois variétés :

(a) carpelles tomenteux, folioles trilobées pubescentes au dessous

(b) carpelles glabres, folioles très incisées

(c) folioles plus grandes, peu lobées

Les deux premières variétés sont originaires du sud-ouest de la France, la troisième est une plante cultivée dans laquelle est incluse P. peregrina Miller et Sims (t. 1050). P. byzantina et P. peregrina flore sature rubente sont placées en synonyme de P. lobata, espèce seulement nommée par Desfontaines dont De Candolle situe l'origine au Portugal et au Levant !

Anderson (1818) traitait P. peregrina comme une pivoine du sud de la France, en accord avec De Candolle et distinguait une variété a byzantina dans laquelle P. peregrina Sims (t. 1050), P. byzantina altéra Clusius et P. peregrina flore dilute rubente Bauhin sont placés en synonymes. Il basait sa description sur une pivoine à fleurs rosé foncé cultivée à Kew, la même qui a servi à illuster l'étude de Sims. Mais Anderson affirme qu'elle serait identique aux plantes introduites par Clusius. En revanche, il a décrit une nouvelle espèce P. décora, dont les synonymes P. byzantina prior et P. peregrina flore sature rubente désignent une pivoine à fleurs rouge foncé introduite du Levant par Clusius. Celle-ci correspond parfaitement à la vraie Paeonia peregrina. Finalement, P. décora et P. peregrina var. byzantina décrite par Anderson semblent identiques de par leurs synonymes (exclue la planche 1050) mais il est probable que la plante cultivée à Kew soit différente de celles introduites par Clusius.

Boissier (1867) a traité sous le nom de P. peregrina, P. mascula subsp. arietina dans laquelle il distinguait les variétés glabra, correspondant à P. clusii, et latifolia, correspondant à P. parnassica. La vraie P. peregrina était reconnue par Boissier sous le nom de P. décora. Enfin, des populations de l'est de la Roumanie ont été décrites par Brandza (1879) sous le nom de Paeonia romanica.

Fritsch (1899) dans une contribution à la flore des Balkans a été le premier à réutiliser correctement le nom de P. peregrina en reprenant les caractères de la diagnose de Miller, la référence de Bauhin (Paeonia peregrina flore sature rubente) placée par Miller en synonyme; ainsi que P. byzantina prior de Clusius, dénominations qui correspondent à la vraie Paeonia peregrina. Il a donc placé en synonymes de celleci P. decora, P. romanica ainsi que P. lobata Desfontaines au sens de De Candolle (ne comprenant que les plantes originaires du Levant).

Stapf (1918) a également étudié l'histoire de P. peregrina et levé la confusion. Néanmoins, Schipczinski (1921) différenciait encore P. décora (Balkans, Asie Mineure occidentale) de P. peregrina (Europe du sud, ouest de l'Asie) dans laquelle il plaçait une variété leiocarpa (correspondant actuellement à P. officinalis subsp. microcarpa).

Mais depuis la classification de Stern (1946), les deux espèces sont de nouveau bien définies et cette confusion n'existe plus.

P. peregrina est une espèce assez spectaculaire et facilement reconnaissable par ses fleurs rouge foncé peu ouvertes. Elle est connue également par quelques cultivars à fleurs simples rouge vermillon ('Fire King', 'Otto Froebel', 'Sunshine').


P. parnassica Tzanoudakis, 1977

Synonymes : P. peregrina var. latifolia Boissier, 1867

P. russoi sensu Halàcsy, 1900 pro parte

P. arietina auct. non G. Anderson

Tiges de 30 à 50 (65) cm pubescentes. Feuilles de la base biternées, divisées en 9 à 13 segments obovoïdes à étroitement elliptiques ou lancéolés de 4 à 8 cm de long et 2 à 4 (6) cm de large, aigus ou brièvement acuminés, couverts d'une forte pilosité au-dessous donnant un aspect vert-grisâtre. Segment terminal entier ou incisé en deux ou trois lobes. Fleurs de 8 à 12 cm de diamètre, sépales pubescents, 9 à 12 pétales rouge foncé, filet des étamines pourpre, 1 à 2 (3) follicules tomenteux. Floraison en mai.

2n = 20 : Tzanoudakis (1977, mont Parnassos)

Endémique des montagnes du centre-sud de la Grèce autour des monts Parnassos et Helikon, près des forêts d'Abies, sur sol calcaire entre 800 et 1300m.

P. parnassica pousse de préférence à l'ombre sur les pentes exposées au nord. Elle hiverne sous une couche de neige, entre en végétation début avril et passe l'été complètement au sec.

Elle a été découverte en 1854 par Orphanides et décrite par Boissier (1867) comme la variété latifolia de P. peregrina. Mais sous la dénomination peregrina, Boissier traitait en fait P. mascula subsp. arietina. Il différenciait cette variété uniquement par ses folioles largement ovoïdes-oblongues (étroites chez le type) mais la plante récoltée provenait bien du mont Parnassos.

Le spécimen-type (Orphanides n°445) a été identifié par Stern (1946) comme P. arietina. Il avait été considéré auparavant comme P. russoi par Halàcsy (1900), du fait de ses feuilles fortement pubescentes au revers.

De nouveaux échantillons ont été récoltés récemment par les botanistes grecs et les études cytologiques menées par Tzanoudakis (1977) ont démontré que les populations du mont Parnassos représentent une espèce nouvelle dans laquelle a été inclus le spécimen n°445 récolté par Orphanides.

P. parnassica est l'une de ces espèces dont le positionnement dans la classification de Stern est imparfait. De par ses folioles très peu incisées, Ray Cooper place cette espèce dans la sous-section Foliolatae, groupe Mascula. Elle est toutefois considérée par Stearn & Davis (1984) comme très proche de P. peregrina, espèce de la sous-section Dissectifoliae. Akeroyd (1993) place également cette pivoine entre P. peregrina et P. officinalis. En fait, les études de Tzanoudakis (1977-1983) montrent que P. parnassica est une espèce allotétraploïde dérivant d'une hybridation entre P. peregrina et P. mascula subsp. russoi.


Groupe Tenuifolia

Comprend une espèce du sud-est de l'Europe et de la Russie bien présente dans les collections; ainsi que deux autres espèces proches, au statut imprécis et deux hybrides naturels.


P. tenuifolia Linné, 1762

subsp. tenuifolia

Synonymes : P. tenuifolia var. parviflora Huth, 1891

P. tenuifolia var. typica Schipczinski, 1921

P. tenuifolia var. brevifolia Prodan & Borza, 1935

P. tenuifolia f. brevifolia (Prodan & Borza) Borza, 1947

P. tenuifolia f. parviflora (Huth) Borza, 1947

P. tenuifolia f. normalis A. Nyàràdy, 1953

Tiges de 20 à 40 cm. Feuilles bi ou triternées, divisées en nombreux segments linéaires de 1 à 2 mm de large, glabres au dessus, pubescents au dessous. Fleurs de 6-8 cm de diamètre, rouge brillant à pourpre foncé, paraissant rester dans le feuillage. Filets pourpres, anthères jaunes, 2-3 follicules (rarement 4 ou 5) tomenteux de 2 cm de long, graines marron-brun. Floraison en Avril-Mai.

2n = 10 : Lovka & al. (1971, échantillons de Yougoslavie); Zakharyeva (1985, Stavropol); Punina (1987/89, Géorgie); Dane (1997, Turquie, région de Edirne).

Répartition assez large dans le sud-ouest de l'Europe et dans le Caucase : Yougoslavie, à la frontière roumaine, centre et sud de la Roumanie (régions de Cluj, Craiova, Galati, Constanta), est et ouest de la Bulgarie, Turquie d'Europe (région de Edirne, Lalapasa, près de la frontière bulgare), Russie d'Europe (région des fleuves Don et Volga, sud-est de l'Ukraine, Crimée), Géorgie, sud de l'Arménie (région de Kafan, dans les clairières, lisières de forêts de chênes et broussailles), Azerbaïdjan, nord de l'Iran.

Dans les populations roumaines, Nyàràdy (1953) distingue :

f. normalis, type à tiges de 20 à 50 cm, segments linéaires de 1-2 mm de large et 1,5 à 3 cm de long, pétales de plus de 2 cm de long.

f. brevifolia, tiges de 20 à 50 cm, segments linéaires très courts, de 1 mm de large. Présente dans la région de Constanta

f. parviflora. tiges de moins de 20 cm, petites fleurs avec des pétales de moins de 2 cm de long. Se rencontre avec le type.

Elles sont toutes à rattacher au type tenuifolia qui présente une certaine variabilité morphologique.


subsp. biebersteiniana (Ruprecht) Takhtajan, 1966

Basionyme : P. biebersteiniana Ruprecht, 1869

Synonymes : P. hybrida sensu Pallas, 1795, non Pallas, 1788

P. tenuifolia var. hybrida Lipsky, 1889/92

P. tenuifolia var. biebersteiniana (Ruprecht) N. Busch, 1901

Tiges de 20 à 70 (100) cm. Feuilles triternées, incisées en segments linéaires-étroits de 3 à 10 mm de large, glabres ou avec des poils sur la face supérieure le long des nervures. Fleurs rouge brillant de 3 à 6 cm de diamètre ; filet des étamines rouge, parfois jaune; follicules pubescents droits ou légèrement courbés. Floraison en Mai.

Sud-ouest de la Roumanie (régions de Cluj, Moldova Noua, Timisoara), Crimée, Caucase, (sud-est de l'Arménie, Géorgie), sud de la Russie (région de Stavropol, Volgograd, Voronej), sud-est de l'Ukraine (région de Kharkov) dans les steppes, collines et au milieu des arbustes, dans des zones où se rencontre le type tenuifolia qui fleurit quelques jours plus tôt.

Paeonia biebersteiniana était déjà mentionnée en Crimée par Pallas (1795) et dans la région de Stavropol par Bieberstein (1808) sous le nom de P. hybrida. Ce nom avait déjà été employé par Pallas lui-même en 1788 pour décrire une espèce différente récoltée dans la région de Barnaul (sud de la Sibérie), et également une pivoine hybride cultivée au Jardin Botanique de St-Petersbourg.

Ruprecht (1869) considérant que P. hybrida est une pivoine hybride a donc décrit les plantes de Crimée et du Caucase comme une espèce nouvelle.

Schipzinski (1921) traitait P. biebersteiniana comme une variété de P. tenuifolia, et comme une espèce distincte dans Flora SSSR (1937).

Stern (1946) la qualifiait de « species non satis nota » (espèce insuffisamment caractérisée) et l'incluait dans les synonymes de P. anomala var. intermedia. Il précisait que la description de cette pivoine la rapprochait de P. anomala, bien qu'elle ne soit pas mentionnée dans le Caucase. Mais tous les spécimens de l'herbier de Kew récoltés dans la région de Stavropol ne sont que des P. tenuifolia et aucun ne correspondent au type décrit par Ruprecht.

Busch (1901) et Takhtajan (1966), estiment que P. biebersteiniana ne peut être considérée au rang d'espèce car elle pousse en compagnie de P. tenuifolia et des formes de transition existent entre les deux. De ce fait, ils traitent cette pivoine au rang de variété ou de sous-espèce.

Un spécimen récolté en 1853 par le Dr Schur en Transsylvanie, dans la région de Klausenburgh (actuellement Cluj) est conservé dans l'herbier du Muséum de Paris. La plante est relativement haute, très feuillée ; les segments linéaires très allongés font 4 à 5 mm de large. La fleur rouge présente 5 carpelles tomenteux. Cet échantillon, très différent de f. tenuifolia a été déterminé P. hybrida, et semble bien correspondre à P. tenuifolia subsp. biebersteiniana.


P. lithophila Kotov, 1956

Tiges de 10 à 20 cm de haut, très feuillées. Feuilles bi ou tripennatiséquées; segments linéaires subulés de 1 à 6-8 mm de long et 0,6 à 1 mm de large, glabres au dessus et couvert de poils courts au dessous. Fleurs de 2 à 2,6 cm de diamètre, rouge-sang. Carpelles de 1 à 1,5 cm de long et 1 cm de large, tomenteux. Floraison en avril.

Endémique de l'est de la Crimée (chaîne taurique dans la région de Soudak, mont Karadag), dans des zones rocailleuses. Le type a été récolté en mai 1948.

Les localités de Karadag et Soudak étaient déjà mentionnées par Maleev (1947) pour P. tenuifolia. Il est probable que les deux espèces se rencontrent dans les mêmes zones.

Elle diffère de P. tenuifolia par ses dimensions réduites, ses feuilles à segments très courts, et ses carpelles beaucoup plus petits.

Rieck (1993) précise que P. lithophila pousse dans des zones très pierreuses, avec peu de terre, en compagnie de Teucrium chamaedrys. Thymus callieri, Festuca nipicola. Elle a été introduite dans quelques collections à partir de graines récoltées au mont Chatir-Dag. Hormis sa petite taille, elle ne présente pas de différences avec P. tenuifolia.


P. carthalinica Ketzchoveli, 1959

Tiges de 35-40 cm, glabres et abondamment feuillées. Feuilles bi à triternées, folioles allongées composées de 3 à 5 divisions de 1 à 3 mm de large; segments des feuilles de la base parfois plus larges. Pétales de 4 à 6 cm de long et 3 à 4 cm de large, rouge brillant. Filet des étamines pourpre, anthères jaunes; follicules tomenteux couverts de poils rougeâtres, allongés et étalés à partir du milieu, graines noires brillantes.

Originaire du centre et est de la Géorgie, dans les monts Carthli et Sheralski où se rencontre également P. tenuifolia. Mais Ketzchoveli précise que P. tenuifolia pousse dans les zones dégagées (steppes) tandis que P. carthalinica se rencontre plutôt dans les forêts claires de chênes, en lisière de forêt et au milieu de buissons épineux.

P. carthalinica a été citée dès 1935 par Ketzchoveli, dans un inventaire de plantes poussant en Géorgie. Elle a également été mentionnée en 1948 par Kemularia-Natadze dans la Flore de Géorgie, mais décrite seulement en géorgien.

La description originale par Ketzchoveli (1959) indique que les segments foliaires font 1 à 3 mm de large, ce qui est peu différent de P. tenuifolia; tandis que la photo du spécimen-type montre une plante assez différente par ses segments plus larges plutôt lancéolés et moins nombreux.

Kemularia-Natadze (1961) donne une description assez différente de celle de Ketzchoveli : tiges de 30 à 100 cm, feuilles découpées en segments linéaires étroits de 5 à 10 mm de large. Fleurs de 5-7 cm de diamètre, pourpre foncé; follicules couverts d'une pubescence jaunâtre, rarement rougeâtre, devenant jaune-grisâtre à maturité; graines marron-noir.

Elle suppose que P. carthalinica est peut-être identique à P. biebersteiniana dont la différence majeure est l'aspect grisâtre du feuillage et la présence de poils sous les folioles le long des nervures. Néanmoins P. carthalinica nécessite des observations supplémentaires dans ses conditions naturelles de développement pour être réellement différenciée de P. biebersteiniana; aussi elle reste reconnue comme une espèce distincte.

Paeonia tenuifolia a été mentionnée pour la première fois en 1757 par Zinn, dans le catalogue du Jardin Botanique de Göttingen. Elle était alors appelée Paeonia laciniis foliorum linearibus. Linné (1759) l'a seulement nommée P. tenuifolia, foliolis linearibus dans la 10e édition du Systema Natur. et l'a enfin décrite en 1762 sous son appellation actuelle. Il citait en référence le nom donné par Zinn et précisait qu'elle est originaire d'Ukraine. Par sa morphologie particulière, Linné considérait presque cette espèce comme étant issue du croisement entre une pivoine et l'adonis des Appenins (Adonis vernalis).

Elle apparaît encore sous le nom de Paeonia foliis linearibus multipartitis, donné par Gmelin en 1769.

Paeonia tenuifolia est une espèce de morphologie très variable. On peut en effet observer des plantes avec un feuillage très ample ou relativement compact, avec des segments foliaires de moins de 1 mm de large à près de 3 mm. La hauteur des plantes peut varier de 20 cm à 50 cm. Certains sujets ont même tendance à être stolonifères.

Schipczinski (1937) et Nyàràdy (1953) indiquent que cette espèce peut rarement produire deux fleurs sur une même tige. Rieck (1993) mentionne ce même caractère pour P. lithophila mais affirme ne l'avoir jamais observé. Les plantes observées dans les jardins sont toujours uniflores.

Cette variabilité est visible dans les jardins et se confirme également dans la nature où, dans une même population, se rencontrent des formes différentes dont certaines ont été décrites comme des espèces distinctes. Ainsi, P. lithophila semble n'être qu'une forme miniature de P. tenuifolia accentuée par des conditions écologiques xérophytes. La forme parviflora mentionnée par Nyàràdy semble également très similaire à P. lithophila.

P. biebersteiniana considérée comme endémique, est disséminée dans l'ensemble de l'aire de répartition de P. tenuifolia. P. cathalinica ne semble pas en être différente.

Borodin (1985) et Takhtajan (1988) incluent P. biebersteiniana, P. carthalinica et P. lithophila dans P. tenuifolia. Punina (1987-1989) ne reconnaît également que P. tenuifolia dans ses études sur les pivoines du Caucase.

P. lithophila et P. biebersteiniana ne sont pas mentionnées dans Flora Europaea alors que Jalas & Suominen (1991) traitent P. biebersteiniana comme simple synonyme de P. tenuifolia.

La principale difficulté pour l'étude de ces espèces vient du fait qu'elles ont été décrites dans des publications peu accessibles et qu'aucun spécimen ne figure dans les herbiers occidentaux (Paris, Kew...). Les premières informations ont commencé à être diffusées par Ray Cooper (1988) dans une réactualisation taxinomique de la monographie de Stern, à l'attention des amateurs de pivoines du SPIN (Species Peonies International Network) ; puis par Irmtraud Rieck dans un article consacré à P. tenuifolia dans la revue allemande Gartenpraxis.

Des graines de P. lithophila, P. carthalinica et P. tenuifolia subsp. biebersteiniana récoltées dans la nature commencent à être diffusées. Cela permettra de mieux les étudier, sous réserve que ces graines proviennent bien de plantes conformes aux descriptions de ces espèces. Ainsi, les premières observations sur P. lithophila ne montrent aucune différence par rapport à P. tenuifolia.

Paeonia tenuifolia est une espèce basse intéressante pour la rocaille, décorative par son feuillage finement découpé. Il existe également une forme rosé et un cultivar à fleurs très doubles qui fleurit une quinzaine de jours après la forme simple.


P. x saundersii Stebbins, 1939

Synonymes : P. tenuifolia x P. triternata Maleev, 1947

Plante haute, feuilles à segments largement lancéolés de (4) 7 à 12 mm de large, fleurs rosé-violacé de 9 à 12 cm de diamètre, pétales largement obovoïdes de 5 cm de long et 3,5 cm de large. Floraison en mai

Hybride naturel entre P. tenuifolia et P. mascula subsp. triternata, originaire de Crimée dans les monts Dara-Bair (près de Feodosia) et Aï-Pétri près de Yalta.

P. x saundersii diffère de P. tenuifolia subsp. biebersteiniana par ses folioles plus larges et ses fleurs rosé-violacé, de même couleur que celles de P. mascula subsp. triternata.

Les premiers échantillons de cette pivoine ont été récoltés en 1930 par Vassiliev et étudiés en 1937 par Maleev qui publia seulement une description en russe. Il publia ensuite dans la Flore de Crimée (1947) la description en latin de cet hybride.

Auparavant, Stebbins (1939) avait décrit un hybride de même parenté obtenu artificiellement par Saunders aux États-Unis.

Maleev (1947) place en synonyme de cet hybride P. hybrida citée par Pallas (1795) dans le « Catalogue des végétaux spontanés observés en Tauride ». Ainsi, P. hybrida de Crimée désignerait les formes de P. tenuifolia à segments larges car Maleev la place également en synonyme de P. tenuifolia var. biebersteiniana.


P. x majko Ketzchoveli, 1959

Tiges de 50 à 70 cm, glabres, portant de nombreuses feuilles. Feuilles bi ou triternées, folioles lancéolées de 4,5 à 10 cm de long et 7 à 11 mm de large, pro fondement découpées. Fleurs larges, pétales de 4,5 cm de long et 3 à 4 cm de large, rose-rouge violacé. Anthères jaunâtres, filaments pourpre foncé. Follicules allongés-étalés, tomenteux, couverts de poils blanchâtres ou rougeâtres.

Originaire de Géorgie, dans les monts Carthli près de Igoithi, sur les versants nord au milieu des chênes et charmes.

P. x majko est un hybride naturel entre P. tenuifolia et P. caucasica. P. caucasica étant très proche de P. mascula subsp. triternata, il est probable que P. x majko soit similaire à P. x saundersii. Ainsi, Kemularia-Natadze (1961) considère P. x majko, P. x saudersii et P. hybrida, originaire de Sibérie, comme des races géographiques. Elles sont regroupées dans une



LES PIVOINES

ÉTUDE SYSTÉMATIQUE DU GENRE PAEONIA L.

Plantes de Montagne et de Rocaille

Société des Amateurs de Jardins Alpin

1999:191 574-583

Groupe Anomala

Ce groupe comprend Paeonia anomala, largement répartie de la Russie d'Europe jusqu'à la Chine et P. veltchii, originaire de Chine, espèces bien présentes dans les collections. P. emodi, généralement traitée dans le groupe Lactiflora est replacée dans ce groupe car elle présente des affinités avec P. anomala et P. sterniana. P. sinjiangensis et P. altaica, espèces chinoises inconnues dans les jardins sont également mentionnées.


P. anomala Linné, 1771

Synonymes : P. laciniata Pallas, 1788

P. sibirica Pallas, 1788

P. hybrida Pallas, 1788

P. intermedia C.A. Meyer ex Ledebour, 1830


subsp. anomala

Synonymes : P. anomala var. hybrida (Pallas) Trautvetter, 1860

P. anomala var. hybrida forma intermedia (C.A. Meyer) Tautvetter, 1860

P. anomala var. typica sensu Regel, 1861 et Huth, 1891

P. anomala var. nudicarpa Huth, 1891

P. hybrida var. typica Krylov, 1901

P. hybrida var. intermedia (C.A. Meyer ex Ledebour) Krylov, 1901.

P. anomala var. intermedia (C.A. Meyer ex Ledebour) B. Fedtschenko,1905

P. anomala var. angustifolia I.M. Krasnoborov, 1975

Tiges de (20) 40 à 80 (100) cm. Feuilles biternées glabres au-dessous, avec de minuscules poils sur la face supérieure le long des nervures principales. Folioles principales brièvement pétiolées, divisées en nombreux segments de 0,3 à 2,5 cm de large, le segment terminal subulé. Fleurs rosé foncé ou rouges de 7 à 13 cm de diamètre, étamines jaunes, 2-3 à 5 follicules glabres à pubescents de 2 cm de long, graines noires. Floraison fin mai-juin.

2n = 10 : Lavrenko & Serditov (1985-86; nord de la Russie d'Europe, république autonome des Komi).

Large distribution en Russie : nord de la Russie d'Europe (régions arctiques de la presqu'île de Kola jusqu'à l'Oural, plaines le long des monts Oural), Sibérie (plaines de l'Ob, lénisséi, Lena, monts Altaï et Saïan).

Asie Centrale : sud et est du Kazakhstan (sud de l'Oural, Altaï, ouest du Tien Shan, Dzungarie, Ala Tau, Tarbagataï), centre et nord du Tadjikistan (Pamir Alaï, monts Hissar), sud-est de l'Ouzbékistan, Kirghizistan.

Nord et centre de la Mongolie (monts Khangaï, région de Dahran), Chine (nord-ouest du Xinjiang, dans les montagnes entre 1200 et 2 900 m).

C'est l'espèce la plus septentrionale, qui dépasse le cercle polaire dans la presqu'île de Kola et au nord de la Sibérie. Elle pousse dans des forêts claires, montagnes et steppes, au milieu de buissons.

Elle est inscrite dans les Livres Rouges de la flore menacée de Russie (Takhtajan, 1988), Yakoutie (Andrejev, 1987), Kirghizistan (Tkatchenko & Assorina, 1978), Kazakhstan (Vintergoller, 1976).

La présence de P. anomala dans les plaines de la région de Ouralsk (Kazakhstan, au nord de la mer Caspienne) mentionnée par Gamaiounova (1961) est très douteuse. Elle est également indiquée sans certitude par Hultén & Pries (1986). Cette région est en effet très peu éloignée des limites de la zone de répartition de P. tenuifolia (région de Saratov). Mais celle-ci n'est pas mentionnée dans la flore du Kazakhstan.

Cullen & Heywood (1964) précisent que la plupart des P. anomala en Europe correspondent à la variété intermedia et que la variété anomala à follicules glabres est limitée à une partie de l'Oural.

Pan (1979) reconnaît également en Chine P. anomala var. intermedia. Cependant, une étude récente menée par des botanistes chinois (Hong, Pan & Li 1994) a démontré que les carpelles de cette variété peuvent être soit complètement glabres, plus ou moins pubescents en jeunesse et glabrescents en fruits ou plus fréquemment, fortement duveteux; et cela au sein d'une même population.

De ce fait, ils proposent de considérer P. anomala var. intermedia comme synonyme de P. anomala.

La description de P. anomala var. angustifolia est très succinte : tiges jusqu'à 50 cm de haut, segments foliaires lancéolés de 5 à 10 mm de large, fleurs de 6-7 cm de diamètre. Floraison en juin.

Cette variété est originaire du sud de la Sibérie, à l'ouest des monts Saïan, dans des forêts de conifères autour de 1700 m. Néanmoins, ses caractères distinctifs : taille de la plante assez réduite, folioles étroites; et son origine géographique (l'ouest des monts Saïan est peu éloignée de la région de Barnaul) rapprochent cette variété de P. hybrida.

Cependant, rien ne la distingue des caractères généraux de P. anomala, dans laquelle est incluse P. hybrida. La variété angustifolia est donc placée comme synonyme de P. anomala subsp. anomala.


subsp. pamiroalaica (P.N. Ovchinnikov) R. Cooper, 1988

Basionyme : P. intermedia subsp. pamiroalaica P. N. Ovchinnikov, 1975

Diffère du type par ses feuilles tri ou quadriternées; segments primaires longuement pétioles, segments ternaires longs, largement lancéolés et entiers; fleurs de grande taille avec au moins 5 sépales dont deux foliacés et 8 à 14 pétales. Floraison en juin. Originaire du Tadjikistan, dans les monts Hissar (ouest du Pamir Alaï), où elle pousse dans les zones subalpines entre 2500-3000 m, dans les prairies et au milieu des arbustes.

La description de cette sous-espèce est assez imprécise, elle semble peu différente de la sous-espèce anomala. L'absence de spécimens d'herbier ou de plantes en culture ne permettant pas de juger ses caractères, P. anomala subsp. pamiroalaica est maintenue comme une sous-espèce distincte.

Paeonia anomala a été mentionnée pour la première fois par Gmélin dans le 4e volume de Flora Sibirica (1769) sous le nom de Paeonia fructibus quinque glabris patentibus (Pivoine à 5 fruits glabres étalés), dénomination non conforme au système linnéen. Linné l'a alors décrite en 1771 sous le nom de P. anomala, en citant la référence de Gmélin ; mais elle est encore citée sous son ancienne appellation dans le « Voyage en différentes provinces de l'Empire de Russie » de Pallas (1776), qui la nommait aussi P. lobata et P. quinquecapsularis.

Dans Flora Rossica, Pallas (1788) a établi une description précise de cette pivoine, nommée P. laciniata. Il plaçait en synonyme P. anomala et citait la référence de Gmélin. Pallas indique qu'elle est originaire des versants de l'Oural et de toute la Sibérie jusqu'au fleuve Lena et au sud de la Sibérie. Il précise également que les racines de cette pivoine sont utilisées dans l'alimentation par les autochtones Mongols et Tatars de la région de Krasnoïarsk, tout comme P. lactiflora. P. sibirica est le nom donné à. l'illustration de P. laciniata (planche 85).

Pallas a décrit aussi dans cet ouvrage P. hybrida, originaire des versants sud de la vallée du fleuve Oural et près de Barnaul, sur l'Ob. Mais il la compare à une plante cultivée au Jardin Botanique de St-Petersbourg, apparue dans un semis de P. tenuifolia, plantée près de P. anomala; laissant supposer une origine hybride à P. hybrida. Cette observation est à l'origine d'un certain doute quant à l'identité de cette espèce.

Meyer (1830) distingue dans P. anomala (carpelles très étalés) une variété à carpelles glabres et une autre à carpelles pubescents. Il a décrit P. intermedia comme une espèce nouvelle, aux caractères intermédiaires entre P. anomala et P. officinalis. Elle diffère de la première par ses carpelles fortement pubescents plus érigés et de la seconde par ses folioles lancéolées non atténuées à la base. P. hybrida est reconnue comme une espèce distincte par ses folioles linéaires-lancéolées et ses carpelles pubescents.

L'utilisation de ces appellations a été très confuse. Ainsi, Pallas (1795) reconnaissait P. hybrida en Crimée, dans son «Catalogue des espèces de végétaux spontanés observés en Tauride» et précise qu'elle fait partie des espèces qui ne se rencontrent pas dans le reste de l'Empire de Russie, sauf dans le Caucase. Ce nom, a également été employé par Bieberstein (1808) pour une pivoine de la région de Stavropol (nord du Caucase).

Cette P. hybrida, différente de l'espèce de Barnaul, a été finalement décrite par Ruprecht (1869) sous le nom de P. biebersteiniana. Cependant, Baker (1884) considérait encore P. laciniata et P. hybrida comme deux variétés de P.

tenuifolia à segments larges; tandis que Lynch (1890) traitait P. hybrida comme une espèce distincte de P. tenuifolia, originaire du Caucase et de la Crimée.

Regel (1861b) reconnaît P. anomala comme le type à carpelles glabres (var. typica); tandis que Trautvetter (1860) a réduit P. hybrida au rang de variété de P. anomala, et P. intermedia comme une simple forme de la variété hybrida.

Huth (1891) a divisé P. anomala en 4 variétés : (alpha) typica, folioles de 10 mm de large, carpelles juvéniles pubescents, glabres à maturité; (beta) hybrida, folioles de 3-5 mm de large, carpelles comme le type, dans laquelle est incluse P. intermedia; (gamma) nudicarpa, carpelles juvéniles glabres; (delta) emodi, folioles de 20 à 40 mm de large, 1-2 carpelles pubescents.

Fedtschenko (1904) considère P. hybrida comme une plante d'origine hybride et reconnaît sous P. intermedia la forme naturelle originaire du sud de la Sibérie et du Turkestan. Il a toutefois réduit P. intermedia au rang de sous-espèce, puis de variété de P. anomala.

La variété intermedia a été reconnue par Stern (1946) comme étant le type à carpelles pubescents de P. anomala. Elle se rencontrerait dans les mêmes zones que le type à carpelles glabres, dans l'ensemble de l'aire de répartition de P. anomala.

Cependant, la plupart des botanistes russes considèrent que P. anomala présente aussi bien des carpelles glabres ou pubescents. L'appellation intermedia, limitée à certaines populations d'Asie centrale et du sud de la Sibérie, ne peut s'appliquer aux populations à carpelles pubescents de la partie européenne de l'aire de P. anomala. Celles-ci sont donc désignées sous l'appellation P. intermedia auct. par Orlova (1956) et Tolmatchev (1971).

Ces populations des montagnes d'Asie centrale et du sud de la Sibérie sont toujours reconnues comme une espèce distincte de P. anomala par la plupart des botanistes russes. Leur appellation varie selon deux tendances. Soit P. hybrida est considérée comme une dénomination confuse associant une plante d'origine hybride et ces populations sont appelées P. intermedia (Fedtschenko, 1904-1905; Ovchinnikov, 1975); ou bien P. hybrida est reconnue comme une espèce naturelle et l'espèce d'Asie centrale est traitée sous cette appellation dans laquelle est incluse P. intermedia (Schipczinski, 1937; Gamaiounova, 1961 ; Takhtajan, 1988; Vereschagina, 1991).

Selon Schipczinski (1937) P. hybrida diffère de P. anomala par sa taille plus basse (20 à 50 cm), ses feuilles avec des segments étroits, de 3-5 (10) mm et 2 à 3 carpelles fortement pubescents, graines marron-noir. Se basant sur le concept de Krylov dans la Flore de l'Altaï (1901), il distingue deux variétés :

var. typica, tiges de 20-30 cm, folioles de 3-5 mm.

var. intermedia, tiges de 50 cm, folioles de 4-10 mm.

Schipczinski précise que cette dernière variété ressemble à P. anomala mais que d'après la couleur de ses graines, sa façon de pousser et sa répartition dans les zones de steppe montagneuse plutôt qu'en forêt, elle doit être considérée comme une variété de P. hybrida.

Cependant, les diverses descriptions de P. hybrida ou P. intermedia dans les flores du Kazakhstan, Kirghizistan ou Tadjikistan indiquent une hauteur des plantes de 40 à 80-90 cm, un nombre de carpelles variant de 2 à 5. Stebbins (1939) a étudié avec précision l'origine de P. hybrida. Cette espèce a été décrite par Pallas en 1788 à partir d'une plante poussant dans le Jardin Botanique de St-Petersbourg, entre P. tenuifolia et P. anomala. Le caractère stérile de cette plante conduisait Pallas à supposer une origine hybride. Une pivoine identique mais fertile a ensuite été découverte dans la région de Barnaul et P. hybrida a enfin été reconnue comme une espèce vraie.

Saunders, vers 1930 a réalisé le croisement entre P. anomala et P. tenuifolia. Les plantes obtenues, identiques à la description et la planche illustrant P. hybrida dans « Flora Rossica » (1788) étaient stériles et possédaient exactement les mêmes caractéristiques que P. hybrida provenant du Turkestan; ces dernières plantes présentant un pollen complètement fertile non caractéristique d'une plante hybride.

Des plantes également très proches de P. hybrida étaient cultivées sous les noms de P. tenuifolia var. hybrida et P. tenuifolia var. latifolia. Ces plantes ont été reconnues comme tétraploïdes (2n=20) par Dark (1936) alors que P. tenuifolia et P. hybrida sont diploïdes. Elles sont également fertiles mais diffèrent de P. hybrida par leurs feuilles pubescentes au revers et les sépales et carpelles plus grands. Stebbins suppose que ces pivoines proviennent du sud de la Russie ; ou sont peut-être des hybrides de jardins d'origine inconnue, car il n'existe pas d'échantillons d'herbiers de ces variétés récoltés dans la nature.

P. hybrida est également assez semblable à P. x saundersii (P. tenuifolia x P. mascula subsp. triternata). Elle diffère essentiellement par ses folioles plus finement incisées, très peu ou non pubescentes et ses fleurs plus petites avec un disque presque absent et des follicules moins étalés à maturité.

En conclusion, Paeonia hybrida est reconnue sous trois aspects :

- Une pivoine originaire d'Asie Centrale et de l'Altaï, présentant de nombreuses affinités avec P. anomala, généralement traitée comme une espèce distincte par les botanistes russes.

- Une forme de P. tenuifolia à segments larges, originaire de Crimée, Caucase, Ukraine, autrefois nommée P. hybrida mais actuellement reconnue comme une sous-espèce de P. tenuifolia (subsp. biebersteiniana) ou comme une espèce disticte (P. biebersteiniana).

- Un hybride entre P. anomala et P. tenuifolia obtenu avant 1788 au Jardin Botanique de St-Petersbourg puis par fécondation artificielle par Saunders aux États-Unis mais qui présente exactement les mêmes caractères que la plante trouvée dans l'Altaï, hormis le fait d'être stérile.

Il est toutefois surprenant de constater qu'une pivoine obtenue par hybridation dans un jardin soit presque identique à deux populations découvertes dans la nature et distantes de près de 3 000 km, dans des zones où l'aire de répartition des deux parents respectifs ne se recoupe pas. D'une manière générale, les aires de répartition de P. anomala et P. tenuifolia sont totalement distinctes.

Stebbins (1939) considère que P. anomala est, avec P. emodi, l'une des espèces les plus primitives de la section Paeonia (espèces herbacées) car, de par la forme de ses feuilles, sépales et follicules, elle présente des affinitées avec P. delavayi (espèce arbustive).

P. delavayi (ou son ancêtre) s'était déjà différenciée au cours du Secondaire ou au début du Tertiaire (environ 100 millions d'années) pour donner naissance à la forme primitive de P. californica, présente en Californie. On peut donc admettre que P. anomala s'est différenciée de P. delavayi au cours de cette période.

Kemularia -Natadze (1961) précise que P. anomala et P. veichii dérivent d'un même ancêtre présent dans les forêts au cours dirtertiaire. Cerui-ci aurait évolué, du fait des changements climatiques et écologiques, en différentes espèces adaptées aux conditions de vie dans les steppes, dont P. tenuifolia serait le plus jeune descendant.

Cette lente évolution dans le temps explique peut-être la présence de deux taxons similaires dans des zones très éloignées; ainsi que la possibilité d'obtention d'un hybride identique à une plante trouvée dans la nature mais dont les parents sont géographiquement distintcs.


P. sinjiangensis K.Y. Pan, 1979

Racine principale plus ou moins pivotante, racines secondaires fines, droites et non fusiformes et fasciculées; tiges de 40 à 80 cm, feuilles pinnatifides, segments linéaires à lancéolés de 3,5 à 10 cm de long et 0,5 à 1,7 cm de large. Fleurs avec 3 à 5 bractées linéaires ou lancéolées de 5,5 à 10 cm de long et 0,3 à 2,1 cm de large, 5 sépales ovoïdes plus ou moins acuminés, de 2-2,5 cm de long et 0,6 à 1,1 cm de large; 9 pétales rouges, plutôt ovales, de 3,5 à 5 cm de long et 1,5 à 3 cm de large; 4 à 5 carpelles toujours glabres, graines noires. Floraison en juin-juillet.

Nombre chromosomique inconnu.

Répartition dans l'extrême nord de la province du Xinjiang (Dzoungarie, monts Altaï) entre les frontière de la Russie et de la Mongolie, où elle pousse dans des forêts de bouleaux, peupliers, mélèzes, entre 1100 et 2 000 m d'altitude.

En Chine, P. sinjiangensis se rencontre dans la même région que P. anomala qui est l'espèce la plus proche. Elle diffère toutefois par ses racines tubéreuses épaisses et fusiformes, des sépales courts non caudés, et des pétales cunéiformes. Ses feuilles sont également moins incisées que celles de P. sinjiangensis.

Elle présente aussi des affinités avec P. veitchii mais en diffère par ses tiges uniflores et ses folioles moins incisées.


P. altaica K.M. Dai & T.H. Ying, 1990

Tiges de 90 cm à 1,2 m, glabres. Feuilles ternées ou biternées à folioles pinnatifides. Segments lancéolés à étroitement lancéolés, de 3,5 à 15 cm de long et 0,5 à 4 cm de large, acuminés à l'extrémité et marge, verts et pubescents le long de la nervure principale au-dessus, vert-pâle et glabres au-dessous. 2 à 4 fleurs terminales et axillaires de 10 à 18 cm de diamètre; 2 à 3 bractées vertes, linéaires de 3,5 à 15 cm de long et 0,3 à 3 cm de larges; 5 sépales verts ou lavés de pourpre, ovoïdes à ovoïdes-arrondis de 1,5-2 cm de long et 1-2 cm de large, à extrémité longuement caudée; 6 à 13 pétales pourpres ou rosés, obovoïdes, à extrémité légèrement crispée, non émarginée, de 3 à 7 cm de long et 1,5 à 4 cm de large. Filet des étamines blanc; 2 à 5 carpelles coniques, de 1,2 à 1,8 cm de long, couverts d'un épais duvet jaunâtre, follicules pubescents de 1,5 à 3 cm de long, graines noires de 4 à 7 mm de long. Floraison fin mai-juillet.

Nombre chromosomique inconnu.

Chine, nord du Xinjiang, dans les régions de Habaho et Aletaï, où elle pousse entre 900 et 2 300 m. Elle a été récoltée pour la première fois en août 1985.

Dans leur étude, Dai & Ying (1990) comparent P. altaica à P. veitchii dont elle diffère essentiellement par ses fleurs plus larges, avec des pétales non émarginés à l'extrémité. Une analyse des grains de pollen des deux espèces a également montré que chez P. altaica, les grains de pollen sont subglobuleux et non allongés, les grains amylacés sont également plus petits que chez P. veitchii.

Toutefois, P. altaica se rencontre dans une région où pousse également P. sinjiangensis mais qui est relativement éloignée de l'aire de répartition de P. veitchii.

Hong, Pan & Li (1994) considèrent que Paeonia altaica avait été décrite comme une nouvelle espèce se distinguant par la présence de bourgeons ou d'une fleur axillaire et par ses pétales plus larges. Après une étude plus approfondie des spécimens-types et de récoltes personnelles, ils ont démontré que ces caractères sont variables et non constants. P. altaica a donc été réduite comme synonyme de P. sinjiangensis.

Selon la description d'origine, P. altaica se caractérise toutefois par sa taille nettement plus haute (90 à 120 cm), ses fleurs plus larges (10 à 18 cm) et par ses carpelles fortement tomenteux ; tandis que P. sinjiangensis mesure 40 à 80 cm, avec des fleurs de 5 à 9 cm de large et des carpelles glabres.

L'absence de ces espèces dans les herbiers et dans les collections, ne permettant pas de juger ces différences morphologiques, P. altaica est maintenue comme une espèce distincte de P. sinjiangensis.


LES PIVOINES

ÉTUDE SYSTÉMATIQUE DU GENRE PAEONIA L.

Plantes de Montagne et de Rocaille

Société des Amateurs de Jardins Alpin

1999:192 627-


Groupe Anomala

Cette partie traite de la fin du groupe Anomala avec P. emodi, P. sterniana et P. veitchii. Elle achève également l'étude complète des différents taxons du genre Paeonia.

Une dernière partie clôturera cette monographie. Elle traitera de P. mollis et P. bakeri, deux espèces douteuses reconnues dans la classification de Stern et abordera quelques nouvelles considérations sur la connaissance des pivoines, parues depuis le début de la publication de ces articles en 1996.


P. emodi Wallich ex Royle, 1834

Synonymes : P. alba Jacquemont, 1830 in herbier

P. emodi Wallich, 1831, nomen nudum

P. officinalis sensu Hooker f. & Thomson, 1855 pro parte, non Linné

P. anomala var. emodi (Wallich ex Royie) Huth, 1891

Tiges de 50 à 70 (100) cm portant 1 à 3 fleurs. Feuilles de la base biternées, glabres. Folioles assez étroites entière ou profondément incisées, décurrentes, longuement acuminées, elliptiques-lancéolées à lancéolées, de 12 à 17 cm de long et 1,5 à 5,5 cm de large, vert foncé au-dessus et vert pâle au-dessous, nervures marquées dans la face supérieure du limbe. Fleurs blanches de 8 à 12 cm de large, 5 sépales foliacés, pétales obovoides de 4-6 cm de long et 3,5-4 cm de large, filets jaunes, 1 (2) follicule, ovoïde et tomenteux blanc-jaunâtre de 2 à 2,5 (4) cm de long, graines marron-noir brillantes. Floraison (mars) mai-juin.

2n = 10 : Stern (1944); Mehra & Remanandan (1972, échantillons de Gulmarg, Cachemire); Rau (1978)

Est de l'Afganistan (Nuristan), ouest de l'Himalaya : nord et ouest du Pakistan (Chitral, Belouchistan), nord et nord-ouest de l'Inde (Jammu et Cachemire, Himachal Pradesh, Uttar Pradesh), ouest du Népal, Chine (sud du Tibet, province du Xizang) dans les forêts de conifères entre 1 500 et 3 000 m, où elle forme de larges colonies.


forma glabrata (Hooker f. & Thomson) H. Hara, 1979

Basionyme : P. emodi var. glabrata Hooker f. & Thomson, 1872

Diffère du type par son carpelle glabre.

Cette forme se rencontre dans les mêmes zones que le type et, selon Rau (1978) il existe des individus intermédiaires entre les plantes à carpelles glabres et ceux à carpelles pubescents. Aussi, il considère le type à carpelles glabres comme simple synonyme.

De même, dans ses stations Paeonia emodi présente des fleurs avec un seul carpelle ou bien deux.

L'illustration de cette pivoine dans la flore de Chine montre une plante en fruit ayant produit trois fleurs sur la même tige, chaque fruit étant composé de deux carpelles pubescents. En fait, il semblerait que les plantes du Tibet aient strictement deux carpelles.

Paeonia emodi a été découverte pour la première fois en 1824 par R. Blinken, collecteur pour Wallich. Elle a également été trouvée en mai 1830 par Victor Jacquemont dans la vallée de la Jumna (Népal). Les échantillons qu'il a récoltés sont référencés sous le n° 668 dans son « Catalogue de Botanique » où figure une courte description manuscrite de cette nouvelle espèce nommée « Paeonia alba ». Il l'a récoltée de nouveau en juillet 1831 (n° 750). Ces échantillons sont conservés dans l'herbier du Muséum de Paris.

Les échantillons récoltés par Blinken ont été nommés Paeonia emodi par Wallich en 1831 mais sa description n'a été établie qu'en 1834. Le nom « Emodi » était le terme utilisé par les Grecs dans l'Antiquité pour désigner la partie ouest de l'Himalaya.


P. sterniana Fletcher. 1959

Tiges glabres de (30) 50 à 90 cm de haut. Feuilles biternées de 30 cm de long. Folioles glabres, profondément découpées en nombreux segments étroits, elliptiques ou elliptiques-oblongs, acuminés ou aigus à l'extrémité, de plus de 10 cm de long et 2 cm de large, vert foncé au-dessus et glauques au-dessous. Fleurs solitaires de plus de 8 cm de diamètre avec 4 sépales, les externes lancéolés et foliacés, les internes ovoides et apiculés; pétales blancs, obovoïdes de plus de 3,5 cm de long et 2 cm de large, minces comme du papier. Etamines à filets blancs et anthères jaunes; 3 à 4 carpelles glabres, vert-pâle. Follicules de 2,5 cm de long et 1 cm de large, écarlates, graines bleu-indigo. Floraison en avril-mai.

Nombre chromosomique inconnu.

Originaire du sud-est du Tibet (vallée du Tsangpo, province de Xizang) où elle pousse en compagnie d'arbrisseaux et en zones rocailleuses entre 2 800 m et 3 500 m. Elle est considérée comme endémique (Hong, 1997a).

Elle a été découverte la première fois en juillet 1938 par Franck Ludiow et George Taylor, puis de nouveau en avril 1947 par Ludiow, Sherriff et Elliot et identifiée comme P. mairei. Des graines ont été introduites en Angleterre où elle a été identifiée et décrite comme une espèce distincte.

Burrell (1997) donne des précisions sur cette pivoine peu connue. Ses feuilles, profondément incisées, sont relativement épaisses, à l'inverse de celles de P. emodi ou P. veitchii. Ses fleurs blanches sont assez semblables à celles de P. anomala. Quant à ses graines, leur forme serait plus proche de celles de P. ludlowii, espèce arbustive qui pousse également dans la vallée du fleuve Tsangpo.

Paeonia sterniana a été nommée en l'honneur de Sir Frederick-Claude Stern (1884-1967), jardinier, collectionneur de pivoines et auteur de la dernière classification du genre Paeonia, dans sa monographie « A Study of the Genus Paeonia » (1946).

Depuis sa redécouverte en 1947, elle n'a pratiquement jamais été observée dans la nature, mais "Ile a bientté retrouvée dans son habitat lors de l'expédition menée en 1996 par Hong De-yuan et ses collaborateurs (Hong, 1997a).

Elle est cultivée depuis 1948 au Jardin Botanique d'Edinbourg sous la référence L.S. & E. 14231 (récolte d'origine) et dans quelques collections privées.

Le positionnement de Paeonia emodi et P. sterniana dans la classification de Stern est assez complexe. Stern (1946) plaçait P. emodi aux côtés de P. lactiflora (groupe Lactiflora) et s'en distingue par ses folioles plus longues avec une marge non très finement dentée et un carpelle le plus souvent unique, généralement pubescent. Auparavant, Stebbins (1939) la considérait comme plus proche de P. anomala par ses sépales très allongés (courts chez P. lactiflora) et par ses follicules largement ovoïdes plutôt que étroits. Elle avait déjà été traitée comme une variété de P. anomala par Huth (1891).

Quant à P. sterniana, décrite après la publication de la monographie de Stern, elle a été placée dans la sous-section Paeonia (Dissectifoliae), près de P. veitchii, du fait de ses folioles profondément incisées.

Ces deux espèces à fleurs blanches, ne sont présentes que dans l'Himalaya. Leurs aires de répartition sont isolées et peu étalées, voire très restreintes pour P. sterniana. Surtout, elles ne se recoupent avec celles d'aucune autre espèce.

Leurs origines et affinités n'ont été étudiées que très récemment par Sang (1995). Par analyse de l'ADN de ces deux pivoines, il suggère qu'elles dérivent d'une hybridation relativement ancienne entre P. lactiflora, P. veitchii et P. mairei.

Finalement, P. emodi et P. sterniana seraient mieux traitées dans un groupe distinct, intermédiaire entre les groupes Lactiflora et Anomala.


P. veitchii Lynch, 1909

Synonymes : P. anomala sensu Maximowicz, 1890 non Linné var. veitchii

P. beresowskii Komarov, 1921

P. veitchii var. beresowskii (Komarov) Schipczinski, 1921

P. veitchii var. purpurea Schipczinski, 1921

Tiges de 30 à 80 cm. Feuilles biternées, folioles incisées en 2 à 4 segments entiers ou profondément découpés en lobes elliptiques-oblongs, acuminés, vert foncé, avec présence de poils le long des nervures au-dessus, vert pâle, glauques et glabres au-dessous. Fleurs généralement réunies par 2-3 à 5, de 5 à 9 cm de diamètre, rosé très pâle à rose-rouge foncé, pétales échancrés au sommet. Filets des étamines rosés, anthères jaunes, carpelles tomenteux, 2-3 (5) follicules de 1,5 cm fortement courbés à maturité, graines bleu azur. Floraison en mai-juin.

2n = 10 : Stern (1944); Hong, Zhang & Zhu (1988, échantillons du Sichuan et Shaanxi).

Originaire du centre de la Chine (provinces du Shanxi, sud du Shaanxi, est du Xizang, Gansu, est du Qinghai, ouest du Sichuan) dans les taillis et forêts des montagnes entre 1 800 et 4 200 m.

Elle a été découverte dans la région de Kangting (nord-ouest du Sichuan) et identifiée par Maximowicz comme P. anomala. La description de Lynch est basée sur des plantes récoltées dans la région de Tatsien (Sichuan) par Wilson pour les pépinières Veitch.

Cette description, relativement succincte et peu précise n'a été publiée qu'en anglais; elle est accompagnée d'une photo montrant un bouquet de Paeonia veitchii avec son feuillage nettement incisé. Elles sont toutefois reconnues comme description et illustration de référence par tous les botanistes.

P. beresowskii a été découverte en 1894 par M. Beresowski dans le nord du Sichuan (région de Sungpan), où elle pousse dans les prairies et taillis entre 3 000 et 3 500 m. Elle a été décrite au rang d'espèce, différant de P. veitchii par ses tiges uniflores, des fleurs blanches ou rosé pâle avec des sépales longuement acuminés et le plus souvent 2 carpelles très fortement tomenteux, ainsi que des graines noires.

Handel-Mazzetti (1939) la reconnaissait comme une variété de P. veitchii à fleurs rosés ou blanches et mentionnait un échantillon d'herbier présentant une fleur double.

Elle est considérée comme synonyme de P. veitchii par Stern (1946), Fang (1958) et dans la flore de Chine (Pan, 1979).

Elle est également ignorée ou traitée comme synonyme dans le Dictionnary of Gardening, European Garden Flora ou l'Index Hortensis, qui mentionnent cependant un cultivar 'Alba' (fleurs blanches) de P. veitchii.

Ray Cooper (1988) et Rogers (1995) traitent néanmoins P. beresowskii comme une espèce distincte car elle fleurirait deux semaines plus tard que P. veitchii et les hybrides descendant de P. beresowskii sont différents de ceux descendant de P. veitchii.

Des plantes obtenues sous le nom de P. beresowskii sont parfois présentes dans les collections mais diffèrent peu de P. veitchii.

var. leiocarpa W.T. Wang & S.H. Wang, 1979

Diffère du type par ses carpelles glabres.

Variété originaire de l'ouest du Sichuan (région de Tachin) et du sud du Gansu (région de Chouchiu) où elle pousse vers 2700m.

var. uniflora K.Y. Pan, 1979

Cette variété se caractérise par des tiges florales uniflores et des fleurs toujours simples.

Elle est présente dans les provinces du Gansu, nord-ouest du Sichuan (région de Kantze), Shaanxi (monts Huashan) et Shanxi (monts Wutaishan) entre 2 300 et 3 800 m.

Stern (1946) précise que de nombreux échantillons des herbiers de Kew et Edimbourg récoltés dans la région de Tatsien présentent des tiges uniflores mais que l'on peut observer la présence de bourgeons axillaires avortés.

Les botanistes chinois ont finalement différencié une variété à tiges uniflores. Toutefois, une P. veitchii plantée depuis plusieurs années dans un sol pauvre, au milieu des rochers, a toujours produit des tiges uniflores. Après avoir été transplantée en fin d'été 1996 et replantée dans un sol plus riche et profond, ce même plant a produit au printemps 1997 des tiges portant jusqu'à 3 fleurs.

Le caractère uniflore de certaines plantes récoltées dans la nature décrites comme une variété distincte, n'est peut-être qu'une variation écologique.

var. woodwardii (Stapf ex Cox) F.C. Stern, 1943

Basionyme : P. woodwardii Stapf ex Cox, 1930

Diffère du type par sa taille plus petite (30 cm) et par la présence de poils sur les tiges, pétioles et nervures principales de chaque côté de la feuille. Comme le type, elle présente des tiges pluriflores.

Variété originaire du Sichuan et sud du Gansu, entre 2 500 et 3 000 m.

L'histoire de cette variété est assez confuse. Elle a été récoltée en 1912 dans le jardin d'un monastère à Joni (Gansu) par George Fenwick-Owen, qui l'a également observée dans la nature; et a été introduite en Angleterre par Robert Woodward.

Elle a ensuite été mentionnée sous le nom de P. woodwardii par Cox (1930), Stern (1931), Saunders (1932), nom proposé par Balfour selon Stern (1931) ou Elwes (Stern, 1946). Et Saunders précisait qu'il n'avait jamais trouvé de description botanique pour cette espèce. Une description a néanmoins été établie par Stapf; mais de manière manuscrite et n'a jamais été publiée. De plus, Stern (1946) signale que cette description n'a été trouvée qu'après la mort de son auteur en 1933 soit après les premières mentions de P. woodwardii dans la littérature.

De ce fait, les plantes désignées sous le nom de P. woodwardii ne semblent pas correspondre à la description de Stapf. Ainsi, Cox (1930) associe cette espèce à un échantillon récolté par Farrer (n° 67) dans les montagnes près de Kwanting (Gansu). Farrer (1916, 1919) identifiait sans certitude cet échantillon comme P. beresowski, espèce officiellement décrite seulement en 1921.

Un spécimen de la récolte n° 67 est conservé dans l'herbier de Paris. La plante semble assez haute, avec trois fleurs sur la même tige et des feuilles assez larges, peu incisées. Elle n'est pas différente de P. veitchii.

Des plantes sont souvent présentes dans les collections sous le nom de P. woodwardii mais très peu présentent réellement des feuilles pubescentes.

Paeonia veitchii est une espèce très variable, dont certaines variations ont été décrites comme des variétés distinctes.

Saunders (1931) cultivait les formes veitchii, beresowskii et woodwardii dans son jardin. Il distinguait P. woodwardii par ses jeunes pousses de couleur bronze et ses fleurs rosées tandis que P. veitchii présente des jeunes pousses vert brillant et des fleurs rose-magenta foncé. Selon Saunders, P. beresowskii est une plante très similaire à P. woodwardii.

Il observait également que P. woodwardii fleurit deux semaines plus tôt que P. beresowskii et une semaine plus tôt que P. veitchii.

Stebbins (1939) se basant sur la clé de détermination de P. anomala et espèces apparentées établie par Komarov (1921), considère P. anomala comme une espèce collective comprenant P. veitchii, P. beresowski et P. woodwardii. Il précise que le caractère distinctif des sépales de P. beresowskii se rencontre également sur de nombreux échantillons de P. anomala originaires de Chine (P. veitchii); et mentionne une note de récolte de Joseph Rock qui signale la présence de plantes à fleurs blanches, rosés ou rose-rouge foncé dans une même localité (sud-ouest du Gansu, bassin du fleuve Tao, Rock n° 12235).

Quant à P. woodwardii, ses caractéristiques seraient intermédiaires entre P. veitchii et P. beresowskii; sa taille réduite et sa floraison précoce résultant d'une adaptation à une altitude élevée.

Enfin, parmi les nombreux échantillons d'herbier observés, certains seraient des formes de transition entre les trois formes, similaires aux hybrides entre ces différentes formes obtenus par Saunders.

Finalement, P. veitchii, P. beresowskii et P. woodwardii ne seraient pas trois espèces géographiquement distinctes, mais de simples variations écologiques d'une espèce polymorphe.

Les différentes variétés de P. veitchii actuellement reconnues ne sont certainement à considérer que comme de simples synonymes de cette espèce.

I. & G. Rieck (Bad-Rappenau, Allemagne), ont pu observer fin mai 1997 P. veitchii en fleur à l'état naturel dans la province du Sichuan. Dans une même station, les plantes sont très variables en taille, aspect du feuillage, nombre de fleurs par tige et couleur des pétales. Elles poussent sur des terrains en pente, en sous-bois, dans les rochers ou au pied des arbustes, formant

des colonies assez importantes. De nombreuses plantes sont arrachées pour l'usage médical.

Certaines formes ont toutefois été introduites en culture, mais il n'est pas certain que ces plantes soient conformes aux spécimens-types. Ainsi, Saunders (1931) ne mentionne pas l'aspect pubescent des feuilles de P. woodwardii; ce qui explique peut-être que la plupart des plantes en culture sous ce nom sont des plantes assez basses, à fleurs rosés mais à feuilles complètement glabres.

Elles dérivent probablement toutes de mêmes souches introduites en Angleterre ou aux Etats-Unis, mais différentes des plantes récoltées par Farrer.

Paeonia veitchii est une pivoine bien présente dans les collections, dont les divers spécimens reflètent bien la variabilité de cette espèce. Elle est de culture facile et de croissance rapide. Les formes les plus basses sont intéressantes pour la rocaille.

LES PIVOINES

ÉTUDE SYSTÉMATIQUE DU GENRE PAEONIA L.

Plantes de Montagne et de Rocaille

Société des Amateurs de Jardins Alpin

2000:193 5-6


ESPECES DOUTEUSES

La classification de Stern comporte deux espèces qui n'ont jamais été trouvées dans la nature. Elles sont étudiées en marge des espèces naturelles.


P. bakeri Lynch, 1890

Tiges pubescentes, rougeâtres, jusqu'à 60 cm. Feuilles biternées composées de 13 à 15 folioles généralement entières hormis la terminale, fortement incisée. Folioles ovales ou ovoïdes, de 7 à 10,5 cm de long et 3,5 à 6 cm de large, largement cunéiformes à presque tronquées à la base, aigiies à l'extrémité, vert foncé au-dessus, glauques et pubescentes au-dessous et le long des pétioles. Fleurs de 12 cm de diamètre, rosé foncé, filet des étamines rouge, 3 carpelles fortement tomenteux, arqués.

2n = 20 : Stern (1944).

Cette espèce, décrite à partir d'une plante cultivée au Jardin Botanique de Cambridge, n'a jamais été trouvée dans la nature. Selon Stem (1946), elle serait proche de P. mascula subsp. arietina mais en différerait par la forme de ses folioles, plutôt ovales, aiguës à l'extrémité et sa taille plus importante.

Ayant constaté qu'elle se reproduisait fidèlement par semis, Stern la traitait comme une espèce naturelle, bien que son origine soit inconnue. Il l'incluait dans le groupe Arietina aux côtés de P. rhodia et P. arietina.


P. mollis Andersen, 1818

Synonymes : P. sessiliflora Sims, 1826

P. villosa Sweet, 1826

Tiges de 30 à 40 cm glabres ou légèrement pubescentes. Feuilles biternées, divisées en 21 à 25 segments étroits, oblongs à elliptiques, aigus à l'extrémité et souvent confluents à la base, verts et glabres au-dessus, glauques et couverts d'un duvet blanc au-dessous. Fleurs en coupe d'environ 7 cm de diamètre, posées sur le feuillage, pétales ovales rouges ou blancs. Filets des étamines rouges ou jauftâtres, anthères jaunes, 2 à 3 carpelles fortement tomenteux. Floraison en mai.

2n = 20 : Stern (1946)

Andersen (1818) a décrit cette espèce d'après une plante cultivée par le collectionneur anglais Joseph Sabine. La plante d'origine a été obtenue par les pépinières Loddiges and Sons à partir de graines envoyées par Pallas de Sibérie sous le nom de P. anomala. Andersen supposait toutefois, que les graines provenaient de Crimée, où Pallas a passé les dernières années de sa vie.

Elle a été illustrée dans le Botanical Register (1820). Dans le texte accompagnant la planche, elle était également supposée provenir du sud de l'Empire de Russie ou de la Crimée.

Quant à Stern (1943), il suggérait que cette pivoine était originaire du sud de la France. Dans sa monographie (1946) il la considérait toutefois comme étant d'origine cultivée car il n'en existe aucun échantillon d'herbier. Elle serait très proche de P. humilis var. villosa (P. officinalis subsp. huthii) mais en différerait par sa taille plus élevée, ses folioles sessiles et ses fleurs subsessiles. Néanmoins la planche du Botanical Register (n°474), jugée excellente par Stern, montre une pivoine avec des folioles assez larges, peu aigiles et peu divisées en segments secondaires. Le dessin d'une feuille accompagnant cet article est conforme à la planche 474 mais sans comparaison avec la sous-espèce huthii.

Finalement, il est possible que P. mollis provienne de graines récoltées par Pallas dans un jardin; ou que cette plante ne soit qu'une forme de pivoine officinale cultivée par Loddiges and Sons sous une fausse dénomination.

P. sessiliflora a été décrite d'après une plante à fleurs blanches, très proche de P. mollis. Sims (1826) précise qu'elle a été introduite du continent par Whitley; mais que son origine est inconnue.

Elle est placée comme synonyme de P. villosa (au sens de Sweet) par Lynch (1890) qui la considère comme très proche de P. mollis, différant seulement par ses pétioles secondaires très courts et ses fleurs blanches. Mais Stern (1946) inclut cette P. villosa et P. sessiliflora dans P. mollis.

Stern considérait également P. pubens, décrite et illustrée dans le Curtis's Botanical Magazine (Sims, 1821) et dans Icônes Florae Germanicae (Reichenbach, 1840) comme synonyme de P. mollis. Toutefois cette pivoine présente des tiges et feuilles très pubescentes, les folioles sont étroites et longuement terminées en pointe. La fleur est portée par un pédoncule plus long que chez P. mollis. P. pubens semble plutôt être à inclure dans P. officinaUs subsp. officinalis.


LES PIVOINES

ÉTUDE SYSTÉMATIQUE DU GENRE PAEONIA L.

Plantes de Montagne et de Rocaille

Société des Amateurs de Jardins Alpin

2000:194 70-80


Nouvelles Considerations sur Les Pivoines de La Section MOUTAN

La section Moutan qui comprend l'ensemble des espèces arbustives, a été traitée dans Plantes de Montagne n° 179, publié en 1996. La connaissance de ces pivoines ayant beaucoup évolué ces dernières années, un résumé des études

récentes est donné ici.


Sous-section Delavayanae F.C. Stern, 1946

Elle ne comprend plus que deux espèces à fleurs jaunes ou rouges originaires du Yunnan, Sichuan et Xizang. P. lutea et P. potaninii, considérées par Stern comme des espèces distinctes, sont incluses dans P. delavayi, selon le point de vue de Hong, Pan & Yu (1998). Mais leur taxonomie reste controversée.


P. delavayi Franchet, 1886

Synonymes : P. lutea Delavay ex Franchet, 1886

P. potaninii Komarov, 1921

P. potaninii var. trollioides (Stapf ex F.C. Stern) F.C. Stern, 1943

P. potaninii forma alba (Bean) F.C. Stern, 1946

Stern (1946) traitait P. delavayi, P. lutea et P. potaninii comme trois espèces distinctes d'après la couleur des fleurs, le nombre de bractées et sépales et l'aspect végétatif. Fang (1958) après l'étude d'échantillons d'herbier récoltés par les botanistes chinois, reprend également ce concept et les caractères distinctifs évoqués par Stern.

Toutefois, Finet & Gagnepain (1904) après une étude des échantillons de l'herbier de Paris récoltés par Delavay avaient déjà réduit P. lutea au rang de variété de P. delavayi car certaines fleurs présentent des pétales jaunes tachés de pourpre. Ils précisent également que « Franchet a nommé P. Delavayi des échantillons qui ne sont distincts en quoi que ce soit du P. lutea, tant sont grandes les affinités entre les deux soi-disant espèces ».

Pan (1979) dans la Flore de Chine, a repris le point de vue de Finet & Gagnepain. Il traite donc P. delavayi au rang d'espèce et P. lutea et P. potaninii comme variétés de cette espèce. La variété lutea regroupe toutes les plantes à fleurs jaunes, dont P. potaninii var. trollioides.

En effet, l'aire de répartition de ces pivoines se chevauche nettement, favorisant l'apparition de formes de transition. Ainsi, Osti (1991) a observé dans les régions de Kunming et Lijiang (Yunnan) des individus typiques de P. delavayi, P. lutea et P. potaninii mais avec la présence dans ces populations de plantes intermédiaires par la couleur des fleurs (plus ou moins foncée à

presque noire ou jaune maculé de rouge), la couleur des étamines (jaune ou rouge foncé) ou la taille (plantes basses et drageonnantes à des individus de près de 2 m).

Enfin, ces plantes s'hybrident facilement entre elles et des sujets à caractères intermédiaires se rencontrent fréquemment dans les jardins.

Les études sur le terrain menées par Hong, Pan & Yu (1998) dans la plupart des populations des provinces du Sichuan, Yunnan et Xizang ont permis de conclure qu'il n'existe aucune corrélation entre la couleur des fleurs, l'aspect du feuillage, le nombre de bractées et sépales ou la taille des plantes. Aussi, rien ne justifie la reconnaissance de trois espèces distinctes ou de variétés au sein de P. delavayi.

Toutefois, ce concept est peu admis en Occident car la classification de Stern (1946) fait toujours autorité, tandis que le travail des botanistes chinois reste difficilement accessible. De plus, ces pivoines sont assez répandues dans les collections et les jardiniers cherchent le plus souvent à obtenir des plantes conformes aux types décrits à l'origine. Aussi, la plupart des ouvrages actuels diffusés à un public large continuent de traiter P. delavayi, P. lutea et P. potaninii comme trois espèces distinctes.


P. ludlowii (Stern & Taylor) Hong, 1997

Basionyme : P. lutea var. ludlowii Stern & Taylor, 1951

2n = 10 : Hong (1997a, échantillon du Tibet près de Zhare, nord du fleuve Yarlung Zangbo)

Endémique du sud-est du Xizang (Tibet), dans les provinces de Mailing, Nyingchi et Lhunze, près des gorges du fleuve Yarlung Zangbo, entre 2900 et 3500 m. Elle pousse dans les sous-bois de Picea likiangensis et Abies spectabilis, sur sol acide.

La zone de répartition de Paeonla ludlowii, relativement restreinte, se situe à l'ouest de Lhassa, près des frontières avec l'Inde et le Bhoutan. Elle ne comporte que quelques localités, où cette espèce est directement menacée par l'arrachage. On utilise l'écorce des racines dans la médecine traditionnelle.

Stern (1947) la considérait comme une forme exceptionnelle de P. lutea qu'il a élevée au rang de variété de celle-ci. P. lutea var. ludlowii a ensuite été simplement ignorée dans les flores chinoises (Pan, 1979, 1985) et probablement incluse dans P. lutea.

Hong (1997a), lors de ses investigations sur les pivoines de la province du Xizang, a étudié en détail différentes populations de cette pivoine. Il a ainsi observé que les caractères distinctifs évoqués par Stern & Taylor (hauteur des plantes, taille et nombre des follicules) sont bien réels et constants. Il a également constaté que la variété ludlowii est exclusivement cespiteuse, formant

des arbustes composés de nombreuses branches serrées à la base. Cette variété n'est pas drageonnante et se multiplie uniquement par semis. A l'inverse, P. delavayi est une plante plus basse, drageonnante, avec de petites fleurs retombantes; des étamines rouge-pourpre et 3 ou 4 follicules de petite taille.

Ses feuilles sont également moins découpées est avec les extrémités aiguës. Sa propagation se fait par semis, mais surtout par drageons, formant de larges colonies.

En conclusion de ces observations, la variété ludiowii a donc été élevée au rang d'espèce.


Sous section Vaginatae F.C. Stern, 1946

Elle comprend 6 espèces dont certaines ont été identifiées récemment. Deux hybrides naturels sont également étudiés.


P. decomposita Handel-Mazzetti, 1939

2n = 10 : Hong & al. (1988, Barkam, Sichuan, sous P szechuanica)

Une étude des différentes populations de P. decomposita a permis d'identifier une nouvelle sous-espèce :


subsp. rotundiloba D.Y. Hong, 1997

Diffère du type par ses folioles plus larges, à extrémité aiguë ou brièvement obtuse, avec des lobes plus courts et plus larges ; fleurs avec 2 à 5 carpelles, le plus souvent 3 ou 4.

Présente dans le nord-ouest du Sichuan, dans la vallée du fleuve Mingjiang, près de Wenchuan, Maoxian, Lixian, Songpa... Ces populations diffèrent de celles de la région de Barkam par la forme de leurs folioles. Elles sont également géographiquement séparées par la chaîne Qionglai qui culmine à plus de 4000m.


P. rockii (S.G. Haw & L.A. Lauener) T. Hong & J.J. Li, 1992

subsp. rockii

Synonymes : P. rockii subsp. lanceolata Y.L. Pei & Hong, 1993 nomen nudum

P. rockii subsp. linyanshanii T. Hong & G.L. Osti, 1994

Type caractérisé par ses folioles lancéolées ou étroitement ovoides, généralement entières ou avec parfois 1 à 3 lobes.

Originaire du centre et sud du Gansu (région de Wenxian, Wudu..., en lisière de forêts de Pinus armandii vers 2800 m), Shaanxi (près de Lueyang), Henan (région de Songxian, Neixiang, dans des forêts d'orme entre 1000 et 1500 m), Hubei (près de Shennongjia, mont Baokang, dans les forêts entre 1400 et 2100m). Pei (1993) avait nommé P. rockii subsp. lanceolata les populations de l'ouest de la chaîne Qinling qui présentent des folioles lancéolées; mais n'a pas publié la description.

Ces populations ont été décrites officiellement par Hong & Osti sous le nom de P. rockii subsp. linyanshanii et le nom subsp. lanceolata apparaît encore dans le matériel étudié par Pei & al. (1995).

Dans l'herbier de Paris, un échantillon récolté en avril 1919 dans le sud-est du Gansu près de Wang Jia Wan par Licent (n° 5006) présente toutes les folioles entières, lancéolées. Il correspond bien à cette sous-espèce.

Dans un premier temps, la sous-espèce rockii était considérée comme le type à folioles dentées, le plus répandu dans les collections. Néanmoins, après observation de l'holotype de P. suffruticosa subsp. rockii, Hong De-yuan (1998) a montré que ce spécimen a des folioles plutôt lancéolées et généralement entières, en accord avec la description établie par Haw & Lauener. Aussi, la subsp. rockii a été reconsidérée comme étant le type à folioles lancéolées entières et P. rockii subsp. linyanshanii placée en synonyme de celle-ci.

Les spécimens à folioles dentées ont donc été décrits sous une nouvelle appellation :


subsp. taibaishanica Hong, 1998

Synonymes : P. moutan subsp. atava Brühl, 1896

P. suffruticosa cv. « Rock's Variety » (= cv. « Joseph Rock ») Stern,1959

P. suffruticosa subsp. atava (Brühl) S.G. Haw & L.A. Lauener, 1990

Diffère du type par ses folioles ovoïdes ou arrondies, généralement lobées.

Originaire des provinces de Shaanxi (mont Taibai, Longxian) et Gansu, près de Tianshui.

P. moutan subsp. atava a été décrite à partir d'un simple échantillon récolté en 1884 dans la région de Chumbi (sud du Tibet, près de la frontière du Bhoutan et du Sikkim). Brühl (1896) précise que les pétales sont blanc teintés de rosé, avec une large tache pourpre foncé près de la base. Il affirmait également qu'il ne fait aucun doute que cette sous-espèce pousse à l'état sauvage dans les collines près de Chumbi et qu'elle est la forme ancestrale des nombreuses variétés de jardin.

Hong De-yuan (1997a) et ses assistants ont mené des recherches en mai-juin 1996 dans la région de Chumbi, pour essayer de retrouver la pivoine récoltée par King. Les habitants de la région ne leur ont indiqué la présence d'aucune pivoine sauvage dans ce secteur. Ils ont en revanche trouvé un spécimen de P. rockii, cultivé depuis longtemps dans un temple près de Lhassa.

Du fait de cette découverte, et d'après la description des divers spécimens récoltés dans la région, Hong De-yuan conclut donc que P. moutan subsp. atava doit être considérée comme P. rockii introduite des monts Qinling par des moines et cultivés dans des temples.


P. jishanensis T. Hong & W.Z. Zhao, 1992

Le statut de cette espèce est aujourd'hui bien défini.

Hong D.Y. et Pei Y.L. (1993-1995) incluaient cette espèce dans P. suffruticosa subsp. spontanea, considérée comme la forme naturelle des cultivars. L'étude de deux individus présentant des caractères de P. suffruticosa a permis de déterminer la vraie forme naturelle de cette espèce. P. jishanensis est donc reconnue dans son rang d'espèce, défendu par Hong T. & al. (1992).


P. suffruticosa Andrews, 1804

Une nouvelle sous-espèce, considérée comme la forme originelle des cultivars, a été identifiée :


subsp. yinpingmudan Hong, K.Y. Pan & Z.W. Xie, 1998

Diffère du type par ses fleurs toujours simples, blanches ou rouge-pourpre pâle.

Cette sous-espèce n'est représentée que par deux individus, l'un à fleurs blanches poussant naturellement sur une falaise du mont Yinping (= mont Silver Screen); le second, à fleurs rouge-pourpre est cultivé dans un jardin près de Songxian, dans la province du Henan. Selon les habitants de la région, le spécimen du mont Yinping existerait à cette place depuis plus de 500 ans. Sa floraison vers le 20 avril est un véritable spectacle. Hong & Li (1993) l'ont considéré comme l'unique population natu-

relle de P. ostii subsistant de nos jours.

Cette plante a été photographiée par Josh Westrich lors de l'expédition menée par le professeur Hong Tao et le Dr Osti. Elle figure dans le livre du Dr Osti, Il Libro delle Peonie (1997) et dans un article de la revue allemande Gartenpraxis (Rieck, 1996).


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P. suffruticosa a été considérée par Haw & Lauener (1990) comme une espèce artificielle dérivant d'hybridations entre différentes espèces naturelles suivies de sélections. Ce point de vue est également suivi par T. Hong & al (1992), considérant ainsi qu'il n'existe pas de type naturel pour cette espèce.

Cependant, D.Y. Hong (1995-98) continuait de traiter P. suffruticosa comme un ensemble de cultivars dérivant d'une même espèce dont il existerait un type sauvage. Dans un premier temps ce type était supposé être P. suffruticosa subsp. spontanea, également décrite par T. Hong sous le nom de P. jishanensis.

Néanmoins, une étude précise des caractères de P. suffruticosa, P. jishanensis et de deux arbustes localisés dans les provinces de Anhui et Henan a été menée par D.Y. Hong, Pan & Xie (1998). Elle a permis de démontrer que ces deux arbustes présentaient assez de ressemblances avec les cultivars de P. suffruticosa pour être considérés comme leur forme naturelle; confirmant ainsi le statut d'espèce distincte pour P. jishanensis.

En effet, la feuille de P. suffruticosa subsp. yinpingmudan est composée de 9 folioles avec la terminale trilobée et les latérales légèrement dentées, complètement glabres; tandis que P. jishanensis présente des folioles très dentées, pubescentes. De plus cette espèce se propage essentiellement par des rejets tandis que la subsp. yinpingmudan n'en produit aucun.

Il faut noter toutefois que cette sous-espèce qui n'existe que par deux spécimens actuellement localisés, ne produit aucune graine car la plante est incapable de se polliniser avec son propre pollen. Sa survie n'est donc assurée que par son exceptionnelle longévité.


P. qiui Y.L. Pei & Hong, 1995

Synonyme : P. ridleyi Z.L. Dai & T. Hong, 1997

P. ridieyi a été décrite comme une espèce nouvelle présentant des feuilles composées de 9 folioles pubescentes au-dessous, le long des nervures et à la base; les latérales toujours entières et la terminale trifide avec une base cordée. Les fleurs sont composées de 5 Sépales et 10 pétales rosés avec une légère macule rouge pourpre. Le filet des étamines et le disque sont rouge pourpre, les 5 carpelles sont pubescents, soyeux, blanc-brunâtre.

Elle a été récoltée dans la province de Hubei, près de Baokang, où elle pouse dans les buissons autour de 1 400 m. Sa floraison a lieu début mai. Elle est nommée en l'honneur du Vicomte Ridley, ancien président de l'International Dendrology Society.

Hong T. & Dai (1997) comparaient les caractères de P. ridleyi à ceux de P. yananensis. Elle a cependant été rattachée à P. qiui par Hong D.Y. & Pan (1999), car aucun caractère ne permet de les distinguer. De plus, ces deux espèces se rencontrent dans la même chaîne de montagne.


P. ostii T. Hong & J.X. Zhang, 1992 (photo de couverture)

Synonyme ; P. ostii var. lishizhenii B.A. Shen, 1997

Arbuste de 1,5 m de haut. Feuilles composées de 11 à 15 folioles étroitement ovoïdes-lancéolées à longuement et étroitement lancéolées, de 5 à 10 cm de long et 2 à 4 cm de large. Folioles glabres sur les deux faces, avec souvent présence de poils à la base, base cunéiforme, arrondie ou tronquée et extrémité acuminée, entières, la terminale bifide ou trifide,. Fleurs de 12-13 cm de diamètre, simples, blanches parfois lavées de rosé, composées de 11 pétales obovoïdes. Filet des étamines, rouge pourpre. 5 follicules de 2 à 3,2 cm de long, fortement pubescents. Floraison de mi à fin avril.

Répartition très dispersée dans les provinces de Anhui (région de Tongling), Henan (Songxian, Neixiang,... dans les buissons autour de 1 200 m), Hunan, Shaanxi (Taibaishan), Gansu, Hubei (près de Baokang...)

P. ostii est présente essentiellement dans des temples et villages où elle est cultivée pour l'usage médical. Hong D.Y. & Pan (1999) indiquent qu'ils n'ont trouvé qu'une seule population naturelle, près de Lushi dans l'ouest du Henan P. ostii est cultivée dans les jardins en Chine depuis près de 1600 ans. Elle est à l'origine de nombreux cultivars. Le cultivar « Mudanpi » («Phoenix White») est une pivoine originaire de la province de Anhui, dans la région de Tongling près du mont Fenghuang (mont Phoenix). Ce cultivar a des fleurs blanches parfumées avec 8 à 16 pétales disposés en deux ou trois rangs; étamines et pistil se développent normalement et produisent une bonne fructification. Sa culture a débuté vers 1400 après J.C. au cours de la dynastie Ming (1368-1644); elle est toujours utilisée dans la médecine traditionnelle chinoise. Elle a été nommée en l'honneur de Gian-Lupo Osti, vice-président de l'International Dendrology Society, qui a participé aux recherches des pivoines arbustives

dans la nature avec l'équipe du professeur Hong Tao.

La variété lishizenii, originaire de la province de Anhui, a été décrite comme différant du type par ses feuilles toujours imparipennées ou bipennées, des folioles de 14 cm de long et 8 cm de large, des fleurs plus larges, de 14 à 20 cm de diamètre avec 10 à 15 pétales de 7 à 10 cm de long et 5 à 8 follicules de 3,5 à 4,5 cm de long. Elle est considérée comme la forme naturelle du cultivar «Phoenix White», mais ses caractéristiques n'en sont pas différentes. Elle a été rattachée au type ostii par Hong & Pan (1999).


HYBRIDES NATURELS


P. x yananensisT. Hong & M.R. Li, 1992

Arbuste de 40 cm de haut à feuilles bipennées composées de 11 à 15 folioles ovoïdes à ovoïdes-arrondies de 2,5 à 7,5 cm de long et 2 à 8,5 cm de large, aigiies à l'extrémité, étroitement à largement cunéiformes à la base, avec une marge plus ou moins profondément lobée et dentée. Folioles latérales subsessiles à pétiolées, plus ou moins pubescentes sur le pétiole, avec présence de longs poils au revers des folioles. Fleurs composées de 10 pétales blancs ou rosé-pourpre pâle avec une macule pourpre foncé à la base. Filet des étamines pourpre à la base, blanc à l'extrémité; disque et stigmate pourpre rougeâtre,

5 carpelles fortement pubescents. Floraison mi-mai.

Hybride entre P. rockii (subsp. taibaishanica) et P. jishanensis. Présente uniquement dans le district de Yanan au mont Wanhua où elle pousse de façon très dispersée dans les forêts de Platycladus (Thuya) orientalis. Elle est illustrée dans le livre du Dr Osti, // Libro délie Peonie (1997). Hong T. & Li (1993) précisent que le mont Wanhua (« mont aux 10 000 fleurs »)

est la seule localité en Chine où cohabitent des espèces naturelles et un grand nombre de cultivars, issus de P. jishanensis, P. yananensis et peut-être d'autres espèces encore inconnues; le caractère majeur permettant de distinguer les espèces-vraies des cultivars étant l'absence d'étamines pétaloïdes. Pei (1993)

considère toutefois P. yananensis comme une espèce douteuse.

Hong D.Y. & Pan (1999) ont étudié P. yananensis dans sa localité-type. Elle pousse en compagnie de P. jishanensis, près d'un jardin de pivoines où est également cultivée P. rockii. Ils concluent donc que P. yananensis est un hybride entre ces deux espèces qui se serait naturalisé au mont Wanhua. Ils considèrent également cet hybride comme un synonyme de P. papaveracea qui présente des fleurs similaires.

Toutefois, l'aspect du feuillage de cette pivoine est assez différent de celui de P. yananensis. En effet P. papaveracea présente des feuilles toujours composées de 9 folioles peu dentées avec la terminale trifide, assez proches de celles de P. suffruticosa. La planche 2175 du Botanical Magazine (Sims, 1820) et une photo dans The Garden (Haw, 1986) montrent bien l'aspect de ces feuilles. A l'inverse, la planche-type de P. yananensis (Hong T. & al., 1992) montre des feuilles composées d'un plus grand nombre de folioles fortement dentées. Ce feuillage est intermédiaire entre celui de P. rockii et P. jishanensis, confirmant

ainsi la parenté de l'hybride.

Au regard des différences morphologiques du feuillage, P. papaveracea est maintenue au rang de cultivar de P. suffruticosa.


P. x baokangensis Z.L. Dai & T. Hong, 1997

Arbuste de 1,5 à 2 m. Feuilles bipennées composées de 15 folioles pubescentes au-dessous à la base, le long des nervures et sur les pétioles. Foliole terminale pétiolée, ellipsoïde, de 7,5 à 9 cm de long et 4 à 5 cm de large; entière ou avec 1 à 3 lobes, base cordée ou cunéiforme. Folioles latérales ovoïdes-ellipsoïdes à ellipsoïdes de 4 à 9,5 cm de long et 2,2 à 5,7 cm de large, subsessiles ou avec un court pétiole; extrémité aigOe et base arrondie ou rarement cunéiforme. Fleurs composées de 5 bractées, 3 sépales, 11 pétales rosés avec une macule rouge. Filet des étamines et disque rouge-pourpre pâle; 5 carpelles soyeux blanc-jaunâtre avec un stigmate rouge-pourpre foncé. Floraison début mai.

Hybride entre P. qiui et P. rockii (subsp. rockii).

Présente uniquement dans la province de Hubei, près de Baokang. Dans la description d'origine, Hong T. & Dai (1997) comparent cette espèce à P. ridleyi dont elle diffère par ses feuilles bipennées composées de 15 folioles, avec la terminale ellipsoïde.

Hong D.Y. est ses collaborateurs ont étudié le spécimen-type, et recherché P. baokangensis dans sa localité. Ils ne l'ont trouvée que dans un village près de Houping, où elle a été introduite il y a plus de 20 ans des montagnes environnantes. Dans ce village sont également cultivées P. qiui et P. rockii provenant des mêmes montagnes, qui se sont hybridées entre elles dans ce lieu.

Mais P. baokangensis n'a pas été retrouvée dans les montagnes (Hong D.Y. & Pan,1999).

Actuellement la taxonomie des pivoines arbustives commence à se clarifier.

En effet, ces dernières années les botanistes chinois ont entrepris d'importantes recherches pour redécouvrir les pivoines récoltées depuis le début du siècle, déterminer leur statut et éventuellement découvrir de nouvelles espèces ou sous-espèces.

On observe toutefois deux tendances :


Hong Tao et ses collaborateurs (Académie Forestière Chinoise) ont décrit entre 1992 et 1997 cinq espèces nouvelles (P. jishanensis, P. ostii, P. ridleyi, P. yananensis et P. baokangensis) et reconnu la pivoine « Rock's Variety » comme une espèce vraie (P. rockii), pour laquelle une nouvelle sous-espèce a été identifiée (subsp. linyanshanii). Hong Tao considère P. suffruticosa comme une espèce artificielle dont il n'existe pas de type sauvage. Elle dériverait de croisements entre diverses espèces naturelles.

Hong De-yuan et ses collaborateurs (Académie des Sciences Chinoise) élèvent P. suffruticosa au rang de complexe comprenant P. rockii, P. jishanensis, P. suffruticosa P. qiui et P. ostii. Depuis plus de 10 ans ils ont effectué de nombreuses récoltes et observations dans les diverses populations naturelles du centre de la Chine. Depuis 1995, ils ont décrit une nouvelle espèce (P. qiui), clarifié le statut de P. rockii pour laquelle ils ont défini une nouvelle sousespèce (subsp. taibaishanica). P. suffruticosa est reconnue comme une véritable espèce dont la forme naturelle a été identifiée (subsp. yinpingmudan).

Enfin, les espèces identifiées par Hong Tao ont été à nouveau étudiées; P. ridleyi est considérée comme identique à P. qiui tandis que P. yananensis et P. baokangensis ne sont que des hybrides naturels.

P. decomposita conserve sa place dans la classification de Stern, au sein de la sous-section Vaginatae, mais ses caractères morphologiques et sa position géographique en font une espèce intermédiaire entredes deux sous-sections Delavayanae et Vaginatae.

Ces pivoines ne sont connues que de manière très confidentielle en Occident.

Seule P. rockii a été introduite depuis plusieurs décennies, mais reste confinée dans les collections. P. jishanensis est présente essentiellement sous forme d'échantillons d'herbiers (récoltes de Purdom et Licent dans les herbiers de Paris, Kew, Edinburgh) et peut-être cultivée dans quelques collections botaniques. Seule P. ostii et son cultivar « Phoenix White » ont commencé à être

diffusés. Quant aux autres espèces, elles restent complètement inconnues.

Enfin, quelques articles dans des revues de botanique et jardinage, en particulier ceux du Dr. Osti (The New Plantsman) et Irmtraud Rieck (Gartenpraxis), contribuent à faire connaître à un public plus large, ces nouvelles espèces et le travail de recherche des botanistes chinois.

Ainsi s'achève cette monographie du genre Paeonia dans laquelle ont été étudiées des espèces, sous-espèces et variétés actuellement décrites. Cependant, une révision complète de ce genre reste nécessaire. En effet, la dernière révision, publiée par Stern (1946) présente des imperfections dues à une classification artificielle, tandis que de nombreux taxons ont, depuis été décrits. Enfin, les techniques actuelles d'études chromosomiques permettent de mettre en évidence des affinités entre les espèces, qu'une étude basée sur des caractères morphologiques visuels ne permet pas de définir.

Ces considérations peuvent toutefois sembler éloignées des préoccupations du jardinier-collectionneur dont le seul but est d'introduire et de cultiver des espèces peu connues. On peut toutefois signaler que le genre Paeonia continue de faire l'objet de nouvelles introductions. Ainsi, P. mairei, découverte dès le début de ce siècle et toujours inconnue, vient de faire son entrée dans quelques collections (Prix de la meilleure introduction botanique, St-Jean de Beauregard,1999).

Une synonymie partielle ainsi qu'une bibliographie comprenant l'ensemble des ouvrages consultés pour cette étude est jointe à ce bulletin.

Je tiens à remercier toutes les personnes qui m'ont aidé et encouragé dans la réalisation de ce travail, mais plus particulièrement :

Irmtraud et Gottlob Rieck, Will McLewin, Yves Bernard, Suzanne Coûtant, Jean-Michel Spas, Claude Roy, Paulette Lebreton, Vladimir Valtchev, Robert Braito, Gian Lupo Osti, Denis Dujardin, Pierre Quentin.


ERIC SCHMITT

14, rue du château d'eau

80310 SAINT-VAST en CHAUSSEE